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Depuis 20 ans, on nourrit l’univers numérique de nos données personnelles. Maintenant qu’on en prend conscience, on a tendance à vouloir les protéger. Après tout, moins on en sait sur quelqu’un, plus sa vie privée est préservée. Mais avez-vous déjà songé à ceci : moins on en sait sur quelqu’un, plus on risque aussi d’inventer de fausses informations à son sujet… Et si les algorithmes s’y mettaient aussi?
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Fin janvier 2024, notre collaborateur Marc-André Girard a été invité par l’Université d’été Ludovia, édition Polynésie française, à présenter des conférences à l’occasion de la sixième édition de l’événement.  Il en a profité pour nous rapporter découvertes et réflexions. Aujourd’hui, on verse dans la philosophie des mégadonnées. 

Ludovia est un événement incontournable dans la francophonie lorsqu’il s’agit de développement professionnel en éducation et d’intégration du numérique. Né en France, il a acquis une telle popularité au cours des vingt dernières années qu’il s’est exporté ailleurs en Europe et, pour la sixième année consécutive, à Tahiti.

L’événement est organisé par l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPÉ) de la Polynésie française. Cette année, j’ai eu le privilège d’y intervenir à plusieurs reprises, mais au-delà de mes interventions, ce sont les interactions avec les étudiants, les enseignants, les directions et le personnel académique de ce paradis qu’est la Polynésie française qui m’ont particulièrement marqué.

Permettez-moi de vous partager un exemple particulièrement enrichissant…

D’entrée de jeu, Fabrice Tésan, responsable du Service numérique et innovation à l’INSPE de la Polynésie française, donne le ton en se lançant dans un Pecha Kucha de 640 secondes pour présenter l’événement, expliquer ses origines et présenter ses partenaires et intervenants. Il ratisse également très large en abordant, entre autres choses, ce qui nous préoccupe tous en tant qu’éducateurs : la protection des données des élèves.

Cela ne faisait pas trois minutes que #LudoviaPF avait officiellement débuté quand Fabrice a cité, de manière juste, des mots attribués à l’auteur dissident russe, Alexandre Soljénitsyne : « Notre liberté se construit sur ce que l’autre ignore de nos existences. » Autrement dit, notre vie privée se construit sur ce que les autres ignorent de nous. Voici la réflexion qui en a découlé. 

J’utilise les médias sociaux depuis 15 ans. D’abord, feu mon Twitter chéri et ensuite plusieurs autres comme Facebook et LinkedIn. En toute honnêteté, j’ai toujours considéré ne rien avoir à cacher, alors partager certaines informations bien choisies dans ces médias m’importait peu. De nos jours, nous sommes quelques milliards d’utilisateurs de la suite Meta et je me disais, en toute naïveté, que nous serions tous dans le même bateau si la situation des médias sociaux s’envenimait d’une quelconque façon. 

Deuxième réflexion, probablement tout aussi naïve aussi, est celle que les médias sociaux incarnent la liberté. Comment nos jeunes adolescents perçoivent-ils le phénomène? Ils ont hâte de créer leur compte et d’y interagir avec leurs amis. Pour nous, bien que nous alimentions ces gouffres sans fin de nos données personnelles, nous peinons à nous en passer. C’est le prix à payer pour profiter de cette toile sociale tissée bien large comme cercle d’amis. On peut se mettre en valeur, partager nos idées, garder contact avec ceux que l’on voit moins ou simplement être un observateur silencieux. Les médias sociaux, c’est la liberté, quoi! Cela nous donne des choix! Ils sont même reconnus comme étant des outils de maintien de la démocratie si on se souvient du rôle de Twitter pendant le Printemps arabe.

