Par Marc-André Girard, directeur d’une école publique
Il est souvent discuté dans les milieux scolaires que le lien à tisser avec les élèves est important. Parfois, on oppose même les personnes enseignantes axées sur le programme et celles axées sur l’importance du lien à développer avec les jeunes. Comme dans plusieurs choses, on aime créer la polarisation et adopter une approche manichéenne : ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Or, l’idée de privilégier la qualité du lien avec les élèves n’est pas futile.
C’est l’engagement de l’enseignant à d’abord valoriser le respect, l’ouverture et l’écoute pour que la magie pédagogique puisse s’activer :
- L’élève laisse l’enseignant enseigner et déployer l’effet enseignant;
- Les élèves et la personne enseignante deviennent complices dans la création d’un espace éducatif de qualité permettant de générer des expériences enrichies au bénéfice de chacun.
C’est en quelque sorte la naissance de la synchronicité pédagogique entre celui qui exerce la pédagogie et celui envers qui elle se destine.
Prendre soin de l’autre
Si la pandémie de COVID-19 nous a laissé un leg important, c’est certainement celui de la bienveillance en éducation. Bien que ce terme ait été galvaudé puisqu’utilisé à toutes les sauces depuis quelques années, il semble important de préciser sa signification. La bienveillance, c’est l’amalgame du respect, de l’authenticité, de l’humanisme. C’est l’accueil des différences sans jugement, l’empathie, la délicatesse, la sensibilité. C’est aussi la disponibilité, l’altruisme et l’altérité. Autrement dit, c’est prendre soin de l’autre.
Cela n’a rien à voir avec le laxisme, l’aveuglement volontaire ou faire l’autruche, et cela n’a aucune implication quant à la rigueur et l’équité à avoir envers nos élèves. Quand des élèves ont l’impression d’être ignorés ou méprisés par un ou des membres de l’équipe-école ou s’ils ont l’impression de simplement ne pas compter, la synchronicité pédagogique cède le pas au dérèglement.
Interdépendance enseignant-élève
Matthieu Ricard est probablement le moine bouddhiste tibétain le plus connu de la francophonie. Selon lui, notre compassion dépend de l’attitude bienveillante des autres à notre égard. En considérant cette prétention, on peut se questionner : comment espérer une attitude empreinte de compassion, de respect et d’ouverture de la part de nos élèves si eux, d’entrée de jeu, ils ne perçoivent pas la même chose de ceux qui les guident dans leur démarche scolaire?
On le néglige peut-être, mais l’enseignant et ses élèves vivent en interdépendance. Le succès des uns dépend largement de l’autre comme l’attitude des uns semble dépendre tout aussi largement de l’autre!
Ce que nous sommes
N’oublions pas les paroles puissances d’Yvon Fortin, enseignant retraité et vulgarisateur scientifique hors pair : on enseigne qui nous sommes! Nos enseignements s’appuient sur des choses qui semblent, à priori, insignifiantes ou dénudées d’importance, mais qui, dans le temps, trouvent tout leur sens. Cette personnalité qu’on laisse derrière et qui inspire nos élèves, ne germera que dans des décennies!
N’oublions pas non plus que l’éducation est une profession de services. Notre travail est de servir la jeunesse d’aujourd’hui, et ce, même si elle ne ressemble plus à la jeunesse d’hier, en l’occurrence la nôtre. Notre travail est de donner au suivant. C’est cela que nous avons choisi et c’est bien clair que nous donnerons toujours plus que nous recevrons.
Parfois, dans des professions, on a beaucoup plus à donner qu’à recevoir. Ce service implique un niveau de présence et d’accessibilité auprès de ceux que nous servons pour assurer un début de synchronicité pédagogique. Être présent et disponible, c’est se soustraire de l’urgence du quotidien pour prendre le temps nécessaire avec nos jeunes qui, à leur tour, seront présents pour les jeunes ultérieurement. Nous modelons l’importance de la proximité de la relation professionnelle que nous entretenons avec nos jeunes en nous montrant intéressés à leur vie, ce qui démontre que, justement, il y a une vie hors de notre classe et de notre matière! Il ne faut surtout pas négliger que nous avons des élèves qui n’attendent que cela, venir à l’école puisque leur milieu familial ne leur offre pas les opportunités éducatives et sociales espérées.
En tant que professionnels de l’éducation, nous sommes des personnalités publiques. Nos élèves et leurs parents parlent souvent de nous autant, sinon plus que des vedettes de télévision ou des artistes. Ce n’est pas rien!
Démontrer de l’intérêt à qui ils sont, ce qu’ils font ainsi qu’à leur famille est une grande marque de respect. Imaginez si votre idole s’intéressait à vous et qu’il prenait le temps de s’enquérir de votre vie. Nous ne sommes pas qu’une simple étoile dans le firmament. Nous faisons partie intégrante de la voûte céleste et notre lumière jaillit sur les gens, mais aussi sur les autres étoiles alentour. De notre lumière, nous contribuons à créer la lumière qui éclaire le monde.