Selon les dernières statistiques, 49 % des jeunes Québécois entre 16 et 24 ans sont considérés analphabètes fonctionnels. Comme intervenants scolaires, comment faire en sorte que nos enfants bénéficient des conditions optimales à leur développement en alphabétisation? Notre collaboratrice propose une intervention, sous l’acronyme LIVRES.
Dans le meilleur des mondes, tous nos jeunes (et moins jeunes) sauraient lire, écrire et compter, peu importe leur niveau de diplomation et leur vécu. Ils auraient ainsi le bonheur de comprendre, de créer, de s’informer, d’avoir un cheminement de carrière plus facile et mieux rémunéré. Ils seraient aussi moins en contexte de vulnérabilité puisqu’ils auraient les aptitudes nécessaires pour comprendre les subtilités d’une entente, les modalités d’un contrat et les détails d’un courriel.
La réalité
Même si les jeunes d’aujourd’hui textent constamment, semblent lire sur le net et être informés plus que jamais par les médias sociaux, 49 % d’entre eux sont considérés analphabètes fonctionnels. Selon les dernières statistiques du PEICA, c’est donc près d’un jeune Québécois sur 2, entre 16 et 24 ans, qui n’atteint pas le niveau 3 en littératie et numératie, soit le seuil jugé nécessaire pour comprendre des textes plus longs et plus complexes.
Travail d’équipe?
Lorsqu’un enfant éprouve des difficultés au niveau scolaire, démontre des signes de retard dans ses apprentissages, c’est d’abord le parent qu’on interpelle. On désire faire équipe avec lui, qu’il s’implique dans la mise en place de stratégies. Malheureusement, plusieurs familles vivent des difficultés.
Sachant que des parents se trouvent dans des situations d’adversité, de pauvreté, de violence, de perte de contrôle, leur demander de mettre plus d’efforts en lecture et en mathématiques à la maison peut paraître inapproprié. Malgré toutes leurs bonnes intentions, ces parents n’ont pas l’énergie, les capacités, ou même le niveau de littératie pour soutenir leur enfant.
L’intervention
Intervenir auprès de parents vivant des situations difficiles, des enjeux et défis personnels afin de les outiller pour mieux accompagner leur enfant dans ses apprentissages en alphabétisation est une tâche qui demande un grand doigté.
Voici quelques lignes directrices, sous l’acronyme LIVRES, à intégrer dans votre approche.
Langage
Évitez les grandes explications sur l’importance de la littératie et les enjeux liés à des retards dans les apprentissages, les statistiques, les impacts… Le parent qui vit des épreuves peut percevoir des messages comme une critique, un poids de plus dans sa réalité déjà ardue. Il peut avoir un sentiment d’infériorité, ou encore éprouver de la difficulté à synthétiser toutes ces informations.
Intérêts
Questionnez le parent sur ses intérêts, ceux qu’il partage avec l’enfant (les voitures, la cuisine, une série télévisée). Faites le lien avec des lectures qui pourraient potentiellement interpeller à la fois le parent et l’enfant. (ex. : « Ah, je vois que vous êtes un passionné d’automobile, tout comme Léonie, nous avons un livre en classe sur ce sujet. Votre fille pourrait l’amener à la maison et vous pourriez le lire ensemble.)
Valorisation
Axez vos interventions sur la valorisation de ce que le parent fait déjà. Demandez-lui de dire ce qu’il aime faire au quotidien avec l’enfant (jouer, prendre une marche, chanter, aller à l’épicerie, etc.). Soulignez que ces activités ont déjà un impact important et positif dans les apprentissages de leurs enfants. Optez pour une approche basée sur le plaisir de lire et de compter.
Ressources
Un parent vivant des enjeux socio-économiques ou ayant un faible niveau de littératie ne mettra pas nécessairement l’achat ou l’emprunt de livres dans ses priorités. Il est donc préférable de mettre en valeur que les mots, les chiffres et les ressources sont partout. On peut lire la bouteille de ketchup, les instructions d’une recette, les panneaux dans la rue, des sites Web (sous la supervision du parent), calculer les prix à l’épicerie, etc. L’enfant est exposé aux mots et aux chiffres dans tout ce qui l’entoure, le rôle du parent est de motiver sa curiosité et ses efforts en lecture et en mathématiques.
Écoute
Soyez empathique et à l’écoute des enjeux et réalités des parents, sans porter de jugement. Gardez en tête que plusieurs vivent des situations dont ils ne voudront pas discuter avec vous, et qui les empêchent d’être ouverts à vos conseils pédagogiques. Cultivez la relation de confiance. Ce sera votre meilleur gage de succès. À plus long terme, il vous permettra de veiller à ce que le quotidien de l’enfant soit sécuritaire et propice à son développement, et à, lentement mais sûrement, outiller le parent.
Simplicité
Limitez vos conseils ou astuces au minimum. Une ou deux pistes à explorer ou à mettre en action peuvent être un défi de taille pour un parent qui vit une situation précaire. Optez pour des conseils simples, et n’imposez pas; suggérez. Ajouter une pression supplémentaire peut simplement rebuter le parent et devenir contre-productif.
L’impact
Voir à ce que tous nos enfants atteignent un très bon niveau de littératie et de numératie est d’une importance capitale. Comprendre les nuages noirs qui pèsent sur les épaules de plusieurs parents et les soutenir dans leur réalité peut devenir gage de succès pour cheminer vers cet objectif.
Quelques ressources :
- Plusieurs applications sont disponibles pour parfaire la lecture ou aider les jeunes dans leurs apprentissages en littératie et numératie.
- Alloprof est une excellente source d’activités et d’idées simples et pratiques.
- Plusieurs organismes communautaires Famille (OCF) offrent du soutien à l’alphabétisation. Vous avez des questions ou besoins de ressources? Contactez-les.