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Voici comment les élèves du secondaire au Québec ont vécu une année scolaire en pandémie

La professeure Sylvie Barma et ses collègues de l’Université Laval ont sondé des adolescents québécois au sujet de la pandémie. Ceux-ci ont trouvé particulièrement difficile le climat d’incertitude qui régnait. « Le lieu physique d’apprentissage fluctuait d’une façon imprévisible pour eux. » Ils n’ont pas aimé les changements dans leur routine et une majorité disait s’ennuyer de l’école, ce qui a beaucoup joué sur leur motivation scolaire. Lisez pour d'autres constats!

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Par Sylvie Barma, Université Laval; Nathalie Ste-Marie, Université Laval et Rollande Deslandes, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

Depuis la fermeture des écoles en mars 2020, la pandémie de Covid-19 nous a fait vivre une nouvelle réalité. Pour les adolescents, les routines quotidiennes ont été transformées avec la fermeture des écoles, et ces derniers ont dû faire face à des changements importants dans leur façon d’apprendre.

La recherche a montré qu’au moins trois aspects de la vie des adolescents sont importants pour leur développement, notamment pour leur identité :

  • se sentir soutenus par leurs parents;
  • se sentir compétents;
  • être capables d’adopter une attitude réflexive face à l’avenir.

Ces aspects sont développés par des relations positives, sécurisantes et stables à l’école et à la maison, qui en retour sont des atouts pour la résilience.

Nous sommes trois chercheuses membres du Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES), dont le siège social est à l’Université Laval, qui ont mené une enquête auprès d’adolescents québécois. L’étude a examiné la perception qu’ont ces derniers de leurs adaptations, de leur changement de routines, de leur état d’esprit et de leurs relations avec leurs amis, leurs enseignants et leur famille.

Tristesse et ennui

Les élèves ont eu accès au questionnaire entre les mois de novembre 2020 et mars 2021. Ils ont été invités à prendre en compte leurs expériences qui remontaient à mars 2020.

Au Québec, au cours de la période étudiée, les écoles secondaires sont restées ouvertes, mais les élèves ont été placés dans des « classes bulles » afin qu’ils ne se mêlent qu’avec les camarades de leur propre classe. Les élèves de 4e et 5e secondaire, voire 3e, allaient physiquement à l’école un jour sur deux, sauf lorsqu’une éclosion de Covid-19 les renvoyait à la maison pendant 14 jours pour recevoir de l’enseignement en ligne. Le lieu physique d’apprentissage fluctuait donc d’une façon imprévisible pour eux.

Les résultats de l’étude mettent en évidence les tensions vécues par 1 057 adolescents fréquentant 37 écoles au Québec.

Lorsqu’on leur a demandé comment ils se sentaient en général pendant la pandémie, 59 % des adolescents ont répondu qu’ils étaient tristes, et 82 % qu’ils s’ennuyaient. Près de 57 % ont déclaré que leurs résultats scolaires étaient moins bons et 24 % ont dit ne pas comprendre la matière enseignée. Cinquante-deux pour cent allaient physiquement à l’école tous les jours, et 34 % n’y allaient que quelques jours par semaine.

Si l’on examine les éléments qui semblent affecter négativement leur volonté de faire de leur mieux à l’école, 42 % d’entre eux l’attribuent aux changements dans leurs routines et 55 % s’ennuient de l’école. Soixante-cinq pour cent ont déclaré qu’ils manquaient de motivation pour réaliser leurs travaux scolaires.

Trente-six pour cent ont déclaré ne pas avoir accès à un espace calme pour étudier à la maison ou pour suivre leurs cours en ligne. Dix-neuf pour cent n’avaient pas accès à un ordinateur de façon régulière. Quant aux habitudes de sommeil, 42 % des adolescents interrogés dormaient moins de huit heures par nuit.

Parmi ceux qui jouaient à des jeux vidéo plus de quatre heures par jour, 52 % dormaient moins de huit heures, comparativement à 36 % qui jouaient moins de trois heures par jour.

