Pour vous donner des indicateurs des débats pédago-numériques français qui ont lieu à l’heure actuelle chez nos collègues français, voici quelques exemples de sujets que j’ai abordés avec certains d’entre eux :
Les médias sociaux
Selon ce qu’on m’a dit, les médias sociaux sont bannis des écoles sous ordre direct des instances de l’Éducation nationale. Plusieurs enseignants m’ont demandé s’il existait une telle consigne au Québec. Je leur ai expliqué que ce n’est pas le cas et que les enseignants ont beaucoup de latitude quant aux outils didactiques qu’ils souhaitent mettre à profit. Que tant pour l’usage des médias sociaux, que pour celui de n’importe quel outil, qu’il soit technologique ou non, c’est l’intention pédagogique qui prime.
Cela dit, oui, il y a plusieurs enseignants qui utilisent Facebook, Instagram, Twitter, Pinterest et même Snapchat avec les élèves, mais il est impossible d’en établir la tendance chiffrée. Pour ceux qui abordent la classe inversée, YouTube semble un outil de choix pour y mettre en ligne leurs clips vidéo.
Alors, oui, les enseignants peuvent mettre les médias sociaux à contribution et, certainement dans une très forte majorité des cas, cela se fait avec discernement et jugement professionnel. La seule consigne qui est habituellement donnée aux enseignants est de ne pas en faire une utilisation personnelle avec les élèves et de respecter les bases de l’éthique professionnelle, ce qui n’est habituellement pas un problème.
Les téléphones intelligents
Ce débat a rapidement traversé l’Atlantique : le gouvernement Macron avait promis d’interdire les téléphones dans les écoles du primaire au lycée et ce autant pour les élèves que pour le personnel qui les côtoient. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a donc annoncé, en décembre dernier, que cette promesse serait mise en place dès la rentrée scolaire 2018.
Une fois de plus, comme c’est d’ailleurs le cas au Québec, les enseignants sont partagés : d’une part, ceux qui prônent une éducation à la citoyenneté numérique dénoncent cette décision, alors que d’autre part, il y ceux qui saluent cette décision en soutenant qu’il s’agit d’une immense distraction en contexte scolaire. Comment cela sera-t-il mis en place au sein des écoles françaises ? Cela reste à voir et le ministre n’a pas encore abordé ce sujet.
Je leur ai parlé de certaines écoles québécoises qui ont adopté des mesures « AVAN » (« Apportez votre apparel numérique »), mieux connues sous l’appellation anglophone de « BYOD » (« Bring your own device ») ces dernières années. Je leur ai donné l’exemple de l’École Alex Manoogian qui est certainement une des premières à avoir implanté et développé un code d’éthique pour soutenir une telle utilisation scolaire. Somme toutes, l’AVAN se vit bien en classe lorsque l’utilisation pédagogique est circonscrite et encadrée par l’enseignant.
De plus en plus, au Québec, nous abordons l’utilisation des outils numériques avec les élèves dans une perspective de citoyenneté et d’éducation au numérique.
Les plateformes en ligne
Vous connaissez Seesaw ? J’ai été témoin d’une discussion entre un enseignant et un cadre scolaire au cours de laquelle l’enseignant demandait à utiliser l’application avec ses élèves du primaire. À sa grande déception, cette demande lui fut refusée sous prétexte qu’il existe une loi stipulant, entre autres, que les données recueillies par ces plateformes doivent être stockées sur le territoire français, ce qui n’est, parait-il, pas le cas avec Seesaw. C’est probablement pour cette raison que les Google Classroom, Google Docs, Dropbox, etc., peinent à s’implanter dans les classes françaises, et ce, malgré le fait que plusieurs enseignants souhaiteraient en faire un usage pédagogique.
La programmation et la robotique
Définitivement, voilà deux domaines qui suscitent un réel engouement chez les enseignants et les élèves, du moins selon mes observations, au primaire. Ozobot est très populaire, tout comme Bee-bot et Blu-Bot. À cet égard, le Laboratoire d’innovation et numérique pour l’éducation (LINE) dirigé par la professeure Margarida Romero, s’active sur le terrain pour fournir aux enseignants des cadres d’utilisation pédagogiques de la robotique dans des situations de collaboration et de créativité pour les élèves. C’est le cas par exemple des projets #smartcitymaker et #créetaville.
Si à première vue les français semblent prendre des directions pédago-numériques différentes de celles des québécois, il faut considérer au moins deux facteurs particuliers : nous sommes, contrairement aux Français, grandement influencés par les pratiques américaines, albertaines et ontariennes. La proximité géographique joue probablement un rôle important dans la (non)diffusion des idées vers le Québec comme vers la France. Aussi, il ne faut pas négliger les différences culturelles importantes entre l’Europe et l’Amérique dans plusieurs domaine. L’éducation ne fait certainement pas exception à la règle.
Malgré tout, les Français sont très intéressés par ce qui se passe chez nous en éducation et avec l’intégration des technologies. Un bel exemple est certainement les croquis-notes (« sketchnotes ») de Jacques Cool et de Sylvia Duckworth qui sont affichés sur les murs des bureaux de la Direction du numérique en éducation au ministère de l’Éducation nationale, à Paris !
Cet article fait partie d’une série publiée par notre auteur et collaborateur Marc-André Girard, dans le cadre de sa participation au Laboratoire d’innovation et du numérique en éducation (LINE) à l’Université de Nice Sophia Antipolis.
Vous pouvez lire l’ensemble des articles de cette série ici.