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Le tutorat pour soutenir les élèves : une bonne idée ?

Le tutorat a été une mesure phare mise en œuvre pour soutenir les élèves dans le contexte de crise sanitaire. Mais de manière plus générale, dans quelle mesure le tutorat constitue-t-il une façon pertinente de soutenir les élèves? C’est la question que s’est posée Cathia Papi, chercheuse à l’Université TÉLUQ. Bien qu’il serait intuitif de répondre oui à cette question, l’auteure explique que ce n’est pas si simple.

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Par Cathia Papi, Université TÉLUQ

Le tutorat visant le soutien scolaire s’est grandement développé au cours des dernières décennies et a été l’une des mesures phares mises en œuvre dans plusieurs pays dans le contexte de la pandémie de Covid-19.

Le tutorat peut être proposé de façon plus ou moins intensive, par le système éducatif, des organisations à but non lucratif ou des entreprises privées. Si, dans les deux premiers cas, le tutorat est généralement mis en place pour soutenir des élèves éprouvant des difficultés dans une ou plusieurs disciplines, dans le troisième, il s’agit davantage d’un accompagnement payé par les parents en vue non seulement de permettre à leurs enfants de surmonter leurs difficultés, mais également d’accroître leur performance scolaire.

M’intéressant depuis longtemps à l’accompagnement et au tutorat dans le cadre de l’enseignement postsecondaire, je m’interroge ici sur l’intérêt du tutorat dans l’éducation de manière générale. Autrement dit, le tutorat constitue-t-il une façon pertinente de soutenir les élèves ?

Qu’est-ce que le tutorat ?

Si la question est simple, la réponse est loin de l’être. En effet, il existe une multitude de définitions variant selon les époques, les contextes, les objectifs associés au tutorat ou les acteurs qui s’y intéressent. Du préceptorat comme mode d’enseignement individualisé à domicile, au monitorat comme enseignement à un groupe assuré par des apprenants, de l’insertion professionnelle à la formation à distance, le terme « tutorat » a été employé pour désigner des réalités variées. Si variées, que les représentations ou idées associées à ce terme sont susceptibles de différer d’un individu à l’autre, même parmi les professionnels de l’éducation ou les chercheurs dans le domaine.

Le tutorat peut être réalisé par différentes personnes, notamment des professionnels de l’éducation dans le cadre de l’enseignement primaire et secondaire ou de la formation à distance. Lorsqu’il est assuré par des élèves ou des étudiants, on parle parfois de tutorat par les pairs, voire de mentorat lorsque le tuteur est d’un autre niveau scolaire que le tutoré.

De manière générale, le tutorat désigne l’accompagnement régulier, personnalisé, individualisé ou en petits groupes, d’apprenants rencontrant des difficultés scolaires. Il peut être réalisé en présence ou en ligne.

Dans quelle mesure le tutorat est-il efficace ?

Les recherches sur le tutorat dans les milieux scolaires font ressortir que l’effet du tutorat sur l’apprentissage est positif et statistiquement significatif. Il semblerait alors intuitif de répondre directement : oui, le tutorat est une bonne idée !

Cependant, face à la multiplicité des formes que peut revêtir le tutorat, il est important de prendre en considération qu’il ne suffit pas de mettre une étiquette « tutorat » sur un dispositif de soutien scolaire pour que ce dernier ait les impacts escomptés. Les récentes recherches dans le domaine montrent effectivement que plusieurs critères jouent un rôle essentiel pour favoriser l’efficacité des dispositifs de tutorat.

Pour être efficace, le tutorat devrait ainsi s’inscrire dans le temps. Autrement dit, le tutorat ne doit pas être une activité ponctuelle ; il importe de prévoir plusieurs séances par semaine durant plusieurs semaines. Pour un soutien optimal, au moins trois séances hebdomadaires de tutorat seraient à intégrer au temps scolaire.

Par ailleurs, le tutorat devrait idéalement être effectué de manière individuelle ou en petit groupe n’excédant pas 4 élèves. Ce critère permet en effet d’assurer un soutien personnalisé en fonction des besoins de l’apprenant et favorise la création d’une relation de confiance et de proximité. Ce type de relation est propice à l’apport d’un soutien non seulement scolaire, mais aussi socioaffectif.

Enfin, les résultats du tutorat sont généralement meilleurs lorsque le tutorat est exercé par des professionnels de l’éducation. De fait, le tutorat est souvent exercé par les enseignants des élèves qui sont les mieux à même à connaître leurs élèves, les difficultés qu’ils rencontrent, les notions étudiées et la manière dont elles ont été présentées. La relation est également déjà existante, ce qui facilite les premières séances de tutorat.

Toutefois, les recherches font également ressortir que d’autres personnes spécialement formées au tutorat et bénéficiant d’un accompagnement, assuré par des professionnels de l’éducation, peuvent aussi s’avérer être de bons tuteurs. C’est ainsi notamment le cas des étudiants amenés à soutenir des élèves dans certains dispositifs. Dans ce dernier cas, plusieurs études suggèrent que le tutorat exercé volontairement par des étudiants auprès d’élèves pourrait également avoir des effets positifs sur les étudiants eux-mêmes tant sur le plan des apprentissages que de la motivation, par exemple.

Le tutorat est-il le seul moyen de soutenir les élèves ?

Évidemment, le tutorat n’est pas la seule forme de soutien scolaire existant. Des types de soutien n’ayant pas la dénomination de tutorat, tels que la réponse à l’intervention (RAI), qui est un modèle d’intervention auprès des élèves en difficulté, ou le coenseignement, par lequel deux enseignants sont présents dans une classe pour enseigner un même contenu de façon différente selon les caractéristiques du groupe d’élèves auquel ils s’adressent, sont quelque peu différents du tutorat, mais permettent de soutenir les élèves. La RAI et le coenseignement répondent d’ailleurs fréquemment aux critères d’efficacité du tutorat. De même, l’aide aux devoirs proposée par un grand nombre d’établissements scolaires et d’organismes à but non lucratif peut remplir différents critères et favoriser, au-delà de la réalisation des devoirs, le travail de certaines notions.

Par ailleurs, s’il est important d’identifier les critères permettant d’offrir des dispositifs d’accompagnement efficaces, cela ne signifie pas que les dispositifs ne regroupant pas l’ensemble de ces critères n’ont pas d’effet. Par exemple, un tutorat de « seulement » deux séances par semaine, sans être optimal, apporte un soutien non négligeable aux élèves.

Pour répondre à la question en titre de cet article, il semble donc possible de dire que le déploiement de tutorat pour soutenir les élèves en difficulté semble pertinent si tant est que les dispositifs proposés correspondent le plus possible aux caractéristiques précédemment définies et que les ressources humaines et les montants investis soient adéquats relativement aux besoins.

Par Cathia Papi, Professeure, CURAPP-ESS, Université TÉLUQ

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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