Le rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2021-2023, intitulé Profession enseignante au Québec : voies d’accès actuelles et potentielles, se penche plus précisément sur la concordance entre les différentes voies qui mènent à l’enseignement et les besoins de formation des groupes de personnes qui souhaitent en faire leur profession. L’ampleur du document, qui compte plus de 140 pages, le rend difficile à résumer. Il est donc conseillé de le consulter dans son intégralité si vous vous intéressez au sujet.
L’intérêt pour la profession enseignante
Les jeunes montrent peu d’intérêt pour la profession enseignante et les inscriptions aux programmes de formation afférents ont périclité pendant de nombreuses années, particulièrement pour l’enseignement secondaire.
Des milliers de personnes s’intéressent à l’enseignement au primaire et au secondaire plus tard dans leur vie, après avoir terminé une formation initiale dans un autre domaine et avoir acquis une expérience de travail différente.
Des personnes issues de l’immigration ont exercé la profession enseignante à l’étranger et exercent ici aujourd’hui sans que leur diplôme soit reconnu au Québec.
D’autres ont des connaissances disciplinaires avancées et choisissent l’enseignement, mais sans avoir d’expérience en pédagogie.
Des personnes enseignent régulièrement sans qualification légale, mais ne trouvent aucune formule qui leur convienne dans l’offre actuelle de formation.
Bon nombre de personnes auront accumulé de l’expérience en enseignement avant même d’entreprendre des études dans ce domaine.
«… Il est estimé que le quart des membres du personnel enseignant ne répondent pas aux critères d’embauche habituels, c’est-à-dire que ces personnes n’ont pas de brevet d’enseignement. »
Les voies d’accès à la profession
Au début des années 2000, lors de la réforme des programmes de formation à l’enseignement, le baccalauréat, conçu avant tout pour des jeunes fraîchement diplômés du collégial et se consacrant aux études à temps plein, devait devenir l’unique porte d’entrée de la profession.
Depuis, les voies d’accès (programmes de formation alternatifs) se sont multipliées pour répondre aux besoins d’une population diversifiée et aux besoins criants de main-d’œuvre dans les écoles.
Il est néanmoins difficile de créer des programmes de formation répondant aux besoins des aspirants à la profession enseignante compte tenu de leurs caractéristiques hétéroclites.
Idéalement, il s’agirait d’offrir une formation accessible et rigoureuse qui tiendrait compte du statut d’apprenantes et d’apprenants adultes des personnes aspirantes à la profession pour leur permettre de se reconvertir définitivement à la carrière enseignante.
Les modalités de formation doivent à la fois s’adapter à la pluralité de ces aspirantes et aspirants à l’enseignement et à l’urgence d’ajouter du personnel enseignant qualifié.
Il est actuellement difficile d’estimer l’ampleur de l’offre de formation à développer, faute de données précises quant à la demande.
« Si l’on accepte le principe de la multiplication des voies de formation, on peut se demander lesquelles répondent aux besoins et aux aspirations des futures enseignantes et des futurs enseignants. Combien de voies de formation différentes le réseau universitaire peut-il soutenir? »
« Le défi pour le système québécois consiste à combler les besoins de personnel à court terme sans compromettre la valorisation de la profession, qu’il faut plutôt rehausser pour attirer suffisamment de candidates et de candidats à long terme. »
« Le référentiel de compétences de la profession enseignante constitue le principe intégrateur de toutes les voies d’accès à la profession enseignante. Ce référentiel doit être reconnu comme le fondement de toutes les formations pour assurer la cohérence de celles-ci. »
Les personnes en reconversion professionnelle
Malgré la multiplication des voies de formation, aucune n’a été prévue pour répondre à leurs besoins de reconversion professionnelle en tant qu’apprenantes et apprenants adultes.
La déception à l’égard des formations disponibles semble pousser certains à remettre en question la pertinence de celles-ci, si bien qu’on «passe au travers » dans le but utilitariste d’obtenir un brevet et non pour développer ses compétences selon une approche professionnelle réflexive de l’enseignement.