Plus nombreux en emploi

Un tiers des élèves avaient un emploi rémunéré au moment où ils ont rempli le questionnaire. Selon l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire (EQSJS) cela représente une augmentation par rapport à la dernière enquête réalisée 2016-17. À ce moment-là, 22 % des adolescents du secondaire (généralement âgés de 12 à 18 ans) avaient un emploi rémunéré auprès d’un employeur.

Parmi les adolescents qui avaient un emploi rémunéré de plus de 16 heures par semaine, 64 % dormaient moins de huit heures par nuit. Trente-huit pour cent des élèves qui n’avaient pas un emploi rémunéré dormaient moins de huit heures par nuit.

Dans les semaines qui ont suivi le confinement en mars 2020, il y a eu de la confusion lorsque le ministre de l’Éducation du Québec a comparé l’école à la maison à des « vacances » pour eux avant de préciser que l’année scolaire n’était pas terminée. Bien que nous ne sachions pas dans quelle mesure l’emploi rémunéré des adolescents a pu changer entre 2017 et la période précédant immédiatement la pandémie, il est possible de croire qu’un bon nombre d’adolescents ait décidé de se trouver un travail rémunéré pendant le confinement.

Lorsqu’on leur a demandé s’ils étaient heureux de retrouver leurs amis à l’école en septembre 2020, 86 % des élèves ont répondu positivement.

Défis liés à la perte de repères

La baisse de motivation et la perte de repères à l’école et avec les amis peuvent affecter la capacité des adolescents à s’engager pleinement dans l’apprentissage et avoir un impact sur leur bien-être. Nos données illustrent qu’il est important de mieux soutenir les adolescents qui font face à de nouveaux défis.

Nous pensons qu’il est important pour les éducateurs et les familles de faire preuve de plus de flexibilité.

Alors que plusieurs parents sont préoccupés par l’augmentation du temps passé en ligne, l’utilisation des médias sociaux peut être bénéfique si elle favorise les liens positifs avec leurs amis et d’autres membres de leur communauté.

Les adolescents ont déclaré que leurs parents ne comprenaient pas toujours l’utilisation de la technologie et les exigences de l’école en matière d’apprentissage à distance.

Les écoles devraient penser à fournir une assistance technique aux parents, et pas seulement aux enseignants et aux élèves. Les parents ne sont pas tous égaux lorsqu’il s’agit d’utiliser les technologies. Aussi, plusieurs familles provenant de milieux ruraux ou de milieux défavorisés n’ont pas un accès équivalent aux outils technologiques ou à l’Internet.

Une telle situation creuse le fossé numérique et les possibilités d’apprentissage pour certains adolescents. Nos résultats suggèrent que l’accès de certains élèves aux technologies lorsqu’ils étaient confinés chez eux a pu accroître leurs difficultés d’apprentissage pendant la Covid-19.

Soutenir les élèves

Les fermetures d’écoles peuvent avoir exacerbé les inégalités existantes quant à l’écart de réussite chez les jeunes de 15 ans partout au Canada et les inégalités scolaires en enseignement et leurs conséquences à long terme.

Les recherches menées par « Pathways to Education », une organisation caritative dont l’objectif est de briser le cycle de la pauvreté par l’éducation, montrent que de nombreux élèves issus de milieux socio-économiques défavorisés auront du mal à rattraper leur retard scolaire. Il y a davantage de risque d’abandon.

Ainsi, il est clair que le système scolaire et les décideurs du Québec doivent envisager des mesures de soutien centrées sur les élèves qui peuvent être confrontés aux risques d’abandon scolaire. Nous espérons également que les résultats de cette recherche aideront les adolescents à mieux communiquer avec leur famille, leurs enseignants et leurs amis si jamais ils ont à faire face à une autre situation de crise qui les déstabilise.

Par Sylvie Barma, professeure à l’Université Laval; Nathalie Ste-Marie, assistante de recherche au Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire et au Centre de recherche sur l’adaptation des jeunes et des familles à risque à l’Université Laval et Rollande Deslandes, Professeure Émérite et Associée à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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