L’un des moments marquants du REFER 2017 a été la performance d’élèves en art dramatique de l’Académie Lafontaine. Leur enseignant, Sylvain Desautels, nous offre son retour sur cette création.
par Sylvain Desautels, Académie Lafontaine
« Abandonner le contrôle de la vie des autres, résultant en un bien-être ». Voilà la définition que donne Antidote du « lâcher prise ».
Lors du dernier Rendez-vous des écoles francophones en réseau (REFER), foyer de Québec, deux grandes vérités sur les arts à l’école nous ont été servies par des élèves :
- La liberté totale de créer dans un domaine qui passionne les jeunes du secondaire est rarement – voire jamais – compatible avec un projet scolaire.
- L’oeuvre d’un élève est l’oeuvre qu’il peut créer, vu son âge et son expérience dans la discipline. Autrement, c’est un spectacle d’adultes et/ou de professionnels dans lequel les élèves sont tenus au rôle de chiens savants. Cette façon de « monter » des spectacles à l’école impressionne, certes, mais a peu à voir avec les programmes d’enseignement.
J’ai eu la chance, pour ce REFER 2017, d’accompagner une délégation d’élèves de 4e secondaire en art dramatique. Ces élèves ont été invitées comme artistes en résidence le temps de l’événement. Elles avaient quelques contraintes : créer une oeuvre dramatique sur place, un monologue d’au moins 3 minutes d’un personnage se réveillant après sa propre mort. Autrement, tout était possible, à condition d’inclure dans la présentation une vidéo permettant au personnage de dialoguer avec son double, à l’écran. La Vitrine de l’Innovation du REFER 2017 nous permettait de démontrer comment la technologie apportait une valeur ajoutée à un projet de classe.
Ce projet se vit habituellement en fin d’année, en 4e secondaire. En classe, les élèves travaillent seuls à leur texte et demandent l’aide d’une ou deux autres personnes pour tourner la partie vidéo. Le projet s’échelonne sur 5 ou 6 périodes d’une heure.
Les TIC amplifient les lacunes pédagogiques d’un projet
Avant de mettre en branle un projet de classe intégrant la technologie, il faut (comme on devrait toujours le faire) établir une intention pédagogique limpide. Mon expérience démontre que l’intégration des TIC en classe amplifie les lacunes pédagogiques de nos projets. Lorsqu’un projet s’écroule, on peut, a posteriori, déceler des failles dans l’intention pédagogique, annonciatrices de la catastrophe. À l’inverse, un projet solide pédagogiquement résiste aux séismes que l’on appelle « bogues », comme des pannes, des problèmes techniques ou la non-disponibilité temporaire des appareils.
Nul besoin de chercher toute la journée une intention claire. Les rédacteurs des programmes l’ont déjà fait pour nous. Dans le cas de mon expérience au REFER, mon intention était d’amener mes élèves à créer une oeuvre dramatique (1ère compétence disciplinaire de ma matière) en touchant à quelques éléments de contenus, notamment les moyens corporels (attitude et émotion), les moyens vocaux (registre, silence et respiration), le type de discours (monologue) et les moyens dramaturgiques (scénario et texte dramatique).
La liberté des outils technologiques
L’intégration d’un personnage virtuel (le double du personnage) permettait de planifier minutieusement le rythme de la scène, de soulager l’élève d’une partie de la mémorisation et de se sortir de l’interminable monologue statique (combien d’enseignants de langue se plaignent, d’ailleurs, des exposés oraux sans fin, véritables assassins de la créativité et qui, à terme, apprennent à tous, profs comme élèves, à détester la communication orale formelle?).
Revenons au lâcher prise. Il est nécessaire, de la part de l’enseignant, pour que la magie opère : faire confiance à ses élèves et ne pas contrôler leur production artistique demande une certaine ouverture et un gout du risque. Je leur ai laissé carte blanche, sachant que si elles réussissaient, ce serait grâce à elles-mêmes. Si elles échouaient, ce serait ma faute!
Je peux, en classe, offrir un minimum d’outils pour faire « apparaitre » le double virtuel. Une toile tendue au centre de la scène donne du relief à la mise en scène (le projecteur est derrière l’écran) alors qu’une projection en fond de scène permet d’envelopper le personnage (en autant que celui-ci ne se fasse pas ombre à lui-même!). Les scènes sont tournées avec la caméra du iPad. L’utilisation d’un trépied pour tenir l’appareil augmente sensiblement la qualité du tournage. Le noir et blanc masque certains problèmes d’éclairage et donne une touche surnaturelle à une scène qui est assurément dans le domaine du fantastique et de l’imaginaire.
Créer pour un public (autre que l’enseignant)
Les productions dans lesquelles les élèves s’investissent le plus sont celles qui s’adressent à un large public, idéalement au-delà des murs de la classe. Les médias sociaux, entre autres, permettent de publier les oeuvres, textes, réalisations de nos élèves pour des destinataires (parents, amis, étrangers!) qui peuvent, à terme, leur offrir une rétroaction intéressante et pertinente. Quelle belle occasion, au passage, d’enseigner et de modéliser des compétences de citoyenneté numérique…
Au matin de la dernière journée du REFER (après une nuit de montage), mes élèves ont présenté leur oeuvre aux congressistes. Une scène, un personnage, un public et une histoire. Puis, l’émotion est née. On avait du théâtre.
Revivez cet intense moment qui a fait vibrer la foule!