avec la collaboration de Audrey Miller et Stéphanie Dionne.
Plus que jamais, selon le chercheur John Hattie, l’expertise des enseignants doit être mise de l’avant car leur impact est plus déterminant que tous les autres facteurs dans leur cheminement scolaire des jeunes. Et ce serait vrai d’un bout à l’autre de la planète, depuis des dizaines d’années. C’est l’un des messages qu’il a rappelé à son auditoire lors d’une conférence le 25 février dernier.
M. John Hattie, en direct de la Nouvelle-Zélande, a donné une conférence virtuelle captivante à laquelle plus de 400 personnes ont assisté. L’événement était organisé par l’Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE). Le ministre de l’Éducation du Québec, M. Jean-François Roberge, était aussi présent pour l’occasion.
Depuis plus de deux décennies, le chercheur, qui a obtenu son doctorat à l’Université de Toronto en 1981, a consacré ses travaux à l’analyse des recherches et études scientifiques sur l’enseignement et l’apprentissage provenant de partout sur la planète. Il est notamment connu pour mesurer la taille d’effet de différents facteurs associés à un enseignement plus efficace, dans le but d’informer la prise de décision quant aux changements à envisager de façon prioritaire, ceux qui sont réputés avoir le meilleur impact sur la réussite, peu importe les spécificités propres au milieu.
D’entrée de jeu, il le reconnaît : toutes les classes du monde sont différentes. Le réflexe normal, reconnaît le chercheur, est de dire qu’on ne peut pas les comparer. Il sait qu’ils sont d’ailleurs nombreux à critiquer sa démarche et ses recommandations, mais il y voit un signe de l’intérêt qui leur est porté et de la nécessité de mieux les expliquer.
En effet, certains constats ne varient pas à travers les milliers d’études qu’il analyse depuis des années, avec des élèves uniques, qu’ils soient à Shanghai ou à Montréal.
Parmi les facteurs qui se trouvent en tête de liste, rien en lien avec le système scolaire, le profil des élèves, les programmes ou l’aménagement des écoles. C’est plutôt l’impact humain qui ressort, particulièrement l’effet que l’enseignant peut avoir sur ses élèves. « Pourtant, trop d’enseignants minimisent encore leur expertise. Ils devraient plutôt la crier sur tous les toits! », rappelle-t-il sans retenue.
Les modes de pensée de l’enseignant qui valorise et construit son expertise
Cette expertise enseignante n’est pas nécessairement présente au même titre partout. C’est pourquoi il a dressé une liste des modes de pensées qui caractérisent les enseignants ayant un fort impact sur la progression de leurs élèves.
Parmi ceux-ci, on retient la capacité à définir ses critères d’impact et à les évaluer, à percevoir l’évaluation des élèves comme une rétroaction de son impact auprès d’eux, à collaborer avec les collègues et les élèves pour progresser et accroître son impact, à se percevoir comme un agent de changement, à vouloir toujours faire mieux, à s’engager dans le dialogue (partage d’idées) plutôt que le monologue (transmission de savoirs), à construire des relations de confiance qui permettent aux autres de se sentir libres de faire des erreurs et d’apprendre, autant en classe qu’avec ses collègues, etc.
Il invite d’ailleurs les directions à repérer les enseignants qui ont un fort impact et à faire une grande place au partage de leur expertise au sein de leur équipe-école.
L’évaluation comme mesure d’impact de l’enseignement
Et on le définit comment, ce « fort impact »? Pour John Hattie, une piste importante est celle de l’évaluation. « L’évaluation devrait être utilisée par l’enseignant pour mesurer son propre impact auprès de ses élèves », affirme-t-il sans hésiter. En compilant les résultats d’une évaluation, chaque enseignant devrait se demander : qu’est-ce que cette évaluation m’indique sur mon enseignement? Avec qui ma façon d’enseigner a-t-elle bien fonctionné? Avec qui dois-je changer de stratégie?
Bien des élèves pourraient prédire eux-mêmes le résultat qu’ils obtiendront à un examen, fait-il remarquer. Faites l’exercice pour voir. L’examen lui-même n’apprend donc pas grand chose à l’élève sur lui-même, mais il donne beaucoup d’informations à l’enseignant. C’est la rétroaction qu’il obtient sur l’impact de son enseignement.
Le professeur Hattie estime par ailleurs que les futurs enseignants devraient avoir l’occasion d’être initiés à cette façon de voir les choses dès leur formation initiale.
Faire connaître l’expertise des enseignants
Pour que « ce qui marche » se propage dans tous les milieux scolaires, il invite les leaders pédagogiques à repérer dans leurs écoles ces enseignants qui ont un impact fort sur leurs élèves et à les inviter à partager leur expertise. Ces enseignants doivent être mis en valeur. Ils existent dans chaque milieu, ils doivent avoir l’occasion d’être reconnus et d’influencer positivement leurs collègues. Pour cela, il faut toutefois qu’un climat de confiance, où les « vraies choses » peuvent être dites entre collègues, soit d’abord instauré. Ce n’est pas facile, mais l’impact est impressionnant.
En conclusion, le professeur Hattie a tenu à saluer le professionnalisme des enseignants qui ont transformé leur pratique depuis le début de la pandémie. « Ils devraient être nommés personnalité de l’année! Certains enseignants ne maîtrisaient pas du tout les technologies, mais ils se sont adaptés pour le bien de leurs élèves. C’est une preuve de leur compétence et de leur rôle central. »
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Dans un prochain article, on poursuit le compte rendu de cette conférence particulièrement riche, en abordant la valorisation du progrès avant celle du succès. À suivre!