Il est urgent de trouver des moyens de soutenir leur reconversion professionnelle à l’enseignement, dans le respect des acquis individuels, en suscitant une réflexion sur ces acquis chez les personnes concernées, et ce, sans compromettre la qualité de la formation.
Modifier l’horaire des programmes existants pour faciliter la conciliation travail-famille-études représente un pas important, mais souvent insuffisant pour répondre aux besoins d’apprenantes et d’apprenants adultes détenant une expérience d’enseignement parfois considérable.
L’insertion professionnelle
Le soutien à l’insertion professionnelle semble représenter un facteur important favorisant la rétention dans la profession enseignante.
Le ministère de l’Éducation du Québec soutient des initiatives de mentorat, mais la pénurie de personnel est parfois trop grande pour dégager à cette fin des enseignantes et des enseignants chevronnés.
L’attribution des tâches par ancienneté signifie encore que les nouvelles recrues en insertion professionnelle risquent d’enseigner aux groupes réputés difficiles.
Les personnes formées hors du Québec rapportent souvent un accueil froid de la part de la direction et un climat de méfiance ou même de la discrimination à leur endroit menant à un sentiment d’isolement. Beaucoup n’ont pas eu l’occasion d’enseigner à l’aide d’outils numériques et doivent tout apprendre de la maîtrise de la compétence numérique inscrite au référentiel.
Le manque de personnel nuit à l’intégration des nouvelles enseignantes et des nouveaux enseignants ainsi qu’à la supervision des stagiaires. Le recours à des étudiantes et à des étudiants en enseignement pour de la suppléance, et ce, tôt dans leur formation, représente un nouveau phénomène dont les conséquences sur la poursuite de celle-ci demeurent inconnues.
4 orientations et 16 recommandations
Orientation 1
Mettre en place les conditions structurelles et systémiques permanentes qui sont nécessaires à un développement harmonieux de la formation, de l’insertion professionnelle et de la persistance relatives à la carrière en enseignement
Recommandation 1 : Que le ministre de l’Éducation prenne d’urgence toutes les dispositions nécessaires pour obtenir, organiser, conserver, garder à jour annuellement, analyser et rendre disponibles en continu les données pertinentes permettant d’évaluer les besoins de main-d’œuvre sur les plans local et national (y compris la persévérance des nouvelles enseignantes et des nouveaux enseignants ainsi que les départs hâtifs à la retraite) de même que, conséquemment, les besoins de formation de nouveau personnel enseignant
Recommandation 2 : Que le référentiel de compétences professionnelles de la profession enseignante constitue la norme pour la définition de toute voie d’accès à la profession et serve à évaluer le développement et la maîtrise des compétences, de manière à guider les modalités subséquentes de la formation continue
Recommandation 3 : Que soit assurée par le ministère de l’Éducation la représentation des enseignantes et des enseignants en exercice dans les instances d’encadrement de la profession, y compris la formation et la pratique
Recommandation 4 : Que le ministère de l’Éducation et le ministère de l’Enseignement supérieur, en collaboration avec les centres de services scolaires, les commissions scolaires anglophones et à statut particulier de même que les établissements d’enseignement privés, les syndicats de personnel enseignant et les universités, soutiennent une campagne permanente de promotion de la profession auprès des jeunes du secondaire et du collégial ainsi que des personnes bachelières dans les disciplines relatives à l’enseignement à l’université
Orientation 2
Confirmer et valoriser le baccalauréat en enseignement comme voie d’accès établie à la profession enseignante, sous réserve que soient apportées à ce programme les modifications inspirées par l’expérience historique ou requises par les exigences du temps présent et de l’avenir prévisible, ainsi qu’il est explicité dans les recommandations qui suivent
