par Julie Chandonnet
Cet après-midi, j’ai fermé le dernier Meet de mon confinement pour mettre fin à 8 jours d’enseignement à distance à mes élèves qui, eux, étaient bien assis en classe.
On va se le dire : 8 jours sans masque, sans lunch à préparer et sans déplacement, ça a eu certains avantages. Mais ce furent aussi 8 jours sans collègues, sans accès à la majorité de mon matériel et, surtout, sans stabilité pour mes élèves. Pénurie d’enseignants oblige, 13 adultes se sont relayés dans ma classe : une, deux parfois même trois personnes dans une même journée de classe. Pas évident pour les enfants, mais pas plus évident pour les suppléants…
Alors pas étonnant que j’aie si souvent entendu à l’ouverture d’un Meet « Yes! Une période avec Mme Julie »! Même avec des cours pas mal plus magistraux que ce que je fais habituellement, les élèves appréciaient nos périodes en ligne et participaient bien aux activités d’apprentissage.
C’est d’ailleurs la première leçon que je tire de cette expérience : les liens que l’on tisse avec les élèves sont beaucoup plus forts que les km qui peuvent nous séparer. Même à distance et derrière un écran, ton prof, c’est ton prof, et c’est la meilleure personne pour te faire apprendre.
Des bas, et des hauts
Enseigner de la maison, c’est être à la merci des technologies. Quand le réseau de l’école qui surchauffe transforme les voix des élèves en chipmunk, quand un écho se fait entendre à cause d’un drôle de branchement en classe ou quand je m’entends en sourdine comme si j’étais l’enseignante de Charlie Brown, difficile de garder son sérieux (par chance, du côté des élèves, le son était parfait). Il y aussi ces périodes où j’étais à l’heure au rendez-vous, mais où la classe arrivait en retard… problème de connexion ou comportement à gérer en classe? Je ne le saurai jamais! Pas facile de ne pas savoir ce qui se passe en classe…
Mais pour chaque anecdote moins agréable, il y a eu des bons coups dont je vais préférer me souvenir à long terme.
Par exemple, ma planification disponible en ligne et accessible facilement pour les suppléants grâce au code QR affiché pour eux dans ma classe a été vraiment aidante.
Puis, pour aider les nombreux suppléants à gérer toutes les connexions, j’ai nommé une élève responsable des communications. Avec la complicité d’une collègue, nous l’avons formée rapidement pour qu’elle soit notre experte Meet. En plus de gérer les appels, elle plaçait la caméra pour m’assurer la meilleure vue possible sur le groupe. Lors des activités où les élèves levaient la main pour me répondre, elle me signalait les mains levées qui étaient dans l’angle mort de la caméra.
D’autres élèves se sont vu confier des responsabilités que j’assume habituellement : ils étaient tous contents de pouvoir aider à leur façon.
Enseigner à l’écran…
Math, grammaire, lecture et même arts plastiques : il faut tout enseigner à travers un écran et, surtout, trouver de bons outils pour faire le suivi du travail. Google Classroom et Netmath ont été des alliés de tous les jours pour cela. Avec Google Classroom, j’ai également créé un devoir spécial « journal de communication » pour mes élèves. Dans celui-ci je pouvais leur écrire de courts messages personnalisés pour les encourager ou les questionner sur un travail qui n’avançait pas. Les élèves devaient le consulter à tous les jours et pouvaient aussi me répondre et me poser des questions. Un outil simple, mais efficace.
Mes périodes préférées
Mes périodes préférées ont été celles où je faisais la lecture d’un roman feuilleton, ainsi que celle où les élèves étaient en plan de travail. Pendant ces dernières, ils pouvaient se connecter sur notre Meet (avec un code spécial qui représentait bien notre classe) pour me poser leur question ou me montrer un travail terminé. Ils sont rapidement devenus des experts du partage d’écran, mais aussi du respect des autres. Ils savaient qu’ils devaient attendre leur tour selon leur ordre de connexion et quitter le Meet une fois leur réponse obtenue. Certains passaient aussi juste pour me dire bonjour, me raconter quelque chose ou valider où ils en étaient rendus.
C’est la deuxième leçon que m’a appris cette expérience : les liens que l’on tisse sont pas mal plus fort que les km qui peuvent nous séparer. En plus de la pédagogie, le contact humain entre le prof et l’élève doit être préservé, pour le bien-être de tous.
L’importance des collègues
D’un côté plus personnel, un confinement, ça donne le temps de se poser des questions sur ses pratiques. Qu’est-ce que je pourrais faire de mieux?
Ça donne aussi le temps de penser de nouvelles activités pour le retour en classe. Qu’est-ce que je pourrais créer?
Facile de se laisser emporter par le tourbillon des notifications : il m’a fallu apprendre à mettre mes limites, à me faire un horaire de travail et à fermer mon écran.
J’ai aussi dû apprendre à demander de l’aide et accepter la désagréable impression de mettre de la pression sur mes collègues : mes élèves ont utilisé un peu plus qu’à l’habitude les ressources informatiques partagées de l’école (dont les Chromebooks), des collègues ont dû faire des photocopies pour moi et même intervenir à l’occasion avec mes grands quand mon absence prolongée s’est faite ressentir sur leur comportement.
Facile aussi de se sentir seule dans cette aventure. C’est là que d’autres collègues sont intervenus. Ces autres enseignants confinés un peu partout au Québec et ailleurs, qui partagent leurs expériences, leurs idées et leur matériel sur les réseaux sociaux, ont été d’une grande aide pour moi.
C’est la troisième et dernière leçon que m’a appris cette expérience : les liens que l’on tisse sont pas mal plus forts que les km qui nous séparent. Que ce soient des gens qu’on côtoie au quotidien à l’école ou des enseignants que l’on retrouve sur les réseaux sociaux : des collègues en or, ça n’a pas de prix.
Je vais donc maintenant fermer mon écran, partir à la recherche de mes masques et faire mon lunch, parce que demain, je retourne en classe cultiver tous ces liens qui me font grandir, ces liens qui les font grandir.