J’attends beaucoup de mes élèves autant du côté scolaire qu’au niveau comportemental. Même en pandémie, même s’ils sont au régulier dans une école publique. En fait, j’attends beaucoup d’eux surtout parce que je crois qu’en ces temps incertains, ils en ont vraiment besoin.
Fondements théoriques
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec l’effet Pygmalion (Rosenthal & Jacobson, 1968), c’est le fait que les croyances de l’enseignant quant à la capacité de ses élèves aient une influence directe sur leurs résultats. Dans un contexte plus large, mais surtout en lien avec le comportement et non la réussite scolaire, Howard Becker (1963) établit le même lien entre les attentes comportementales envers des personnes signifiantes et leur comportement. C’est la théorie de l’étiquetage (labelling theory). Plus de 50 ans nous séparent de l’élaboration de ces théories, et depuis les études ne font que confirmer ces liens. Notamment le fait que les attentes des enseignants sont souvent des prophéties qui se réalisent. Donc, si les attentes sont élevées envers les élèves, autant au niveau comportemental que scolaire, ils seront plus performants et obéissants que les élèves d’enseignants qui s’attendent à ce qu’ils réussissent moins bien ou se comportent moins bien. Mais comment est-ce que ces attentes affectent les élèves? La différence est visible dans les commentaires qui leur sont faits, dans la façon de gérer les imprévus, dans les sujets traités, dans les explications données, bref, dans tous les gestes quotidiens de l’enseignement.
La gestion des apprentissages et comportements
Je crois que chaque élève fait de son mieux pour participer activement à ses apprentissages. Cette croyance est imprégnée en moi et teinte toutes mes interventions. Par exemple, si un élève s’absente, ma première question à son retour est de savoir s’il va maintenant mieux. Cette réaction est la même si un élève n’est pas à la tâche. Je donne chaque fois le bénéfice du doute, je lui demande s’il y a quelque chose qui ne va pas, s’il a besoin d’aide. Ainsi, par mes questions, je démontre que s’il ne la fait pas, c’est sûrement dû à un facteur externe. La plupart du temps, après une intervention de ce type, l’élève se met en action. Évidemment, cette méthode ne règle pas tout. Ce sont souvent les élèves turbulents qui ont le plus besoin que je croie en eux. Alors, peu importe l’élève, ma première intervention est toujours positive, je présume de leurs bonnes intentions.
Une fois mes attentes démontrées par mon intervention initiale, si ce n’est pas assez pour régler le problème, j’enchaîne avec d’autres. Toutefois, selon moi cette approche est payante à long terme! Cette attitude est présente aussi dans d’autres facettes de mon travail. Par exemple, je ne pénalise pas une deuxième fois un élève qui arrive en retard puisqu’il subira les conséquences prévues par l’école. Je l’accueille dans le respect et, si possible, je lui demande si tout va bien de son côté.
Un élève discute d’autre chose ou parle lorsqu’il devrait être en silence? Je vais le voir et lui demande si je peux l’aider. Souvent, ces petites interventions régleront plusieurs difficultés telles que le manque de matériel, des questions de compréhension ou une autre situation problématique vécue par l’élève. Évidemment, certains n’auront aucune raison valable et d’autres interventions seront nécessaires, et je les ferai. Mais je leur aurai signifié que je m’attends à ce qu’ils travaillent, et ce, à chaque cours.
La relation enseignant-élève
Gardons en tête le ratio magique de John Gottman 5:1 qui a, au fil du temps, démontré sa validité en classe. Ce ratio indique qu’afin de maintenir une relation saine, il devrait y avoir au moins 5 interactions positives pour chaque intervention négative. Si ce ratio diminue, la qualité de la relation sera affectée. Une relation positive a à son tour un impact sur toutes les sphères de l’enseignement, tant sur le comportement, les apprentissages, le succès et les résultats.
Effet sur l’enseignant
Certains diront que c’est de l’empathie, d’autres que c’est de l’utilisation de données probantes, tous ont raison. Outre les effets bénéfiques sur les élèves, cette approche est aussi bénéfique sur l’enseignant. Nous le savons, faire de la discipline fait partie du quotidien. Sauf que si chaque intervention comportementale est négative, ça peut peser lourd sur les épaules. C’est pourquoi toutes mes interventions disciplinaires débutent par une interaction positive où je me soucie de mon élève et lui offre de l’aide.
À la fin de la journée, j’ai l’impression d’avoir aidé beaucoup plus que d’avoir réprimandé. Cette impression et ce sentiment d’avoir fait une différence sont après tout une des raisons qui m’ont poussée vers l’enseignement.
Références
- Rosenthal R. et Jacobson LF, (1968). Teacher Expectation for the Disadvantaged, Scientific American, 218(4).
- Howard S. Becker, (1963). Outsiders: Studies in the Sociology of Deviance, New York, The Free Press of Glencoe.