En 2010, Ruben Puentedura a présenté un modèle, appelé SAMR, pour faciliter le choix, l’intégration et l’évaluation des outils technologiques en classe afin d’engager les élèves dans leurs apprentissages. En y superposant un autre modèle, celui de Bloom, les choses prennent tout leur sens pour faciliter la création de tâches signifiantes, permettant l’atteinte de niveaux cognitifs supérieurs. Voyons de plus près!
Qui pouvait prédire que le monde de l’éducation prendrait le virage numérique, tout le monde en même temps? Puisque la possibilité de poursuivre l’enseignement à distance en septembre prochain n’est pas exclue, pourquoi ne pas réfléchir à l’intégration du numérique à distance, mais également lors du retour en classe?
Dans l’urgence, les enseignants se sont mis au numérique pour communiquer avec leurs élèves, pour donner accès à du contenu et pour évaluer les apprentissages. Pour certains enseignants, l’adaptation s’est avérée difficile. Il faut dire que les conditions facilitantes ne sont pas toujours réunies. Pourtant, certains découvrent de nouvelles possibilités, de nouvelles applications. D’autres apprécient l’efficacité ou se réjouissent de l’accès à la technologie au ratio 1:1. Alors qu’on discute d’un éventuel retour à la normale, que restera-t-il de ces quelques mois de tout numérique?
Quand Bloom rencontre Puentedura (SAMR)
En 2010, Ruben Puentedura a présenté un modèle, appelé SAMR, pour faciliter le choix, l’intégration et l’évaluation des outils technologiques en classe afin d’engager les élèves dans leurs apprentissages. Pour une explication plus détaillée du modèle, consultez cet autre article. En gros, ce modèle à quatre niveaux propose une gradation de l’utilisation de la technologie par les élèves. Mais c’est en superposant le modèle de Bloom au modèle de Puentedura que les choses prennent tout leur sens, comme le démontre le schéma ci-dessous. Ainsi, l’utilisation du numérique en classe faciliterait la création de tâches engageantes, signifiantes et authentiques, permettant ainsi l’atteinte de niveaux cognitifs supérieurs. Voyons comment ce modèle peut soutenir l’enseignement à distance.
Substitution
Depuis le mois de mars, le personnel enseignant s’affaire à trouver des moyens technologiques qui permettent de communiquer avec les élèves et de donner accès aux contenus de cours. Les élèves sont passés aux cahiers d’exercices numériques. La tablette sert de crayon, de cahier de notes et de TNI. Les services de stockage infonuagiques remplacent les photocopies et le bon vieux cartable. Il s’agit donc ici d’une substitution (1re étape du modèle SAMR) où l’élève effectue les mêmes tâches qu’avant, mais à l’aide d’outils numériques. Ces tâches permettent généralement d’atteindre les premiers niveaux de la taxonomie de Bloom, soit de mémoriser et de comprendre.
Augmentation
Les enseignants se familiarisent graduellement avec de nouveaux outils numériques ou découvrent de nouvelles fonctionnalités. L’autocorrection des quiz favorise l’autonomie. Les documents collaboratifs permettent aux élèves de critiquer le travail des autres. Il y a donc ici une augmentation (2e étape du modèle SAMR) des tâches proposées, un petit plus, par rapport aux tâches réalisées sans technologie. Ces activités d’apprentissage permettent généralement à l’élève de comprendre et d’appliquer.
Ainsi, ces deux premiers échelons du modèle SAMR correspondent à un rehaussement des activités d’apprentissage par rapport à la situation de départ. Ce sont les étapes qui sont atteintes assez naturellement en formation à distance. Cela ne signifie pas que cela puisse se faire sans difficulté. Mais la substitution et l’augmentation seules ne permettent pas l’atteinte des niveaux cognitifs supérieurs.
Modification
À ce niveau, la technologie fait partie intégrante de la tâche. Cette dernière fait généralement appel au multimédia (ex. : la vidéo peut supporter l’écrit dans un blogue). Les productions sont différenciées, uniques et ne s’adressent pas seulement à l’enseignant, mais à un public, plus ou moins large. En sortant de la classe, la tâche gagne en authenticité. De cette manière, les tâches proposées permettent d’atteindre les niveaux cognitifs supérieurs, comme l’analyse et l’évaluation.
