Par France Legault, M. Ed., RÉCIT de l’enseignement privé, Maxime Paquet, Ph.D., enseignant de français et conseiller pédagogique au Collège Sainte-Marcelline, Dave Parenteau, enseignant d’anglais au Collège Le Salésien
Selon les résultats d’une enquête dirigée par Chartrand et réalisée auprès de 801 enseignants de français et de 1618 élèves de 4e et 5e secondaire, peu d’activités liées à l’oral en général, et encore moins d’activités de compréhension orale, sont réalisées dans les classes de français au secondaire (Sénéchal et Chartrand, 2011; 2012). On peut aussi constater que le développement de la compétence en communication orale est bon dernier dans l’ordre des priorités derrière les activités d’apprentissage liées à l’écriture, à la lecture et à la grammaire. Sachant l’importance de la communication dans les compétences globales (Romero, 2017), comment peut-on y accorder du temps en classe pour l’enseigner et l’évaluer sans être surchargé?
Nous vous proposons quelques pistes afin de maximiser les efforts et favoriser la collaboration entre tous les enseignants de langues.
Piste 1 : Bien comprendre le programme d’anglais langue seconde et de français langue maternelle
Il convient de rappeler que le programme d’anglais langue seconde (MEQ, 2006; MELS, 2007) accorde une grande importance au développement de la compétence en communication orale et, notamment, aux interactions orales entre les élèves. Dans le programme, on définit un texte comme « toute forme de communication — orale, écrite ou visuelle — faisant appel à la langue anglaise » (MEQ, 2006, p.173). Quant à la première compétence, soit interagir oralement en anglais, elle constitue la trame de fond du programme d’anglais et permet de placer les élèves dans des situations authentiques de communication orale qui nécessitent la mobilisation d’habiletés linguistiques, discursives et communicatives.
Dans le programme de français, langue maternelle, la pondération attribuée à la compétence en communication orale est plus petite, soit 20 % de la 1re à la 4e secondaire, et 10 % en 5e secondaire (MEQ, 2006; MELS, 2007; MEQ, 2011). Dans le cadre d’évaluation (MEQ, 2011), on constate que les critères d’évaluation liés à la prise de parole sont similaires à ceux en écriture et que ceux liés à la réception d’un message sont similaires à ceux en lecture. Ainsi, il convient de planifier les activités d’apprentissage du cours de français en s’assurant que les trois compétences sont interreliées, et ce, afin de donner du sens aux apprentissages, mais aussi pour travailler dans un esprit d’efficience.
Sachant que les interactions orales sont au cœur du programme d’anglais, mais que la compétence en communication orale occupe une moins grande place dans le programme de français, pourquoi ne pas miser sur des activités d’interactions orales? C’est probablement un coup double pour tous; les élèves seront plus compétents et les enseignements pourront être bénéfiques pour les deux matières.
Piste 2 : Cibler des objets d’oral communs afin de les enseigner aux élèves
On utilise souvent l’oral comme médium de communication et d’échange, mais on enseigne plus rarement des objets spécifiques permettant de réaliser de réels apprentissages. Or, Dumais (2014) a identifié 334 objets d’oral qu’il est possible d’enseigner. Parmi cette liste d’objets, on y retrouve, notamment, les intonations, les pauses, les supports visuels et la posture.
Bien que certains soient moins prioritaires et travaillés à travers la lecture et l’écriture, il est toutefois recommandé de cibler chaque année 4 ou 5 objets spécifiques à l’oral (Dumais, 2020) afin de les enseigner adéquatement. Identifier collectivement ces objets permet de partager la responsabilité de les enseigner, et ils pourront par la suite être réinvestis dans d’autres contextes ou dans d’autres matières.
Comment cibler les objets de l’oral?
Dresser le portrait des forces et des faiblesses des élèves qui fréquentent l’école permet très certainement de cibler certains objets de l’oral à prioriser. De plus, les activités de communication orales proposées aux élèves influencent certainement aussi ces choix.
Piste 3 : Amener les élèves à documenter leurs apprentissages, à s’autoévaluer afin de s’améliorer
À travers le processus d’enseignement de l’oral, la documentation des productions orales, à l’aide d’outils numériques, permet aux élèves de se réécouter pour s’autoévaluer, s’autoréguler ou pour évaluer leurs pairs. Favorisant la métacognition des élèves et permettant d’avoir une vision globale du développement des compétences orales de ceux-ci, la documentation rend plus facile le suivi de leur progression.
Quels outils peut-on prendre pour colliger les vidéos des productions orales, les grilles d’autoévaluation, de coévaluation et d’évaluation? Un PowerPoint distribué par Teams ou un Google Présentations distribué par Classroom permettent de déposer des liens vers les vidéos des productions orales, d’insérer des grilles numériques ou des photos de celles-ci lorsqu’elles sont remplies en format papier.
Ces diverses pistes montrent qu’en unissant nos forces et en misant sur une vision commune, nous pourrons développer les compétences orales de nos élèves et créer des ponts entre les départements sans bouleverser toute notre planification!
Références :
Dumais, C. (2020). Développer la compétence à communiquer oralement des élèves du secondaire par l’oral par les genres. [Présentation d’un conférencier].
Ministère de l’Éducation du Québec (2006). Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement secondaire, premier cycle. Québec : Gouvernement du Québec.
Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport (2007). Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement secondaire, deuxième cycle. Québec : Gouvernement du Québec.
Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport (2011). Cadre d’évaluation des apprentissages, français langue d’enseignement, enseignement secondaire 1er et 2e cycle. Québec : Gouvernement du Québec.
Romero, M. (2017). Les compétences pour le XXIe siècle. Dans M. Romero, B. Lille & A. Patiño (dir.), Usages créatifs du numérique pour l’apprentissage au XXIe siècle (p. 15-28). Québec : Presses de l’Université du Québec.
Sénéchal, K. et Chartrand, S.-G. (2011). État des lieux de l’enseignement du français (ELEF). Y a-t-il une place pour l’oral dans la classe de français au secondaire? Les Cahiers de l’AQPF, 1(1), 4-5.
Sénéchal, K. et Chartrand, S.-G. (2012). Représentations et pratiques de l’enseignement de l’oral en classe de français : changements et constantes depuis 25 ans. Dans R. Bergeron & G. Plessis-Bélair (dir.), Représentations, analyses et descriptions du français oral, de son utilisation et de son enseignement au primaire, au secondaire et à l’université. (p. 185-199). Côte-Saint-Luc : Peisaj.