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Longtemps, je me suis ennuyée à l’école

C’est le titre d’un livre écrit par Lola Vanier, une jeune Française âgée de 28 ans. Elle n’est pas enseignante, mais en cette époque de dominance des courants pédagogiques centrés sur l’élève, il mérite qu’on s’y intéresse pour voir si on vise les bons objectifs.

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C’est le titre d’un livre écrit par Lola Vanier, une jeune Française âgée de 28 ans. Elle n’est pas enseignante, mais en cette époque de dominance des courants pédagogiques centrés sur l’élève, il mérite qu’on s’y intéresse pour voir si on vise les bons objectifs.

Un livre coup de poing. Une sortie en règle contre l’école, ses mœurs et sa culture comme on en voit rarement, et ce, à tous les niveaux allant du primaire à l’université. L’auteure n’y va pas par quatre chemins : au lycée (équivalent au 2e cycle du secondaire), elle qualifie le milieu d’anti-jeunes et adulto-centriste, alors qu’elle souligne le mépris avec lequel toute la structure du monde universitaire traite ses étudiants avec, en tête, des professeurs aucunement soumis à des mécanismes de reddition de comptes. Tous y passent : les enseignants snobinards, les dirigeants déconnectés, les professeurs d’université et les doyens méprisants, etc.

 

La méritocratie

Les niveaux primaire et secondaire y goutent aussi. Pour Lola Vanier, il s’agit de milieux déshumanisés où des règles aliénantes prennent le dessus sur la pédagogie, qui est d’ailleurs déconnectée des besoins des élèves. Un triste portrait d’une dictature axée sur le contrôle, brimant l’élève dans son besoin de s’exprimer et de développer son sens critique : (…) l’immobilité est signe de discipline, écouter sans broncher, et la plupart du temps, presque toujours, la fermer. Seuls ceux qui jouent le jeu survivent; ce sont les élèves méritants et le régime politique scolaire est, toujours selon l’auteure, une méritocratie.

L’école que dénonce Lola Vanier est celle de l’utilité, mais surtout celle de l’ennui et de la démotivation. Apprendre pour le plaisir? Non! Elle dénonce la platitude de ses enseignants, ces prêcheurs soporifiques, et le peu d’imagination dont ils font preuve dans leur pédagogie en soulignant que l’érudition de ces derniers, bien souvent, s’exerce au détriment des préoccupations actuelles des élèves. Il n’y a pas à souhaiter de former des spécialistes ou des savants d’une matière donnée. L’enseignant parle, les élèves écoutent. Il dicte, nous écrivons. Il ordonne, nous obéissons. Impossible d’échapper au rapport de force. À cette dualité rigide. À cette distance qui fait de nous des inconnus familiers. L’auteure se questionne : le respect que l’élève voue à son enseignant est-il basé exclusivement sur le respect des règles imposées?

L’ennui nous subvertit. Au secours, on s’emmerde. À ces affirmations, la réponse estudiantine verse dans le désengagement et dans le triste constat que des centaines de milliers d’élèves dressent quotidiennement : il y a lieu d’abandonner et se résigner face à la machine scolaire. Car cet absentéisme discret où on va à l’école par obligation pour faire plaisir s’attaque indirectement au tabou de l’élève fantôme, celui qui est présent en classe physiquement alors que ses pensées sont ailleurs. Les bâillements contagieux rivalisent avec le désir de crier, de bouger et, pour les plus rebelles, de s’opposer, de s’émanciper ou de défier l’ordre établi. La passivité, l’immobilisme et le mutisme ne sont pourtant pas des synonymes d’écoute active ou de concentration.

 

Heureusement, des exceptions

Mais, heureusement, Lola Vanier reconnaît qu’il existe des enseignants qui bousculent la quiétude intellectuelle de leurs élèves et qui incitent au dépassement. Justement, elle explique que lorsque l’élève peut établir un lien significatif avec son enseignant, il est susceptible de se laisser inspirer pour éventuellement s’élever à un niveau originalement insoupçonné. Dans le fond, une fois le parcours terminé, que reste-t-il de nos souvenirs scolaires? Des anecdotes bien plus humaines qu’académiques!

