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Réfugiés ukrainiens : l’urgence de scolariser les jeunes

De nombreux enfants et adolescents ukrainiens ont trouvé refuge dans les pays voisins. Il faut mettre rapidement sur pied un système éducatif afin qu’ils retrouvent une certaine forme de normalité, disent les chercheurs. Dans les situations d’urgence, l’éducation est un facteur majeur dans la protection psychologique et physique des élèves. Cependant, pour mettre sur pied un système éducatif d’urgence dans un contexte de conflit armé, plusieurs éléments doivent être planifiés avec précaution : le bien-être des enseignantes et des enfants, une éducation sensible aux conflits, et un soutien psychosocial.

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Par Olivier ArvisaisDiane Alalouf-Hall et Patrick Charland de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

À la suite de l’offensive militaire en Ukraine, près d’un million de civils ont trouvé refuge dans les pays voisins, majoritairement des femmes et des enfants.

De nombreux autres sont en mouvement. L’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) estime que 4 millions de personnes pourraient fuir l’Ukraine dans les semaines à venir. À l’heure actuelle, environ 7 millions ont été forcées de se déplacer à l’intérieur du pays. Selon les premières estimations, la crise menacerait directement la vie et le bien-être d’environ 7,5 millions d’enfants et d’adolescents à travers le pays.

Parmi les nombreuses menaces à leur bien-être, nous pouvons nous attendre à de profondes perturbations de leur parcours éducatif. Il est nécessaire de rappeler que l’accès à une éducation est un droit fondamental.

Spécialiste de l’éducation en situation d’urgence, mes recherches et ceux de mes collègues portent sur les initiatives d’éducation dans les camps de réfugiés, la protection de l’enfance à travers les apprentissages socio-émotionnels et l’éducation sous les groupes armés.

Éducation et soutien social

Selon les rapports préliminaires, les observations sur le terrain et la dynamique des déplacements, il est fort probable que la proportion d’enfants et d’adolescents en âge scolaire soit d’au moins 50 % chez les personnes réfugiées, comme c’est le cas en Pologne, actuellement leur principale destination.

Dans les dernières années, l’éducation en situation d’urgence a connu un développement considérable comme moyen de protection, mais aussi comme action humanitaire. Les recherches qui en découlent nous permettent aujourd’hui d’entrevoir avec lucidité les conséquences du conflit en Ukraine sur l’éducation des jeunes déplacés et réfugiés.

Pour mettre sur pied un système éducatif d’urgence dans un contexte de conflit armé, plusieurs éléments doivent être planifiés avec précaution : le bien-être des enseignantes et des enfants, une éducation sensible aux conflits, et un soutien psychosocial.

Des ressources provenant des réfugiés

Dans un contexte linguistique où les réfugiés ne parlent pas la langue du pays d’accueil, l’une des premières étapes est d’identifier les enseignantes parmi la communauté réfugiée. Le meilleur moyen d’y arriver rapidement et efficacement est de le faire lors du processus d’enregistrement et d’identification.

Ces données servent d’abord d’outil de protection des personnes réfugiées. Elles permettent aussi de planifier les programmes, notamment pour le logement, la nourriture, l’eau et les équipements sanitaires. Cependant, nous avons trop souvent considéré ce processus seulement de façon unidirectionnelle, soit uniquement dans la direction des fournisseurs d’assistance vers les bénéficiaires. Or, les communautés de personnes réfugiées font toujours preuve de résilience et représentent elles-mêmes des ressources pour répondre à la crise.

Le fait que les réfugiés adultes soient très majoritairement des femmes – les hommes âgés entre 16 ans et 60 ans ne peuvent quitter l’Ukraine — nous laisse croire que des milliers d’enseignantes se retrouvent parmi eux. Une fois identifiées, elles seront en mesure de soutenir leur propre communauté dans la provision de services éducatifs d’urgence.

Outre les enseignants, il est primordial de recenser lors du processus d’enregistrement et d’identification les psychologues et les travailleuses sociales. Cette synergie permettra d’accélérer la mise en place d’une réponse éducative d’urgence plus adaptée. De là, il faut penser à la planification du système éducatif. Il s’agit d’un processus technique, politique et participatif qui doit être dirigé impérativement par le gouvernement du pays d’accueil avec l’assistance du réseau onusien et des ONGI compétentes.

