La Polynésie française, comme de nombreux pays à travers le monde, a tiré des leçons de la pandémie et a relevé le défi de maintenir le lien avec ses élèves et leurs familles pendant la fermeture des écoles. Des solutions variées ont été mises en place par les établissements scolaires, mais sans uniformité. C’est pourquoi le ministère de l’Éducation polynésien a décidé de mettre en place un espace numérique de travail (ENT) pour tous ses élèves.
Pour les lecteurs non familiers avec les ENT, il s’agit d’un espace numérique regroupant plusieurs outils virtuels pour accomplir diverses tâches. Cet espace central permet aux utilisateurs de se connecter à d’autres applications sans multiplier les accès. En résumé, une seule connexion suffit pour accéder à des outils internes et externes. Imaginez un portail unique avec un seul nom d’utilisateur et mot de passe pour accéder à des centaines d’applications potentielles.
Comme le soulignent souvent les parents, jongler avec les nombreux accès nécessaires pour suivre la progression académique de leurs enfants peut être fastidieux. Les élèves eux-mêmes doivent également gérer plusieurs dizaines d’applications imposées dans leur parcours scolaire. L’ENT offre une solution à ce problème en centralisant l’accès aux outils pédagogiques.
L’ENT de la Polynésie française porte deux noms : NatiTahi pour les élèves de moins de 11 ans et NatiRua pour ceux de 11 ans et plus. Le mot « nati » signifie « lien » en polynésien; l’ENT vise justement à créer un environnement de travail sécurisé tout en maintenant le lien entre l’élève, ses parents et l’école.
Le projet a démarré dans les îles polynésiennes au début de l’année scolaire 2023-2024 et le déploiement se fera sur trois années scolaires, pour se terminer en juin 2026. Présentement, 18 200 élèves découvrent l’ENT, accompagnés de leur 27 300 parents et 1200 enseignants répartis dans 37 écoles. À terme, ce seront autour de 50 000 élèves, plus de 85 000 de leurs parents et près de 5000 membres du personnel répartis dans toutes les écoles polynésiennes qui auront accès gratuitement à l’ENT et aux 32 applications natives qu’elle propose. Lesdites applications seront déployées de façon progressive pour permettre aux usagers de se les approprier.
Les objectifs visés par l’ENT
- Accessibilité et personnalisation : l’espace est facilement accessible pour les élèves dyslexiques, par exemple. Il s’agit d’offrir une solution qui est non seulement personnalisable, mais surtout, qui s’adapte au possible handicap de l’élève. Cette accessibilité s’exprime aussi par le fait que les usagers peuvent évidemment accéder à leur plateforme de diverses façons, incluant grâce à leur appareil mobile. D’ailleurs, selon l’équipe qui supervise le déploiement, les parents préfèrent avoir un accès mobile à l’ENT.
- Communication et collaboration : une seule plateforme qui centralise les communications et qui permet diverses collaborations. Par exemple, entre les enseignants, entre les élèves, etc. Nous y reviendrons.
- Usage sécurisé et responsable : l’espace est sécurisé, les données ne sont pas accessibles à des fins commerciales puisqu’elles demeurent dans l’ENT. De plus, elles sont hébergées localement ou en France métropolitaine.
À propos de la sécurité, les ENT, qu’ils soient implantés en France ou ailleurs, doivent respecter le règlement général de protection des données (RGPD). Lors de la mise en place d’un tel service, un contrat de sous-traitance est conclu entre le ministère et le prestataire pour encadrer l’utilisation des données sensibles par tous les utilisateurs. Notons que le prestataire dans ce cas est un consortium formé d’une entreprise française et de deux entreprises polynésiennes. Le but est de proposer un espace ayant déjà été éprouvé en France métropolitaine et s’assurant qu’il soit adapté au contexte polynésien, tout en répondant aux besoins spécifiques des élèves des îles.
À quoi ressemble l’ENT?
La facture visuelle de l’ENT rappelle celle d’un fil d’actualité de votre réseau social favori. Il regroupe les informations propres à l’établissement scolaire ou au centre de services scolaire. Il y a donc beaucoup moins de courriels qui sont envoyés. Rappelons-le : le but de l’ENT est de fournir un seul espace numérique de travail sécurisé et, entre autres, diminuer le nombre de courriels que les parents reçoivent.
Parmi la trentaine d’applications offertes, l’application Bibliothèque permet le partage des ressources créées entre les enseignants, et ce, dans tous les ENT qui offrent cette application, donc, partout sur le territoire français. Voilà une fonctionnalité qui démontre que la collaboration permet de réduire la charge de travail. Le Cahier multimédia permet la création de supports de cours interactifs. L’outil Blogue permet aux élèves de collaborer en ouvrant une fenêtre sur la classe aux parents grâce à un espace de cocréation et de corédaction métacognitive. Quand on blogue, on réfléchit en créant. Quand les élèves le font en groupe, ils cocréent et corédigent, avec ce que cela peut impliquer de discussions et de confrontations d’idées.
En somme, les outils sont simples d’utilisation et ils enrichissent l’enseignement et, conséquemment, l’expérience d’apprentissage, comme celle d’enseignement, se voient augmentées.
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Merci à David Caisson, formateur à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPÉ) de Polynésie française, ainsi qu’à Teddy Chene, chef de projet ENT pour la Polynésie française, pour leurs contributions à ce texte.