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Notre collaborateur Marc-André Girard propose une série de billets à l’occasion de la rentrée scolaire 2023-2024. Dans ce texte, il propose une réflexion sur la permaculture qui serait appliquée à l’éducation. Pensons différemment si nous souhaitons que la société en devienne une plus inclusive, plus empathique et bienveillante.
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Table des matières

Par Marc-André Girard, directeur d’une école publique

Il y a quelques semaines, j’ai pu participer à une collaboration franco-québécoise en corédigeant un texte sur l’importance des relations regénératrices en éducation. Bien franchement, je ne m’étais jamais penché sur la question et c’est dans une discussion inopinée avec la professeure Margarida Romero que la lumière a jailli. 

Comment peut-on envisager les relations humaines dans nos écoles autrement que par des relations d’exploitation qui ont lieu dans tous les domaines sociaux depuis la révolution industrielle? Comment l’école peut-elle faire autrement et marquer une trêve dans la façon de considérer ceux avec qui nous travaillons, mais aussi avec ceux pour qui nous travaillons? 

Clarification : quand on parle de relation d’exploitation en éducation, il est question d’aborder autrui en fonction de ce que la personne peut nous apporter ou ce qui peut en être extrait : un résultat scolaire, l’atteinte d’un objectif, un comportement attendu, etc. 

L’exploitation des ressources

Première réflexion : le modèle industriel occidental est basé sur l’exploitation de ressources. On parle de ressources naturelles ou primaires, mais aussi, on parle de biens transformés et de services. Tout est à exploiter ou à être consommé. Il faut simplement penser aux structures organisationnelles de nos institutions, peu importe leur vocation. Elles sont organisées traditionnellement sous le vocable de ressources financières, matérielles et humaines. Une ressource, c’est un moyen pour parvenir à ses fins soit grâce à du matériel, à des sous ou à des humains. Il faut mobiliser ces ressources et même, dans certains cas, les exploiter. À tout le moins, il faut savoir les gérer. 

Or, en éducation, il faut penser différemment si nous souhaitons que la société en devienne une plus inclusive, plus empathique et bienveillante. Évidemment, cela s’opère sur deux volets. 

D’une part, les ressources dites « humaines » doivent, justement, agir de façon empathique, bienveillante et différenciée envers ses employés. Je ne prétends évidemment pas que ce n’est pas le cas et je ne suis pas un spécialiste des ressources humaines, mais en étant logique et cohérent, si on demande aux professionnels à pied d’œuvre dans les écoles de voir à différencier leurs approches principalement envers les élèves, il est logique qu’il en soit de même pour le personnel d’une organisation. 

D’autre part, et ce qui m’importe toutefois beaucoup plus, c’est comment nous interagissons avec nos élèves et leurs parents. Surtout que, pour certains jeunes, quitter le milieu familial leur permet de respirer et de s’échapper de situations conflictuelles. Bien que je n’aie aucune donnée à l’appui, je peine à me défaire de l’impression malheureuse que nos jeunes sont de plus en plus en souffrance et que le tissu familial duquel ils sont issus s’effrite tout autant. 

Le constat que je fais me pousse à me questionner : comment je peux faire pour que pendant les huit heures où l’élève m’est confié, il vive une expérience humaine hors du commun, une expérience qui vise à diminuer au maximum les situations conflictuelles (il a assez des conflits cognitifs liés à l’apprentissage à gérer)? Comment je peux lui démontrer que le respect n’est pas qu’une dette qu’il a d’office envers les adultes qui l’accompagnent, mais surtout, quelque chose qui lui est d’abord dû? 

Ces jeunes qui ne l’ont pas facile à la maison n’ont pas besoin de revivre les situations conflictuelles qu’ils vivent déjà avec d’autres adultes et nous devons faire le nécessaire pour faire de l’école un havre de paix, où l’élève apprend à relever des défis, où il apprend à prendre ses responsabilités face à sa démarche d’apprentissage, mais aussi face à ses actions. Bref, dans certains cas, nous devons déprogrammer l’élève et même, dans certains cas, nous devons déprogrammer le parent qui a aussi l’habitude à établir des liens basés sur les conflits. 