Or, plus on avance, plus on se questionne : serait-ce plutôt le contraire? Donner accès à nos données personnelles pour, en contrepartie, pouvoir s’entourer de nos amis virtuellement, est-ce une bonne affaire? Le prix serait-il trop élevé? En plus, le lot de fausses nouvelles et d’inutilités qui circulent impunément dans ces médias, est-ce vraiment une bonne affaire? La question se pose! On y remarque d’ailleurs que plusieurs n’appliquent pas les principes du test des trois passoires, qui serait attribué à Socrate…

Bref, cette idée que la gratuité des médias sociaux n’existerait pas vraiment a germé dans mon esprit lorsque j’ai lu, il y a quelques années, que le tiers des adultes québécois utilisaient les réseaux sociaux pour s’informer. C’est particulièrement préoccupant, considérant les soupçons de manipulation de l’opinion politique et d’ingérence qui auraient existé dans les dernières élections américaines et canadiennes. D’ailleurs, un an et demi après la parution du communiqué de presse dont il est mention plus haut, La Presse publiait que les adultes font moins confiance aux nouvelles et actualités véhiculées dans les médias sociaux. Après le coup de foudre et la lune de miel, on apprend à mieux connaître ces médias et on s’en méfie de plus en plus. 

En tant qu’éducateurs, nous nous inquiétons de constater que nos enfants et nos élèves passent énormément de temps sur Snapchat, Instagram et autres BeReal, mais nous modelons cette utilisation en alimentant la bête de nos données personnelles gratuitement et régulièrement. Vous en conviendrez, notre comportement est paradoxal.

Selon Éric Moulines et Mokrane Bouzeghoub, tous les deux jours, l’humanité produirait autant d’information que ce qu’elle a généré depuis l’aube de la civilisation jusqu’en 2003. De plus, au-delà de 90 % des données disponibles aujourd’hui ont été produites ces deux dernières années. Au total, d’après Statista, environ 120 zettaoctets de données ont été créés en 2023, et chaque année, on anticipe une augmentation variant entre 20 et 25 %. 

Évidemment, toutes ces données ne sont pas uniquement issues des médias sociaux, mais un fait demeure : de plus en plus de données sont générées comme jamais ce ne fut le cas dans l’histoire de l’humanité, ce qui pave la voie royale à l’implantation d’intelligences artificielles (IA) qui s’alimentent de ces données en tant qu’outils particulièrement datavores! Pour exister, ces IA consomment des tonnes (!) de données. C’est ce qu’on appelle les « mégadonnées », ou Big Data, et les IA s’entrainent désormais à les analyser pour réaliser une tâche fixée par un humain. Or, pas de données, pas d’IA! 

Vous comprenez qu’en ayant confié plusieurs données personnelles à des tierces parties ces vingt dernières années, lesquelles les utilisent sans vergogne, nous contribuons à créer ce que nous craignons! Dans cette optique, il faut comprendre que les données seront très bientôt l’équivalent de l’or numérique. Ce n’est pas pour rien qu’on parle parfois de forage de données (data mining), en référence au forage pétrolier pour aller chercher directement ce qu’il y a le plus de valeur parmi toute la matière qui existe autour.  

Sans verser dans le complot, je me questionne : si les gens se méfient de plus en plus de comment leurs données sont utilisées et qu’ils en partagent de moins en moins et qu’en parallèle, on le sait, les systèmes engouffrent des exaoctets de données, qu’arrivera-t-il? La machine et ceux qui la contrôlent auront faim. Finiront-ils par créer de fausses données sur nous? Des fausses nouvelles? Alors que le deepfake se perfectionne, plus les puissances cachées derrière la scène des médias en apprennent sur nous, plus elles peuvent inventer de fausses informations à notre sujet.

Soljénitsyne était parfaitement juste : moins les autres en savent sur nous, plus nous sommes libres. Or, il n’avait pas envisagé le corollaire de cette règle! Lorsqu’on ne connait pas bien une personne, on a tendance à inventer ce qu’elle pense, à supposer ses intentions ou même ses actes… Parfois même, la machine et ceux qui la contrôlent peuvent prendre un malin plaisir à aller très loin dans leur audace…

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