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De l’éducation au développement durable aux cultures régénératrices

Dans cet article, nos collaborateurs témoignent de l’importance pour le personnel enseignant d’adopter la perspective du développement durable en classe et des cultures régénératives. Population, environnement et développement sont intimement liés et ne peuvent plus être envisagés isolément. Les cultures régénératives privilégient un état d'esprit régénérateur qui favorise la résilience, l'équité et la durabilité, écrivent-ils.

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Par Margarida Romero1,2, Marc-André Girard3, Guillaume Isaac1, Sylvie Barma2
1 Université Côte d’Azur, France
2 Université Laval, Canada
3 Centre de services scolaire de la Rivière-du-Nord, Canada

Face à l’urgence climatique et à celle du bien-être individuel et collectif dans le monde contemporain, il est pertinent de transformer la culture d’exploitation des ressources humaines autant que naturelles qui s’est développée depuis la révolution industrielle vers une culture régénératrice de l’humain et de son environnement. Dans cette approche, il ne s’agit pas uniquement de penser à rendre durable une culture d’exploitation, mais de repenser les modèles sociétaux et éducatifs pour transformer le rapport que nous entretenons au vivant, à l’activité humaine et aux impacts engendrés. Ce changement de mentalité invite à considérer le besoin de partager des principes de culture régénératrice auprès des différents acteurs éducatifs, tout en questionnant le potentiel transformateur des pratiques éducatives actuelles. 

De l’éducation au développement durable, jusqu’au développement de l’agentivité transformative 

Au cours des dernières années, nous avons entrepris des projets de formation et de recherche liés aux Objectifs de Développement Durable (ODD) tels que formulés par les Nations unies. Nous avons commencé par centrer nos efforts sur la formation des élèves et des enseignants par le biais d’une approche techno-créative au service des ODD par des projets comme #SmartCityMaker et #CréeTaVille où les élèves réalisent un travail de géographie prospective en lien avec les enjeux urbains, culturels, climatiques et sociétaux.

Ensuite, nous avons intégré également des activités de création de jeux numérique sur ces mêmes ODD (#edujeux, le projet Ageing+Communication+Technology ou encore le projet AppVert). Depuis deux ans, le travail du Groupe de travail numérique (GTnum) Scol_IA a intégré, parmi ses objectifs clés, de dépasser les usages uniquement passifs ou interactifs de l’intelligence artificielle (IA) pour encourager les démarches visant la co-création avec l’IA, et même l’apprentissage expansif soutenu par l’IA, dans le but de résoudre des problèmes complexes, et même parfois, des problèmes considérés comme issus du monde « réel » (Real World Problem Solving dans la terminologie d’Okuda et al., 1991). 

Ces efforts nous ont porté à concevoir avec des enseignants le Guide d’activités technocréatives autour du Développement Durable, dans lequel sont présentées les compétences transversales #5c21 (Romero, 2017) en lien avec les compétences de l’OCDE (2014) comprenant les relations interpersonnelles, la planification de l’avenir (compétences stratégiques) et l’obtention de résultats (compétences liées à l’exécution).

Consulter le Guide. 

Les cultures régénératrices en éducation

Ces dernières années, la nécessité urgente de passer d’une culture d’exploitation des ressources et de pratiques non durables à des approches plus régénératives a été de plus en plus reconnue. Il s’agit d’un changement radical qui nécessite une modification fondamentale de la manière dont les humains, mais aussi la société, interagissent avec diverses ressources, dont celles qui nous intéressent plus particulièrement, les ressources humaines et les utilisent, tant dans le cadre de l’enseignement que dans le monde de l’entreprise. 

Les cultures d’exploitation de ces ressources font référence à des systèmes sociétaux ou organisationnels qui donnent la priorité à l’extraction, à l’utilisation et à l’exploitation des ressources sans tenir compte de la durabilité à long terme, de l’impact écologique ou des conséquences sociales. 

Rappelons que c’est lors de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable en 2012 à Rio que fut prise la résolution de promouvoir l’éducation au service du développement durable dans les programmes d’enseignement (Sauvé, 2012). 

Il faut également noter qu’auparavant l’UNESCO mettait plutôt de l’avant le concept d’éducation relative à l’environnement. Il fut alors mis en évidence que population, environnement et développement étaient intimement liés et ne pouvaient plus être envisagés isolément. Dès lors, une position autoritaire dans laquelle l’éducation se réduit à transmettre les comportements ciblés par les experts n’était pas viable, car elle s’inscrit dans une posture positiviste qui met l’accent sur la transmission de connaissances ou à l’éducation pour l’environnement visant l’adoption de « bons » comportements. Ces cultures peuvent privilégier les gains à court terme, les approches axées sur le gain ou le profit et les pratiques non durables qui épuisent les ressources, nuisent à l’environnement et exploitent le travail humain. Cette exploitation est considérée sous le terme extractivisme par Chagnon et al. (2022) pour faire référence à « des processus socio-écologiquement destructeurs d’assujettissement, d’épuisement et de relations non réciproques, se produisant à tous les niveaux de pratiques » (p.3). 

