avec la collaboration de Audrey Miller et Stéphanie Dionne.
Ce qui manque trop souvent dans la rétroaction offerte aux élèves, selon le chercheur John Hattie, c’est une indication vers la prochaine étape requise pour progresser, le « what’s next ». Et pour favoriser le progrès, il faut viser l’engagement. Attention toutefois, rappelle-t-il, « faire quelque chose » ne veut pas dire « être engagé »! Allons voir de plus près.
Le 25 février 2021, M. John Hattie, en direct de la Nouvelle-Zélande, a donné une conférence virtuelle captivante à laquelle plus de 400 personnes ont assisté. L’événement était organisé par l’Association québécoise du personnel de direction des écoles (AQPDE). Le ministre de l’Éducation du Québec, M. Jean-François Roberge, était aussi présent pour l’occasion.
Depuis plus de deux décennies, ce chercheur a consacré ses travaux à l’analyse des recherches et études scientifiques sur l’enseignement et l’apprentissage provenant de partout sur la planète. Il est notamment connu pour mesurer la taille d’effet de différents facteurs associés à un enseignement plus efficace, dans le but d’informer la prise de décision quant aux changements à envisager de façon prioritaire, ceux qui sont réputés avoir le meilleur impact sur la réussite, peu importe les spécificités propres au milieu.
Troisième et dernière partie
Notre équipe a assisté à cette conférence et vous propose son compte rendu. Relisez la première et la deuxième partie.
« C’est correct de se tromper »
La classe devrait être un lieu où il est permis et acceptable de faire des erreurs, puisque l’une de ses raisons d’être est d’apprendre et de s’améliorer. Ainsi, créer un environnement où les erreurs deviennent des outils d’apprentissage est primordial. « C’est correct de se tromper », a souvent rappelé John Hattie pendant sa conférence.
L’élève doit ensuite être en mesure d’apprendre de ses erreurs. De là l’importance d’une rétroaction constante et constructive. Trop souvent, déplore le chercheur, le résultat d’un test se résume encore à un chiffre. « L’élève doit être capable d’interpréter ce nombre et de savoir quelle sera la prochaine étape pour lui, celle qui lui permettra de se réaligner au besoin. »
Selon le professeur Hattie, une bonne rétroaction devrait répondre à trois questions.
- Vers où vais-je? (vers quel but?)
- Comment puis-je me débrouiller pour y aller?
- Quelle est la prochaine étape pour progresser vers ce but?
Ses travaux ont permis de conclure que les deux premières questions sont souvent répondues par les enseignants, mais la troisième très peu, alors que les élèves recherchent cette réponse avant tout.
Attention toutefois, le but n’est pas que les élèves deviennent dépendants de cette rétroaction. Il estime que tout enseignant devrait développer des stratégies pour apprendre à ses élèves à pouvoir cheminer eux-mêmes vers les réponses à ces questions. Et il précise que le fait de louanger un élève pour les efforts qu’il a mis à la tâche, ce n’est pas une rétroaction.
“Feedback needs to be heard, understood and actionable.”
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– @john_hattie
Se mettre au défi pour véritablement s’engager
Pour s’améliorer, l’élève doit être mis au défi, conclut John Hattie à la suite de ses recherches. Pour cela, il faut que les tâches ne soient ni trop dures, ni trop faciles ou trop ennuyeuses. En ce moment, selon ses recherches, 50 % de la matière vue en classe est déjà connue des élèves. Donc, souvent, cela devient trop facile pour eux et ils n’ont plus de défis à relever. Ils perdent la motivation et s’engagent de moins en moins.
D’ailleurs, au fil du cheminement scolaire, le niveau d’enthousiasme des élèves face à l’école baisse dangereusement, explique le chercheur, statistiques à l’appui : en 3e année du secondaire, seulement 37 % des jeunes veulent encore aller à l’école pour apprendre ce qu’on veut leur montrer. En maternelle, 95 % des enfants sont pourtant enthousiastes par rapport à l’école. Ainsi, les enseignants ne devraient pas hésiter à avoir des attentes élevées à l’endroit de tous leurs élèves, estime-t-il.
« L’engagement est trop souvent interprété comme “faire quelque chose”, remarque John Hattie. Mais ce n’est pas parce qu’on fait quelque chose qu’on y est vraiment engagé, ou qu’il y a un défi. La définition de l’engagement devrait inclure une dimension participative, conduire à un certain investissement (poser des questions pour aller plus loin, par exemple) et devenir un moteur pour cheminer (se donner des buts et rechercher de la rétroaction, par exemple). »
Au sujet de la différenciation, le professeur Hattie mentionne d’ailleurs qu’il y a deux façons de voir les choses : donner des activités différentes à des groupes différents d’élèves ou reconnaître qu’il y a différents moments où un élève peut être prêt à faire un apprentissage et savoir profiter de ce « timing », même si ce n’est pas prévu dans la planification de la semaine. Selon lui, les enseignants ont tout intérêt à miser sur la deuxième forme de différenciation, qui permet d’amener les élèves à se dépasser davantage.
Développer les habiletés sociales à travers la collaboration
Même si tous ne sont pas d’avis que l’école doit nécessairement servir à préparer les jeunes à leur future carrière, il n’en demeure pas moins que la majorité des emplois valorisent de bonnes aptitudes sociales avant de grandes connaissances spécifiques. Avoir les deux, c’est encore mieux! Pour le chercheur John Hattie, le développement des habiletés sociales est d’ailleurs de plus en plus déterminant dans nos sociétés et devrait faire partie des apprentissages les plus importants faits à l’école.
Pour cela, il recommande de ne surtout pas minimiser l’impact que les travaux collaboratifs peuvent avoir sur les élèves (tout comme la collaboration entre les enseignants dans une même école!). Et pour que la collaboration donne de bons résultats, trois prémisses s’imposent, selon lui.
- L’élève (ou l’enseignant) doit être confiant qu’il peut apporter quelque chose au groupe (à l’équipe-école).
- Il doit effectivement avoir les aptitudes pour le faire.
- Il doit avoir la conviction que le résultat du groupe sera meilleur que s’il avait tout fait lui-même.
Également, au sujet de la collaboration, le professeur Hattie propose d’expérimenter, au-delà du tutorat entre élèves, la technique du « teach back ». Dans ce cas, les élèves doivent vraiment comprendre un concept afin de pouvoir l’enseigner aux autres. Cette technique serait beaucoup plus porteuse que le simple tutorat entre élèves, qui donne souvent l’impression que ce sont les meilleurs qui tentent d’expliquer une notion aux moins bons (ce qui revient à valoriser le succès plutôt que le progrès).
Cette façon de faire remet également une partie de l’apprentissage entre les mains des élèves. L’enseignant n’est plus le seul à parler devant la classe et à détenir le savoir.
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C’est ce qui conclut notre compte rendu de cette conférence de John Hattie qui a mis en lumière le rôle central de l’expertise enseignante comme condition essentielle au développement d’une éducation valorisant le progrès avant le succès, le développement de bonnes habiletés sociales et le fait d’apprendre par plaisir.
Pour en savoir plus sur les travaux de John Hattie :
- son livre Visible Learning, ce qui marche le mieux dans l’enseignement;
- son livre L’apprentissage visible pour les enseignants : Connaître son impact pour maximiser le rendement des élèves;
- sa biographie sur Wikipedia;
- entretien avec John Hattie.