Montréal – Nous connaissons tous des jeunes qui ne peuvent se détacher de leur cellulaire. Leur portable est comme un membre de leur corps, et ils se sentent amputés sans lui. C’est par curiosité personnelle envers ce phénomène que Marguerite Soulière, professeure à l’École de service social de l’Université d’Ottawa, a décidé d’y poser son regard scientifique.
Cette anthropologue de formation est venue présenter une étude sur l’utilisation du cellulaire par des adolescents de 14 à 17 ans au colloque Génération numérique : pour une sociologie du cyberespace, qui se tenait à l’Université de Montréal, pour le 78e Congrès de l’Association francophone du savoir.
« Le cellulaire est le nouveau couteau suisse : appels, textos, agenda, navigateur Web, horloge, GPS : tout y est! » commence Soulière. Elle explique que, depuis 2010, la moitié des habitants de la planète possèdent un cellulaire ; au Canada, c’est 74 % des ménages qui en ont au moins un.
« Les adultes observent leurs adolescents parler sur le portable, explique le chercheuse. Ils pensent au cancer du cerveau, aux accidents de la route, à la perte de contrôle qu’ils vivent depuis qu’ils ne savent pas à qui parle leur enfant. »
C’est surtout cette perte de contact qui semble déranger les parents, selon son étude : avant, quand un ami appelait à la maison, ils avaient un contact direct avec lui et pouvaient facilement parler à ses parents. Par contre, les jeunes expriment en majorité que leurs parents aiment sentir que leur ado sera au bout du fil dès qu’ils cherchent à le contacter, d’où la nécessité d’avoir un cellulaire!
Le cellulaire révèle aussi une certaine incivilité dans la société. « Chacun a l’impression que son usage du portable est correct, mais entendre quelqu’un d’autre parler fort au cellulaire nous énerve tous! » s’exclame Marguerite Soulière.
Elle note que notre société manque de règles claires – où devrait-on éteindre la sonnerie? Quand faut-il s’abstenir de répondre au téléphone? – et le comportement des adolescents reflète ce manque. « Ils discutent de leur vie privée à voix haute, en public, mais ils s’indignent si on les écoute! » remarque l’anthropologue.
Esclaves de la technologie
Elle observe, chez les jeunes qu’elle a étudiés, qu’ils ne traitent pas leur portable comme un jouet : ils passent du temps à le choisir, y font attention, paient leur facture à temps.
Dans son échantillon, tous les jeunes payaient eux-mêmes leur forfait mensuel ; Soulière suggère donc dans son étude que le parent devrait valoriser son enfant s’il choisit un contrat raisonnable et s’il paie ses factures de façon autonome.
Une autre constante chez les adolescents : ils sentent de la révolte face aux compagnies de télécommunications. Plusieurs se sentent abusés par leur fournisseur de services sans-fil : factures gonflées, contrats qui n’en finissent plus, petits caractères, frais cachés… Les jeunes de la génération numérique se trouvent bien impuissants devant les entreprises qui leur fournissent ce service si précieux à leurs yeux.
Par Viviane De Repentigny