Redéfinition
Au dernier niveau du modèle SAMR, la réalisation de la tâche demandée est inconcevable sans l’apport de la technologie. La création se trouve au coeur de ce type de tâche. Par exemple, un élève pourrait créer une exposition en réalité virtuelle sur un thème précis afin de donner un accès public à l’art. Pour préparer son exposition, il pourrait communiquer avec les artistes par vidéoconférence ou collaborer avec des jeunes d’une autre classe, d’un autre pays ou dans une autre langue afin de comparer les perspectives culturelles. Tout cela peut se faire sans quitter sa classe… ou son salon.
Ces deux derniers échelons exigent une transformation de la tâche initiale par l’usage de la technologie. La tâche devient plus ouverte, complexe, authentique et intégratrice. Cela demande aussi une transformation du rôle de l’enseignant. De passeur de contenu, il devient un accompagnateur. À ce niveau, une communauté d’apprentissage est généralement mise en place pour créer une synergie entre les apprenants. Ainsi, ces deux derniers échelons du modèle SAMR facilitent la réalisation d’activités cognitives supérieures. Autre avantage intéressant : ce type de tâche plus différenciée permet d’éviter le plagiat, un des enjeux majeurs de l’évaluation à distance.
Quelques pistes de réflexion
Le modèle présenté permet de comprendre le rôle des outils numériques dans l’apprentissage, que ce soit à distance ou en classe. Voici quelques pistes de réflexion. Pour de meilleurs résultats, Puentedura indique deux conditions essentielles à son modèle. D’abord, l’enseignant doit être motivé par l’amélioration de ses activités d’apprentissage et non par l’intégration de la technologie pour elle-même. Dans ce passage forcé vers l’enseignement à distance, il faudra donc rapidement se concentrer sur les activités d’apprentissages engageantes plutôt que sur les outils numériques. Ensuite, un passage graduel vers des outils numériques simples d’utilisation est nécessaire tout en évitant les outils inutilement compliqués, pour l’élève comme pour l’enseignant.
De son côté, Rhein présente un arbre décisionnel pratique qui permet de se situer dans le modèle SAMR. L’enseignant pourrait aussi utiliser ce schéma pour identifier ce qu’il manque à son activité d’apprentissage pour passer au prochain niveau.
Finalement, Youki Terada, propose trois questions simples pour guider le choix des outils numériques :
- Comment mon enseignement peut-il être bonifié par l’utilisation de la technologie?
- Comment puis-je stimuler l’engagement de mes élèves par l’utilisation de la technologie?
- Comment la technologie me permet-elle de proposer des tâches authentiques qui ressemblent à celles rencontrées en dehors de l’école?
Bien sûr, il est possible pour l’élève de faire des apprentissages sans nécessairement passer par le sommet des modèles de Puentedura ou de Bloom. Certains concepts ou techniques peuvent nécessiter des tâches moins complexes. Il revient à l’enseignant d’élaborer la tâche en fonction des cibles d’apprentissage. Idéalement, l’élève devrait pouvoir choisir les outils les plus appropriés pour effectuer la tâche proposée. Mais au primaire comme au secondaire, ce choix doit être habilement guidé. De plus, en fonction de l’âge et du degré d’autonomie de l’élève, les tâches des niveaux supérieurs peuvent nécessiter un soutien constant, particulièrement à distance. Le retour en arrière semble déjà inconcevable. Au retour en classe, les élèves et les enseignants auront modifié radicalement leurs pratiques. Puisque la nécessité crée le besoin, ce passage obligé par l’enseignement à distance n’est-il pas une occasion à saisir pour intégrer réellement le numérique dans la classe? L’occasion est belle d’y réfléchir et le modèle SAMR constitue un outil complémentaire au Cadre de référence de la compétence numérique pour réfléchir sur la place du numérique dans les apprentissage.