La classe inversée : une métaphore de tout ce qu’il faut retourner en éducation et un écosystème précurseur de l’innovation pour « l’école » de demain.
Le 5e colloque France-Québec e-éducation s’est tenu du 7 au 10 novembre 2016, à Poitiers en France et à Montréal au Canada, avec des relais assurés à distance dans toute la francophonie. L’École branchée y a assisté, à partir de Montréal.
Voici un aperçu des discussions de la table ronde sur la classe inversée, animée par Jacques Cool, directeur de Cadre21, à laquelle ont participé Marcel Lebrun, professeur à l’Université de Louvain, en Belgique, et François Guité, consultant au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec.
En introduction, Jacques Cool a exposé les nombreux défis inhérents à l’application de l’approche pédagogique de classe inversée, dont :
- la créativité dans l’élaboration des contenus multimédia;
- la différenciation pédagogique, tant pour le présentiel qu’au moment de l’évaluation des apprentissages;
- l’instauration d’un climat d’entraide entre les élèves et des liens de communication avec les parents.
Par la suite, il a adressé deux questions aux participants :
- Comment voyez-vous l’évolution de la classe inversée depuis ses premières expérimentations?
- La classe inversée est-elle un terreau fertile pour l’innovation pédagogique et pour le développement de compétences globales chez chaque jeune (en plus des savoirs et du savoir-faire)?
Voici un bref aperçu des propos des panélistes.
La classe inversée, un écosystème précurseur de l’innovation pour « l’école » de demain
D’entrée de jeu, Marcel Lebrun insiste sur le désormais caractère pluriel des classes inversées, qui vont bien au-delà selon lui des « leçons à la maison et des devoirs en classes ». Elles se situent à la confluence de nombreux courants pédagogiques, allant de la numérisation de l’école à l’évolution des objectifs de l’éducation, en passant par une évaluation davantage formative que certification.
Voyez ici un schéma conçu par M. Lebrun qui illustre sa vision de la transition de l’enseignement à partir d’un mode magistral, visible dans le coin inférieur gauche, et se déclinant de la « classe inversée de Type 1 » vers « les classes inversées de Type 2 » pour arriver à ce qu’il nomme « les classes renversées », où sont questionnés le rapport aux Rôles (apprenant/enseignant) et le rapport aux Savoirs.
L’image de la classe inversée : une métaphore de tout ce qu’il faut retourner en éducation
La responsabilité de former le cerveau des enfants a d’importantes conséquences sur nos sociétés, estime François Guité. D’ailleurs, il questionne : « Pourquoi transformer les organisations éducatives? ». Il observe que, souvent, les révolutions technologiques et les humains ne vivent pas toujours un parfait amour. Quant à la venue du numérique en éducation, il rappelle que les applications produites, la formation du personnel et les analyses de l’évolution des systèmes éducatifs ne sont pas principalement entre les mains des professionnels de l’éducation.
Il ajoute aussi que la classe n’est plus le seul lieu d’apprentissage. « Pensons à tous ces MOOC (NDLR : MOOC signifie Massive Online Open Course, ou CLOM pourCours en ligne ouvert et massif) offerts par ces établissements où autrefois il fallait nous rendre pour apprendre. Nous avons entre les mains des outils “apprenants et intelligents” qui nous forcent à nous éloigner de la pédagogie de la certitude. »
Paraphrasant Einstein, « les défis des systèmes éducatifs contemporains ne sauraient être résolus par les mêmes systèmes qui les ont fait naître », François Guité a abordé cinq aspects de la transformation de l’école.
1- L’enseignant inversé déplace le centre de l’activité scolaire de l’enseignant vers l’apprenant.
2 – Le curriculum inversé vise à adapter le curriculum aux élèves, le passage d’un enseignement fondé sur la mémoire vers un enseignement fondé sur la réflexion.
3 – L’évaluation inversée valorise la persévérance au lieu de la performance. Cependant, « les enseignants ont-ils les compétences pour évaluer les compétences? ».
4 – L’école inversée repense non seulement le design intérieur de l’école, mais remet aussi en question la présence obligatoire à l’école. Elle favorise l’apprentissage continu, qui vise le dépassement et l’autonomie de l’apprenant. Elle remplace la culture « apprendre pour l’acquisition d’une certification » par la culture « apprendre tout au long de la vie ».
5 – La gouvernance inversée, par laquelle on peut faire de la gouvernance progressive et adaptative, utiliser l’intelligence des professionnels de l’éducation et décentraliser le pouvoir décisionnel.
Viser un humanisme commun
Ces exposés ont généré une riche discussion dont ces quelques réflexions ont émané :
- Nous sommes au début d’une époque de grands changements.
- Le système scolaire est présentement très linéaire alors que l’information circule de manière réticulaire au sein d’une société complexe.
- Les apprenants désirent de plus en plus que leurs apprentissages soient en lien avec la réalité.
- Où centrer l’éducation, vers l’épanouissement de l’individu ou vers la formation?
- Face à l’omniprésence numérique, il importe de viser un humanisme commun.