En effet, si la critique est parfois dure à l’égard des enseignants, ils ne sont pas toujours à blâmer pour autant. Pris dans une lourde structure bureaucratique, peut-être s’ennuient-ils autant que leurs élèves? Cette lourdeur annihilant l’autonomie et le rayon d’action des professionnels de l’enseignement est étouffée par des bureaucrates imposant leurs directives déconnectées à un corps enseignant décimé et ignoré.

 

D’un paradoxe à un autre

Quelques paradoxes relevés tapissent le livre d’un couvert à un autre. Au lycée, pour des adolescents constamment à la recherche de cohérence et qui sont à un moment charnière dans leur vie où ils remettent en question leurs propres références, (…) les élèves ont pour seule fonction d’absorber ce que dit le professeur qu’on ne conteste jamais. Pourtant, au même moment, on prétend développer l’esprit critique de ces derniers. En rafale, que dire de l’enseignant qui coupe la parole à son élève ou l’ignore alors que ce dernier propose une explication divergente de la théorie enseignée. L’école secondaire serait un monde où s’excuser est un signe de faiblesse. À l’inverse, de la part d’un élève, présenter des excuses est un signe d’humilité.

L’université n’y échappe pas. Que dire du professeur qui ne répond presque jamais à ses courriels ou celui qui est indisponible pour rencontrer ses élèves à l’extérieur des heures de cours. Enfin, un classique, les bonnes notes sur des travaux qui reviennent sans annotations de la part des enseignants, ce qui pousse les étudiants à s’interroger à savoir si ledit travail a été lu.

 

En somme, malgré qu’il semble irréaliste que cette pauvre Lola Vanier puisse avoir vécu toutes ces mésaventures, il n’en demeure pas moins qu’il y a beaucoup à extraire de ces récits ou réflexions. De durs constats, rendus nécessaires à faire pour relancer l’école occidentale laquelle, semble-t-il, n’a pas été remise en question depuis des lustres. Ce qui rend la réflexion pertinente, outre le fait qu’elle force le milieu scolaire à réfléchir sur ses interventions quotidiennes auprès des élèves, c’est que ce livre n’a pas été rédigé une jeune venant tout juste de quitter les bancs d’école. C’est une adulte qui a écrit ces lignes et son âge a largement atteint le fameux tu comprendras quand tu seras plus vieille! Or, la voilà plus vieille et, visiblement, elle ne comprend toujours pas.

Le livre Longtemps, je me suis ennuyée à l’école est disponible pour commande chez Max Milo Éditions.

 

À propos de l'auteur

Marc-André Girard
Marc-André Girard
Marc-André Girard est détenteur d’un baccalauréat en enseignement des sciences humaines (1999), d’une maitrise en didactique de l’histoire (2003), d’une maitrise en gestion de l’éducation (2013) et d’un doctorat en éducation (2022). Il s’est spécialisé en gestion du changement en milieu scolaire ainsi qu’en leadership pédagogique. Il s’intéresse également aux compétences du 21e siècle à développer en éducation. Il occupe un poste de direction dans une école publique et donne des conférences sur le leadership en éducation, les approches pédagonumériques, le changement en milieu scolaire ainsi que sur la professionnalisation de l’enseignement. Il a participé à des expéditions pédagogiques en France, en Finlande, en Suède, au Danemark et au Maroc. En septembre 2014, il a publié le livre « Le changement en milieu scolaire québécois » aux Éditions Reynald Goulet et, en 2019, il a publié une trilogie portant sur l'école du 21e siècle chez le même éditeur. Il collabore fréquemment à L’École branchée sur les questions relatives à l’éducation. Il est très impliqué dans tout ce qui entoure le développement professionnel des enseignants et des directions d'école ainsi que l’intégration des TIC à l’éducation. En mars 2016, il a reçu un prix CHAPO de l’AQUOPS pour l’ensemble de son implication. Il est récipiendaire de la bourse Régent-Fortin 2022 octroyée par l’ADERAE pour la contribution importante de ses études doctorales au développement de la pratique et des savoirs en administration de l’éducation.

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