Pour ce faire, des modèles de projection et de simulation devront être utilisés pour déterminer les ressources matérielles et humaines disponibles et nécessaires à la mise en œuvre d’un plan. Ensuite, le financement adéquat devra être déterminé en fonction des objectifs du plan et des ressources nécessaires et disponibles. Outre le curriculum, les bâtiments, le matériel scolaire et autres, les enseignantes doivent rester la priorité. Tant et aussi longtemps qu’il y a une enseignante, l’école peut exister pour les élèves, même sans livres ni bâtiment.

Le bien-être des enseignantes

Si les approches sont souvent centrées sur les besoins des élèves, le bien-être des enseignantes est en effet d’une importance vitale. À elles seules, ces personnes représentent l’école dans son entièreté.

Les enseignantes travailleront dans un environnement éducatif complexe, et ce, avec un soutien minimal. Elles assumeront une multitude de rôles et de responsabilités non traditionnelles pour répondre aux divers besoins des élèves et de la communauté. Elles devront composer avec la réalité des déplacements qui résultent d’un conflit armé. Ces déplacements produisent souvent des tensions au sein d’une communauté. De plus, les élèves subissent un stress important, ont potentiellement été témoins d’évènements traumatiques et sont habités par un sentiment d’insécurité. Tous ces élèments perturbent l’apprentissage et peuvent même entraver le développement cognitif.

Dans les dernières années, la communauté œuvrant dans le domaine de l’éducation en situation d’urgence a favorisé l’inclusion des élèves réfugiés dans les systèmes éducatifs nationaux des pays d’accueils. Dans le cas particulier de l’Ukraine, il semblerait que cela ne soit pas la meilleure solution afin de répondre rapidement et adéquatement aux besoins des élèves. En effet, il faut absolument profiter d’une situation rare, c’est-à-dire celle où il y a un nombre important d’enseignantes formées parmi la communauté de personnes réfugiées pour mettre en place un système éducatif d’urgence employant la langue d’instruction d’origine des élèves.

Éducation sensible aux conflits

Il faut inclure une éducation sensible aux conflits. Cet outil, créé par le Réseau Inter-agences pour l’Éducation en Situations d’Urgence (INEE), composé de membres à travers le monde qui travaillent dans un cadre humanitaire et de développement, conçoit et diffuse des programmes éducatifs qui tiennent compte du contexte de conflits. Un système éducatif d’urgence ne doit pas se concentrer uniquement sur les solutions académiques ou techniques. Cela ne suffira pas à relever les défis et répondre aux réels besoins des élèves.

Il y a même un risque que l’éducation contribue à augmenter les tensions. Par exemple, des enseignantes frustrées par le conflit pourraient tenir des discours haineux en classe. Il est crucial que l’éducation contribue plutôt à minimiser les impacts négatifs tout en maximisant les impacts positifs d’une éducation en situation d’urgence. Un des moyens pour y arriver est d’offrir à travers la relation pédagogique un soutien psychosocial.

Soutien psychosocial et apprentissage

Dans les situations d’urgence, l’éducation est un facteur majeur dans la protection psychologique et physique des élèves.

En effet, elle peut offrir aux élèves un environnement sûr et stable à travers la crise et ainsi contribuer à restaurer un sentiment de normalité, de dignité et d’espoir. Pour ce faire, il faut proposer des activités de soutien qui aident à développer les compétences cognitives, sociales et émotionnelles des enfants et des adolescents. Il faut créer des routines stables, utiliser le jeu, favoriser le développement de relations d’amitié et l’espoir dans le discours, réduire le stress par une meilleure gestion de celui-ci, encourager l’expression de soi et promouvoir un comportement collaboratif.

Le bien-être psychosocial est un précurseur important de l’apprentissage et est essentiel à la réussite scolaire.

Les gouvernements, le UNHCR et plusieurs ONG internationales sont déjà à mettre en place une réponse face à la crise. D’ailleurs, le gouvernement polonais a annoncé que la télévision publique commencerait à diffuser en continu des programmes pour les enfants ukrainiens et qu’elle travaillait sur le doublage en ukrainien d’émissions polonaises pour enfants. Espérons que la réponse éducative puisse s’organiser de manière à permettre aux enfants et aux adolescents de retrouver une certaine forme de normalité.

Par Olivier Arvisais, Professeur, Département de didactique, Diane Alalouf-Hall, Doctorante en sociologie, et Patrick Charland, Professeur titulaire, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM).

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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