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L’arrivée des aides technologiques apporte de bons changements, dont celui de l’aménagement physique de la classe qui se transforme. Il faut parfois se munir de rallonges et de prises supplémentaires pour brancher les appareils. Il est gagnant d’utiliser des postes mobiles et de les ranger de manière sécuritaire dans une armoire qui, idéalement, en assure la recharge.
Des changements d’habitudes sont à prévoir auprès des enseignants, d’autant plus que les tableaux numériques interactifs font souvent leur entrée en même temps que les aides technologiques. Selon les observations de l’enseignante Isabelle Goyette, une transition est en train de se produire pour plusieurs. « En passant d’un tableau où on écrit à un autre où on peut afficher des documents numériques, ça change la manière de travailler. On oublie la paperasse et les vieilles photocopies. Pour ma part, je développe de nouveaux réflexes. Ça me donne le goût d’avoir une plateforme pour y déposer mes fichiers pour tous mes élèves, pas seulement pour ceux qui ont des besoins ».
Ces propos nous amènent à distinguer l’aide à l’apprentissage de l’aide à l’enseignement, deux concepts qui ont avantage à cohabiter. L’aide à l’apprentissage est une assistance technologique utilisée par l’élève handicapé ou en difficulté pour qui la tâche demandée ne pourrait être réalisée sans cette assistance. L’aide à l’enseignement, quant à elle, est utilisée par l’enseignant lorsqu’il anime ses activités pédagogiques parce que cette aide peut profiter à l’ensemble de la classe. « Il y a plein de choses qu’on peut faire en apprentissage avec tout le monde, soutient Maude Lymburner. Que ce soit la manière d’organiser ses idées ou de résumer un texte à l’aide d’un idéateur, de faire de l’analyse de phrases avec Antidote ou de s’exercer à la syntaxe et à la ponctuation à l’aide d’un logiciel de synthèse vocale ».
En normalisant l’utilisation de ces outils dans la pratique quotidienne, on en vient à réaliser que les ordinateurs font partie du paysage. « Si on avait plus de temps en classe, pour faire travailler tous nos élèves à l’ordinateur dans des projets signifiants, ça permettrait aux élèves en difficulté de manipuler davantage leurs logiciels, constate Isabelle Goyette. En faisant de l’utilisation des ordinateurs une habitude plutôt qu’un contexte spécial, les aides technologiques passent plus inaperçues. « Les élèves ne veulent pas être traités “d’ortho” sur la cour de récréation, explique Richard Ayotte. Certains ont peur d’être jugés parce qu’ils reçoivent des services de rééducation et du matériel technologique ».
Ce que les aides technos apportent aux élèves
Dans son livre Troubles d’apprentissage et technologies d’aide, Nadia Rousseau mentionne plusieurs apports des aides technologiques pour les élèves en difficulté. Elle y mentionne notamment la possibilité de progresser à son rythme, la rétroaction immédiate, une perception de soit plus positive et des apprentissages auxquels ils n’auraient pas eu accès autrement.
Dans ses interventions quotidiennes en première secondaire, Isabelle Goyette fait le même constat. « Je sens que les élèves ne lâchent pas, je sens moins qu’ils bâclent un travail. Notre personne-ressource RÉCIT a préparé un chiffrier dans lequel ont été consignées les notes au bulletin des élèves utilisant des technologies d’aide. J’ai vérifié : sur trois ans, celles de mes élèves ont augmenté ».
Il y a cependant une condition pour favoriser cette réussite, soit celle d’utiliser les outils d’aide technologique correctement. « J’ai travaillé avec un élève qui avait eu 62 % à une étape alors qu’il n’avait pas d’outils d’aide, relate Maude Lymburner. À la suivante, il a eu 65 % même s’il utilisait ses outils. Si les aides technos n’amènent que 3 points de plus à la compétence à écrire, il faut se demander si elles sont bien utilisées. »
L’entraînement technologique
L’entraînement des élèves aux aides technologiques est d’une importance capitale pour les aider à atteindre leur plein potentiel. Il importe que l’enseignant ou l’orthopédagogue sache avec quels types d’apprenants il travaille. « L’entraînement fait en sorte que l’élève est conscient de l’utilité de son outil, explique madame Lymburner. Il faut leur apprendre à utiliser la prédiction de mots et faire des exercices afin d’utiliser correctement la synthèse vocale. Lorsque je dis aux élèves qu’ils ont 90 % chances de ne pas avoir de faute d’orthographe s’ils utilisent correctement leurs outils, ils ne me croient pas. »
Cet entrainement prend du temps avant de donner des résultats. Ça ne se fait pas en une semaine. On parle de quelques mois, voire quelques années. « Notre intention est d’équiper l’élève assez solidement pour qu’il survive dans la jungle du secondaire, illustre Richard Ayotte, conseiller pédagogique en intégration des TIC. L’élève en difficulté qui reçoit le même document que les autres, mais sur sa clé USB, doit déterminer quand, pourquoi et comment il utilisera ses outils technologiques en fonction de la densité du texte ou de la complexité de la tâche ». Enfilera-t-il son casque d’écoute, aura-t-il besoin de sa synthèse vocale pour une phrase ou un paragraphe, utilisera-t-il ses outils d’aide à l’écriture pour avoir un écho de lui-même? Telles sont les questions auxquelles un élève utilisant les technologies d’aide doit apprendre à se poser consciemment.
Non seulement un bon entraînement doit être orchestré par les intervenants, un bon dialogue doit être instauré avec les élèves pour leur expliquer quels sont leurs besoins et comment leur cerveau fonctionne. Il faut connaitre les fonctions d’aide et savoir dans quel contexte on s’en sert. « Lorsqu’on leur remet un ordinateur, il faut leur dire pourquoi, remarque Maude Lymburner. Pour eux, c’est écrit “aides technos” dans leur plan d’intervention. Ils se font dire qu’ils sont dyslexiques ou qu’ils ont de la misère en français. Il faudrait plutôt leur énoncer clairement quel est leur trouble et ses impacts, et quels outils ils devront utiliser pour compenser. »
SOMMAIRE DU DOSSIER :
Introduction
1. Connaître enfin le succès grâce à la technologie
2. Des TIC pour aider les élèves ayant des troubles d’apprentissage : une injustice pour les autres?
3. Technologies d’aide aux troubles d’apprentissage : le défi technopédagogique des enseignants
4. Numériser son matériel traditionnel : guide de survie
5. Déploiement d’aides technologiques : des changements à prévoir dans la classe
6. Technologies d’aide et évaluation ministérielle
Conclusion