Une nouvelle application d’intelligence artificielle risque d’avoir un impact majeur et à court terme en éducation. Lancée au début du mois de décembre 2022, ChatGPT semble redoutablement efficace pour répondre à des questions simples, mais aussi plus complexes – et il fonctionne en français de surcroît. De quoi obliger tous les acteurs de l’éducation à revoir leurs façons de faire, et rapidement! On vous explique ce qu’elle est et pourquoi il faut s’y intéresser.
Qui est ChatGPT?
ChatGPT est une application d’intelligence artificielle qui permet de discuter avec un robot de manière naturelle, développé par la société OpenAI. Il suffit de s’inscrire gratuitement sur le site pour entamer une conversation avec le robot (lui poser des questions de tout genre, en fait).
Puisque l’application est toujours au stade « beta », on prévient l’utilisateur qu’il se pourrait que certaines réponses soient inexactes ou incomplètes. N’empêche, en posant quelques questions simples, on en vient rapidement à la conclusion que son efficacité est déjà impressionnante, voire redoutable. Il est d’ailleurs possible de signifier son appréciation de la réponse offerte (pouce en haut ou pouce en bas) afin de « contribuer à la recherche » et l’aider à devenir plus efficace encore.
Voici un exemple de question que nous lui avons posé.
Pourquoi s’y intéresser?
La mise en ligne de l’application a causé un émoi dans le monde scolaire. Tout de suite, on pense aux occasions de plagiat qui viennent d’être décuplées. Depuis quelques années, le personnel enseignant est invité à éviter les « questions googlables » pour contrer le plagiat. Avec ChatIA, ils devront aller encore plus loin dans la complexité des tâches demandées à leurs élèves pour éviter que certains s’en servent pour compléter leurs travaux scolaires…
Dans une vidéo présentée sur TikTok, l’enseignant de mathématiques Sylvain Duclos souhaite informer ses collègues de partout au sujet de l’application et les appeler à la vigilance. À ceux qui lui reprocheraient d’en parler sur une plateforme abondamment utilisée par les jeunes, il répond que si les élèves risquent de repérer rapidement l’application et tenter de l’utiliser, les écoles doivent s’y intéresser dès maintenant. La technologie existe; « il ne faudrait pas que vos élèves en profitent avant vous! », lance-t-il.
Il ne faudrait pas que vos élèves en profitent avant vous!
Sylvain Duclos, enseignant
Il présente ensuite un problème mathématique résolu avec succès par l’intelligence artificielle et la rédaction d’un récit policier composé par celle-ci.
Il invite donc à réfléchir aux changements potentiels dans la pratique enseignante pour tenir compte de la disponibilité de l’outil : circuler dans la classe pour observer l’écran des élèves lors de tâches réalisées avec des appareils électroniques, modifier la nature des tâches demandées, et on ajoute à cela axer sur la créativité. « L’évaluation classique vient d’être redéfinie. Il faudra encore plus diversifier les traces d’apprentissage et poser des questions d’entrevue aux élèves pour valider leur compréhension. »
Les réactions sont nombreuses, autant sur sa publication TikTok que sur sa reprise sur Facebook dans le groupe Les TIC en éducation.
@sylvainduclos2 Chat GPT, l’intelligence artificielle de OpenAI #education #intelligence #artificielle #ai #plagiat #profsurtiktok ♬ son original – Sylvain Duclos | Prof 🔢
Et s’il s’agissait d’une opportunité?
D’ailleurs, plutôt que de craindre le développement de l’application, le monde scolaire ne devrait-il pas plutôt se saisir de l’occasion pour revoir certaines pratiques? De toute façon, l’intelligence artificielle continuera de gagner en efficacité jusqu’au lancement d’une autre application plus puissante encore; ChatGPT n’étant que la première manifestation véritablement grand public de la démocratisation de l’intelligence artificielle, comme le mentionne le magazine The Verge.
Le développement de l’esprit critique apparaît en tête de liste des nouvelles priorités, autant pour les élèves que les enseignants. Les réponses fournies par l’application sont certes impressionnantes, mais il ne faut pas oublier qu’elles ne seront pas toujours tout à fait juste. De quoi entraîner des situations gênantes d’un côté comme de l’autre. De plus, le niveau de langage utilisé peut représenter un indice pour l’enseignant qu’il y a eu tricherie ou non. Dans l’exemple sur le nomadisme et le sédentarisme présenté plus haut, le niveau de langage semble trop soutenu pour un élève du primaire, par exemple.
Voici un exemple de récit que nous avons demandé à ChatGPT d’écrire. Si le résultat est certes correct et sans fautes d’orthographe, il aurait possiblement manqué un peu de substance pour répondre à tous les critères d’une grille d’évaluation. Notez également la présence du mot « marshmallows » qui n’est pas utilisé au Québec, contrairement au mot « guimauve ».
Par ailleurs, l’importance de penser l’évaluation autrement vient de gagner en popularité avec l’arrivée de cette nouvelle application. La triangulation des preuves d’apprentissage qui était déjà mise de l’avant par nombre d’enseignantes et d’enseignants, risque de devenir un incontournable. Collecter des productions écrites ne suffit plus; le fait d’observer les élèves en action et d’avoir des conversations avec eux pour valider les apprentissages prend tout son sens. Le numéro d’hiver 2022-2023 du magazine École branchée porte d’ailleurs entièrement sur ce sujet.
Un exemple proposé par le Service national du RÉCIT, domaine des arts
Pour sa part, le Service national du RÉCIT, domaine des arts a fait le test en utilisant ChatGPT pour inventer des personnages et des dialogues ou des propositions de créations. La conclusion : l’outil pourra être très utile aux enseignantes et aux enseignants qui ont besoin de générer rapidement des idées et des textes. Voici donc une utilisation positive.
Voir le tutoriel produit :
Mais… ce n’est pas toujours parfait!
En terminant, pour relativiser un peu, nous lui avons demandé au chatbot quel est l’impact de l’École branchée sur l’éducation. On remarque qu’elle n’a pas saisi complètement la référence à notre organisation (quoiqu’elle n’en n’était pas très loin!). La réponse est quand même intéressante.
Et finalement, voici ce que vous auriez lu si l’intelligence artificielle avait rédigé cet article journalistique au sujet de ChatGPT et de son impact sur le monde de l’éducation. Elle doit être surchargée en ce moment, car elle n’a jamais terminé!
En complément
- ChatGPT, ou l’IA qui fait peur, Le Devoir
- IA : quelles perspectives pour l’éducation?, edtechactu
- ChatGPT proves AI is finally mainstream — and things are only going to get weirder, The Verge (en anglais)
- L’épisode du balado The Vergecast, qui traite de ChatGPT (en anglais)
- Students Are Using AI to Write Their Papers, Because Of Course They Are, Vice.com (en anglais)
- Les abonnés de notre collection d’activités pédagogiques SCOOP! peuvent consulter quelques idées sur le sujet.
Suggestions de lecture pour aller plus loin
- Faire la morale aux robots : une introduction éthique aux algorithmes
- Intelligence artificielle et robotique en 30 secondes
- Scary Smart: The Future of Artificial Intelligence and How You Can Save Our World
Quelques réactions que nous avons recensées au sujet de ChatGPT :
La discussion dans le groupe Les TIC en éducation sur Facebook
La professeure Mélanie Tremblay en a fait l’essai sur le sujet des données probantes en éducation. Voici le résultat.
Et la réponse à la question : Comment empêcher les élèves de tricher grâce à ChatGPT?