Les cultures régénératives mettent l’accent sur une évolution vers des approches durables, réparatrices et holistiques qui visent à restaurer et à revitaliser les écosystèmes, les communautés et le bien-être humain (Collado-Ruano & Segovia-Sarmiento, 2022) tout en renforçant les interconnexions entre chacun. La culture régénérative est « saine, résiliente et adaptable, prenant soin de la planète et de toute vie en étant consciente que c’est le moyen le plus efficace de créer un avenir prospère pour l’ensemble de l’humanité » (Contreras et al., 2019, p. 23). Prendre soin de notre planète, certes, mais prendre soin aussi de ceux qui l’habitent et qui y évoluent dans leur individualité comme dans leur collectivité. 

En éducation, on peut entrevoir nos relations sous le signe de la durabilité et de la régénération. Nos élèves y apprendraient divers éléments issus d’un savoir-être en plus des savoirs et des savoir-faire dans une perspective d’apprentissages socioémotionnels. Les cultures régénératives privilégient un état d’esprit régénérateur qui favorise la résilience, l’équité et la durabilité, et cherchent à reconstituer, renouveler et restaurer les ressources, tant naturelles qu’humaines, pour les générations futures. Ainsi, les cultures d’exploitation et les cultures régénératives peuvent être considérées comme des exemples d’intelligence transactionnelle (agir dans son propre intérêt) et d’intelligence transformationnelle, qui pousse les individus à agir dans l’intérêt du plus grand nombre (Sternberg, 2021). 

La considération des cultures régénératrices est une transformation profonde de nature ontologique qui questionne nos systèmes d’activité à l’école, l’université et au travail pour considérer la manière de reconceptualiser le monde dans une visée de bien-être du vivant à long-terme. C’est pour cette raison que nous reconnaissons son importance dans nos écoles, autant pour le bien-être professionnel de l’équipe-école que pour l’éducation de nos élèves. 

Parce que si nous éduquons nos jeunes à l’importance de tisser des liens durables avec leur entourage, nous faisons le pari que cette prédisposition se transférera dans leur vie adulte. 

Merci aux collègues qui ont permis cette démarche collective

Cette démarche est collective et nous présentons ci-dessous quelques-unes des personnes qui ont permis d’avancer dans cette démarche. 

Dans le cadre du projet #SmartCityMaker et #5c21 des collègues dans le cadre des cours du BEPEP et du projet #CoCreaTIC à l’Université Laval (avec Raoul Kamga, Azeneth Patino, Alexandre Lepage et Benjamin Lille), à l’Université Côte d’Azur (avec Laurent Heiser), à l’INRIA, EducAzur et Terra Numerica (avec Thierry Viéville, Gérard Giraudon et Dorian Mazauric) et dans différentes écoles de l’Académie de Nice (David Belhassein, Anne Chiardola, David Cohen). Sur le projet AppVert de co-création de jeux avec Maher Slouma. Dans le GTnum Scol_IA avec Laurent Heiser, Christelle Caucheteux, Jean-François Ceci, Florence Tressols, Alexandre Lepage, Éric Béguin, Laura Morales, Ange Marie Chevré et Maryna Rafalska. 

Références

  • Belkassem, I., & Desmette, D. (2020). Les effets des conditions de travail sur le burnout. Le cas des enseignants du deuxième degré de l’enseignement secondaire qualifiant en Fédération Wallonie-Bruxelles. UC Louvain.
  • Chagnon, C. W., Durante, F., Gills, B. K., Hagolani-Albov, S. E., Hokkanen, S., Kangasluoma, S. M., … & Vuola, M. P. (2022). From extractivism to global extractivism: the evolution of an organizing concept. The Journal of Peasant Studies, 49(4), 760-792.
  • Collado-Ruano, J., & Segovia Sarmiento, J. (2022). Ecological economics foundations to improve environmental education practices: Designing regenerative cultures. World Futures, 78(7), 456-483.
    Contreras, S., Campbell, J., Tang, X., & Duke, T. (2019). Regenerative Cultures and Resilient Communities (RCx2) Hub. Engaged Scholars, 7. https://kb.osu.edu/handle/1811/87309
    Okuda, S. M., Runco, M. A., & Berger, D. E. (1991). Creativity and the finding and solving of real-world problems. Journal of Psychoeducational assessment, 9(1), 45-53.
  • Romero, M. (2017). Les compétences pour le XXIe siècle. In Usages créatifs du numérique pour l’apprentissage au XXIe siècle, 15-28.
  • Sternberg, R. J. (2021). Transformational vs. Transactional deployment of intelligence. Journal of Intelligence, 9(1), 15.

Sauvé, L. (2012). La prescription du développement durable en éducation: la troublante histoire d’une invasion barbare. Éducation, environnement et développement durable…, 17.

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