Recommandation 5 : Que le ministre de l’Éducation, en collaboration avec la ministre de l’Enseignement supérieur, nomme dans les plus brefs délais une commission d’expertes et d’experts, désignés à titre personnel, qui auront le mandat de réaliser une évaluation générique indépendante du programme de baccalauréat en enseignement, compte tenu notamment des analyses et des autres recommandations du présent rapport, dont l’hypothèse d’un internat rémunéré à la place de la quatrième année du baccalauréat actuel
Recommandation 6 : Que soient soutenus les partenariats entre les universités et les centres de services scolaires ou les commissions scolaires pour améliorer la formation initiale et la formation continue ainsi que pour favoriser la participation des praticiennes et des praticiens de l’enseignement à la recherche et à la mobilisation des connaissances dans ce domaine
Recommandation 7 : Que les universités identifient des modalités pertinentes et applicables pour l’accueil des candidates et des candidats au baccalauréat en enseignement afin de mieux les accompagner dans leur choix de projet d’études, de consolider leur engagement et de diminuer le nombre d’abandons
Recommandation 8 : Que soient revues les modalités d’évaluation des compétences en langue d’enseignement orale et écrite ainsi que les stratégies visant à soutenir la maîtrise de ces compétences
Recommandation 9 : Que le gouvernement et les universités veillent à assurer la sécurité financière des étudiantes et des étudiants en enseignement
Orientation 3
Créer une voie de reconversion professionnelle à l’enseignement et d’intégration des personnes formées hors du Québec distincte du baccalauréat et de la maîtrise qualifiante
Recommandation 10 : Que, de manière rapide et transitoire, le ministère de l’Éducation et le ministère de l’Enseignement supérieur, en collaboration avec les universités, mettent à l’essai une voie alternative de qualification pour les enseignantes et les enseignants sans brevet qui ont des acquis expérientiels à faire valoir
Recommandation 11 : Qu’à l’initiative et sous la responsabilité du ministre de l’Éducation, agissant en accord avec la ministre de l’Enseignement supérieur et avec la collaboration des centres de services scolaires, des commissions scolaires, des syndicats de personnel enseignant et des universités, soit créée la « résidence de qualification pour l’enseignement », destinée aux personnes en transition vers une carrière d’enseignement dans le système scolaire québécois et conçue selon les orientations formulées ci-après
Recommandation 12 : Que le ministère de l’Éducation et le ministère de l’Enseignement supérieur, en collaboration avec les universités, évaluent les résultats des programmes de maîtrise qualifiante
Orientation 4
Mettre en place des mesures d’accompagnement professionnel personnalisées, continues et adaptées aux besoins du personnel enseignant, selon la voie de formation suivie et le niveau de maîtrise des compétences
Recommandation 13: Que le ministère de l’Éducation aille de l’avant avec les initiatives de soutien à l’insertion professionnelle prévues dans le cadre de la Stratégie visant à valoriser le personnel scolaire 2022-2026
Recommandation 14 : Que soient nommées des personnes responsables de l’accompagnement professionnel dans tous les centres de services scolaires, les commissions scolaires et les établissements d’enseignement privés
Recommandation 15 : Que les centres de services scolaires, les commissions scolaires et les établissements d’enseignement privés répondent aux besoins de soutien et d’inclusion des enseignantes et des enseignants formés à l’étranger et dont la formation est reconnue, et que la formation offerte durant le stage probatoire se fonde sur le référentiel de compétences de la profession enseignante
Recommandation 16 : Que les centres de services scolaires, les commissions scolaires et les établissements d’enseignement privés, en collaboration avec les organisations syndicales et avec le soutien du ministère de l’Éducation, mettent en place des pratiques d’insertion professionnelle visant à ce que les nouvelles enseignantes et les nouveaux enseignants aient accès en priorité à des ressources adaptées à la complexité de leur tâche
Source : Conseil supérieur de l’éducation (2023). Profession enseignante au Québec : voies d’accès actuelles et potentielles, Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2021-2023, Québec, Le Conseil, 141 p.