Enfin, il faut aussi se questionner sur comment nous interagissons ensemble, entre membre d’une équipe-école ou d’une organisation en suivant les mêmes principes de bienveillance, de respect et d’empathie. Ce qui est exigé des élèves, c’est d’abord ce que nous devons démontrer dans nos relations professionnelles empreintes de cordialité et de civilité. Une équipe qui se respecte, ça se sent et les élèves le perçoivent. Sans le savoir, nous modelons les comportements de ces derniers simplement en agissant de façon courtoise, civile et professionnelle tous ensemble. 

La permaculture appliquée à l’éducation

Dans cette optique, en agriculture, on parle souvent de permaculture, un genre d’agriculture renouvelable, voire permanente. L’idée est de profiter de la nature pour combler nos besoins, en prenant soin de respecter ses limites. 

Dans cette perspective, la nature est renouvelable puisqu’elle est conçue dans une logique de développement durable et de renouvellement du territoire qui est exploitable au respect de quelques règles fondées sur des principes qui peuvent bien s’adapter à la réalité scolaire. Ces fondements sont énoncés par David Holmgren, écologiste et essayiste australien. J’entrevois leur application dans notre domaine des façons suivantes :

  1. L’économie d’énergie : Conserver les énergies positives et choisir ses batailles qui nécessitent l’investissement d’une énergie souvent négative. Compter sur le positif pour nous propulser et nous élever, alors que nous avons tendance à amplifier et à ressasser le négatif qui nous entoure.
  2. S’auto-réguler en apprenant sur ce que nous faisons pousser, en l’occurrence des humains, tout en étudiant nos décisions pédagogiques, résultat de notre jugement professionnel. Nos jeunes sont une mine d’informations et de données, lesquelles agissent à titre de rétroaction pour nous aiguiller et nous guider dans nos actions. Peut-être négligeons-nous parfois de nous attarder pour interpréter tout ce qui nous saute aux yeux?
  3. Interagir avec les autres humains sous le signe de la pérennité : Les rapports positifs aujourd’hui sont gages de rapports positifs dans les années à venir, et ce, non seulement entre un enseignant et un élève, mais ultimement entre cet élève et d’autres individus.
  4. Une logique d’intégration plutôt que de séparation permet d’établir la diversité dans la nature, ce qui permet de protéger un écosystème contre les maladies et autres menaces. Adopter une telle logique en éducation contribue à l’acceptation des différences présentes dans la mosaïque humaine. Un peu dans la même veine que pour la nature, plus le groupe est issu de la diversité, plus il peut résister aux menaces présentes grâce aux diverses façons d’aborder les problématiques en collaboration. Avons-nous toujours besoin de recycler les vieilles mentalités héritées et ainsi les transmettre aux élèves pour résoudre les problématiques contemporaines quo nous affligent? 

Deux autres particularités de la permaculture humaine me semblent pertinentes à identifier. D’une part, il faut reconnaitre que, pendant le séjour scolaire des élèves, on cultive des êtres humains en sachant pertinemment que nous avons peu de chance de pouvoir témoigner de l’aboutissement de cette croissance, qu’elle soit physique, psychologique et même culturelle. Deuxièmement, n’oublions pas la racine étymologique de l’éducation : educere. Cela signifie élever, dans le sens de permettre à l’élève de grandir et de s’affranchir des forces gravitaires pour atteindre de nouveaux sommets. J’aborde justement le volet étymologique de l’éducation dans le balado De la nuance en éducation. 

Le principe de permaculture est de s’inscrire dans la durée, donc dans celle de la nature humaine. Cultiver des humains se fait lentement, avec des gestes répétitifs, en acceptant les écueils, les quelques pas en arrière et même, une lente évolution des résultats qui est en deçà des attentes

Le plus difficile dans tout cela, c’est de maintenir une attitude d’ouverture et d’accessibilité pour ceux qui se perdent en chemin et qui nous claquent les portes au visage, alors qu’on s’évertue à les ouvrir pour eux… 

Encore là, il faut d’abord travailler sur soi pour mieux comprendre ces jeunes que nous accompagnons! Pour qu’ils puissent être la meilleure version d’eux-mêmes (voir Ted Lasso, encore une fois), il faut d’abord être la meilleure version de nous-même! 

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