Rencontre avec Stéphane Côté pour en savoir plus sur son approche d’enseignement novatrice, qu’il nomme « la pédagogique 3.0 ».
Née d’une incessante remise en question de la part d’un enseignant du primaire, la « pédagogie 3.0 » se veut un bel équilibre entre la pratique enseignante et le besoin d’appliquer des méthodes probantes éprouvées en classe. En effet, Stéphane Côté, admirateur du professeur John Hattie, de l’Université de Toronto et auteur de Visible Learning, est l’un de ceux qui éprouvent le besoin de valider l’impact direct que ses stratégies d’apprentissage ont sur la réussite de ses élèves. C’est pour cette raison qu’il a bâti un bon nombre d’outils lui permettant d’obtenir une rétroaction de leur progression.
Une évolution logique de la pédagogie contemporaine
La terminologie reprend quelque peu celle des différentes nomenclatures d’Internet (Web 1.0, 2.0, etc.) pour identifier différents courants de la pédagogie moderne :
- Pédagogie 1.0 : Approche directive et explicite avec différentes démonstrations.
- Pédagogie 2.0 : Approche collaborative par la découverte, le socioconstructivisme, le tout agrémenté de divers outils technologiques.
Le constat de l’enseignant est simple : avec une approche directive, les élèves ne retiennent pas assez et, à l’opposé, si l’approche est davantage collaborative, les élèves éprouvent des difficultés lors des évaluations où ils doivent transférer les habiletés collaboratives en contexte individuel.
En conséquence, la pédagogie 3.0 implique un heureux mélange des deux en permettant les interactions directes entre les élèves et en créant une atmosphère sainement compétitive. C’est également une approche complémentaire à la pédagogie 1.0 et 2.0. La pédagogie 3.0 permet un certain discernement professionnel et une différenciation puisque l’enseignant peut juger que, parfois, l’approche directe est plus appropriée dans une certaine proportion alors qu’à un autre moment ou dans un autre groupe, il fera davantage appel à l’approche collaborative.
L’approche utilise donc la compétition pour permettre aux élèves de se dépasser à travers différents affrontements de nature pédagogique. On vise une certaine réciprocité de l’enseignement par les pairs dans un contexte ludifié à certains égards. C’est la création d’un espace de contribution des élèves à la démarche d’apprentissage de leurs collègues qui rend cette approche unique en son genre.
De la bagarre pédagogique en classe, il y en a!
Ce contexte ludique implique des « bagarres » de clans où les points sont cumulables à travers la quantification de la progression des membres d’une équipe. Cette pondération permet d’aller solliciter l’apport des élèves qui sont moins mobilisés ou qui sont démotivés par leurs résultats. Ils réalisent qu’il est désormais possible de jouer un rôle central non seulement dans leur réussite, mais également dans celles des autres. Les élèves travaillent et s’entraident à se dépasser. Autrement dit, les combats deviennent, en quelque sorte, une relation d’aide pédagogique par les pairs.
Selon les observations de l’enseignant :
- Le temps semble passer plus rapidement, car la matière est passée tout aussi rapidement;
- Les élèves retiennent davantage ladite matière;
- Les apprentissages sont mieux consolidés;
- Le temps libéré peut être réinvesti dans d’autres activités pédagogiques d’approfondissement ou de consolidation.
La rétroaction et la constance de l’obtention de l’information sur la progression des élèves permettent à l’enseignant de pouvoir cibler qui sont les élèves qui ont mieux réussi et ceux qui éprouvent des difficultés. Conséquemment, l’enseignant peut modifier ou différencier son approche pédagogique auprès des jeunes visés.
Fait intéressant : selon les observations de Stéphane Côté, une métacognition de groupe émergerait de la classe. Bref, les élèves se questionnent face à leur propre façon d’apprendre en comparant leurs propres méthodes à celles de leurs collègues.
Innover en éducation : d’autres enseignants emboitent le pas
L’aspect novateur de la pédagogie 3.0 a amené monsieur Côté à se déplacer en France pour y présenter son modèle dans le cadre de Sydospeech, un événement rassemblant des congressistes du monde de l’éducation francophone et mettant l’accent sur l’aspect novateur de l’éducation et de la pédagogie, et ce, des deux côtés de l’Atlantique.
À l’heure actuelle, une douzaine d’enseignants ont adopté l’approche de l’enseignant au Québec et ils contribuent à en parfaire les fondements en faisant évoluer les préceptes qui sous-tendent les stratégies derrière leur action pédagogique.