Les 29 et 30 mars derniers se tenait le 5e Sommet international sur la profession enseignante à Banff en Alberta. La veille, le 28 mars, était consacrée au volet pancanadien et réunissait, entre autres, les membres du Conseil des ministres de l’Éducation du Canada (CMEC). Le Ministère de l’Éducation supérieur, de la Science et de la Recherche (MEESR) du Québec y a invité divers acteurs du monde de l’éducation. Compte-rendu.
Le volet pancanadien du Sommet sur la profession enseignante a donné lieu à quatre grandes séances pour explorer les questions suivantes :
- Comment favoriser l’innovation au service de l’apprentissage?
- Comment favoriser la responsabilisation collective pour l’amélioration constante de l’enseignement et de l’apprentissage?
- Quels changements cruciaux apporter pour permettre une éducation pertinente et équitable pour les Autochtones?
- Comment promouvoir l’équité pour tous les apprenants?
Ces séances ont permis d’entendre l’état de la situation au Canada grâce à la collaboration d’Andreas Schleicher de l’OCDE, Michael Fullan de l’Université de Toronto, Julie Desjardins vice-doyenne de l’Université de Sherbrooke, Darren McKee des Conseils scolaires de la Saskatchewan et Avis Glaze d’Edu-quest international et anciennement du ministère de l’Éducation de l’Ontario.
Andreas Schleicher a tout d’abord dressé le tableau de la profession enseignante dans les pays de l’OCDE. L’enquête TALIS (enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage de l’OCDE) révèle qu’il y a un grand décalage entre ce que les enseignants savent qu’ils doivent faire et ce qu’ils font véritablement en classe. Ainsi, les trois quarts des enseignants qui ont participé à l’étude disent ne pas avoir le temps de se perfectionner, alors que ceux qui se perfectionnent constatent de façon unanime les effets positifs sur les apprentissages.
Comment favoriser l’innovation au service de l’apprentissage?
Les facteurs observés qui ont entrainé des changements positifs pour la profession enseignante et les apprentissages s’appuient de façon générale sur des approches collaboratives. Les systèmes d’éducation qui ont amené leurs enseignants à faire du travail collaboratif, à partager leurs meilleures pratiques pédagogiques et à s’observer mutuellement en classe se sont non seulement améliorés, mais cela a entrainé une hausse de l’engagement et de la motivation du personnel enseignant.
Trois grands facteurs ressortent afin de favoriser les innovations et ainsi créer un impact sur l’apprentissage des élèves. Il importe tout d’abord d’assurer une formation initiale de qualité aux futurs enseignants qui sauront s’inscrire dans une démarche de formation continue tout au long de leur vie (life long learning). L’importance de créer des liens entre la recherche et la pratique a été réaffirmée comme facteur stimulant les innovations. Enfin, le leadership enseignant doit non seulement être reconnu, mais il se doit d’être encouragé pour favoriser l’innovation et espérer des changements durables des pratiques.
Comment favoriser la responsabilisation collective pour l’amélioration constante de l’enseignement et de l’apprentissage?
Julie Desjardins, de l’Université de Sherbrooke, fait appel aux croyances et aux valeurs pour faire évoluer les pratiques et espérer que celles-ci s’inscrivent dans le temps. Pour cela, il faut que les enseignants sentent que l’innovation peut venir d’eux, qu’ils doivent travailler ensemble et que le changement fait partie de leurs responsabilités. Michael Fullan, de l’Université de Toronto, endosse aussi la notion de valeurs et de culture qui doivent se refléter, selon lui, dans une identité professionnelle qui s’appuierait sur un référentiel de compétences commun pour guider les enseignants dans leur rôle. Il note au passage la surcharge administrative qui empêche le leadership pédagogique des enseignants. Il souhaite aussi que les enseignants, tout comme les élèves, soient des apprenants connectés pendant et au-delà des heures de classe. Pour ce faire, il faut que l’école et la maison soient branchées et ouvertes sur la communauté. Il note qu’il importe de ne pas tout changer, mais de reconnaître les bonnes pratiques des enseignants pour ainsi leur permettre d’influencer ce qu’il faut améliorer et ultimement de gagner leur adhésion. Il termine en souhaitant voir naître une culture qui valoriserait le succès et le développement et où les enseignants pourraient collaborer grâce à un système de mentorat qui pourrait susciter ce fameux changement de culture.
Quels changements cruciaux apporter pour permettre une éducation pertinente et équitable pour les Autochtones?
L’éducation n’est pas desservie de la même manière auprès des Autochtones du Canada. Leur situation scolaire n’est pas la même au Québec (qui est de juridiction provinciale) que dans le reste du pays qui dépend encore des lois fédérales du début des années 1960. Darren McKee, de la Saskatchewan, espère qu’un lien de confiance se développe dans les relations avec le fédéral et les communautés, que la réalité culturelle des Autochtones soit reconnue dans les curriculums et que les structures scolaires s’implantent dans les communautés au lieu de forcer les élèves à l’exil.
Comment promouvoir l’équité pour tous les apprenants?
Pour promouvoir l’équité pour tous les apprenants, Avis Glaze donne en exemple le modèle ontarien qui oblige les élèves à fréquenter l’école jusqu’à l’âge de 18 ans. Cependant, ce facteur n’est pas suffisant à lui seul pour justifier l’augmentation du taux de diplomation de 15 % en 10 ans. D’importants travaux en littératie et en numératie ont servi à revoir le curriculum et le temps d’enseignement de certaines matières, l’importance des relations avec les élèves est (re)devenue une priorité et chaque élève est inscrit dans un plan de formation dans lequel il s’engage. Bref, le gouvernement ontarien a décidé d’identifier les lacunes, de mesurer la situation et l’impact des changements apportés avant de déployer les solutions qui ont fait que les apprenants réussissent mieux qu’il y a dix ans.
Cette première journée du Sommet sur la profession enseignante a permis de mettre la table et de faire le tour d’une certaine réalité canadienne qui nous échappe souvent en raison de la légitimité provinciale de nos ministères respectifs. Les deux jours suivants du Sommet international visaient à élargir la perspective sur la profession enseignante en 2015.