Selon une étude qui vient de paraître dans un numéro spécial de la revue Journal of Child Psychology and Psychiatry portant sur la prévention à la petite enfance, les enfants issus de milieux défavorisés ont plus de chances d’arriver sur les bancs d’école en n’étant pas prêts pour apprendre et ont plus de difficultés à l’école par la suite, à moins qu’ils n’aient fréquenté un service de garde en installation ou en milieu familial.
Les enfants qui grandissent dans des milieux défavorisés ont plus de chances d’arriver sur les bancs d’école en n’étant pas prêts pour apprendre et de suivre un cheminement scolaire difficile pouvant mener, dans les cas graves au décrochage scolaire. Les parents défavorisés, c’est-à-dire ceux vivant sous le seuil de la pauvreté ou ayant un faible niveau d’éducation, doivent souvent faire face à de plus grands obstacles (matériels/psychosociaux) pour stimuler adéquatement leurs enfants et les aider à acquérir les compétences cognitives nécessaires à l’apprentissage scolaire.
Huit chercheurs de trois pays (Canada, Grande-Bretagne, États-Unis) ont réalisé une étude de grande ampleur. Leur hypothèse? Vérifier que la fréquentation de la garderie arrive à réduire les inégalités académiques entre les enfants défavorisés et mieux nantis.
Dans cette étude, les chercheurs ont suivi pendant 7 ans 1863 enfants nés au Québec entre 1997 et 1998. L’échantillon était représentatif de la majorité des enfants québécois. Chaque année, ils ont recueilli des renseignements auprès des mères au sujet de la garde de leurs enfants. Ils ont divisé les enfants selon le mode de garde fréquenté pendant le plus grand nombre d’heures entre l’âge de 5 mois et 4 ans. Les enfants gardés par les parents ont été distingués des enfants gardés dans un mode de garde dit « formel » (en installation ou en milieu familial) ou « informel » (par un membre de la famille élargie ou par une gardienne à la maison). Une fois rendus à l’école maternelle, les enfants ont complété des tests servant à évaluer leurs habiletés langagières et leur degré de préparation académique.
Les enfants dont la mère avait un faible niveau d’éducation étaient plus susceptibles d’arriver sur les bancs d’école en étant moins bien préparés pour faire de nouveaux apprentissages et avaient un niveau de langage plus faible, à moins qu’ils n’aient fréquenté un service en installation ou en milieu familial.
Les chercheurs ont ensuite suivi les enfants pendant la première année de l’école élémentaire pour voir si les résultats étaient maintenus à plus long terme. Même scénario : l’écart en lecture et en mathématiques entre les enfants dont la mère avait un niveau d’éducation élevé ou faible était réduit lorsque ces derniers avaient fréquenté un milieu de garde formel pendant la petite enfance. Il y avait un avantage de la garde informelle sur la garde parentale sur le niveau de préparation scolaire des enfants de mères moins éduquées uniquement.
Les parents sont souvent craintifs à envoyer leurs très jeunes enfants à la garderie, les résultats de cette étude montrent qu’ils ne courent aucun risque, du moins en ce qui a trait au développement cognitif. Il semble y avoir un effet protecteur de la garderie régulière pour les enfants dont la mère à un faible niveau d’éducation.
Les études ayant adopté un devis d’essai clinique randomisé rapportent des effets positifs à long terme sur la réussite scolaire des services éducatifs à la petite enfance pour les enfants qui vivent en situation de précarité. Un essai clinique randomisé est un devis de recherche expérimental permettant d’évaluer l’impact d’un traitement (ou d’un programme éducatif) en évitant les biais de sélection. La répartition des participants entre les groupes (c’est-à-dire ceux qui recevront le programme et ceux qui ne le recevront pas) se fait par tirage au sort. Bien que l’on ne puisse pas tirer des conclusions causales, les recherches sur les milieux de garde dans la population générale suggèrent que la fréquentation de la garderie offre aux enfants démunis une expérience compensatoire leur permettant d’arriver mieux préparer à l’école maternelle.
Bien que ces résultats soient très encourageants, les chercheurs soulignent que certaines inégalités subsistent. Les familles d’enfants défavorisés, qui autrement dit sont celles dont les enfants seraient le plus susceptibles de bénéficier des services de garde sont aussi celles qui les utilisent le moins.
Par Dr. Marie-Claude Geoffroy, chercheure post-doctorale
Centre for Paediatric Epidemiology & Biostatistics