Un séminaire organisé par la Direction de Région Académique du Numérique pour l’Éducation de Guadeloupe (DRANE – Guadeloupe) s’est tenu du 1er au 5 décembre 2024. Il portait le titre : Intelligences artificielles en éducation : quelles opportunités le numérique, en particulier l’IA, offre-t-elle pour l’éducation en Guadeloupe? Un compte rendu de notre collaborateur, Marc-André Girard, qui était sur place.
Rassembler apprenants et enseignants
Une particularité intéressante de ce séminaire de la DRANE -Guadeloupe était qu’il comprenait différentes activités pour tous les intervenants scolaires, incluant les élèves. En effet, des élèves (du primaire, du collège ou du lycée) ont pu assister à des conférences et prendre part à des échanges. Des enseignants, des directions d’établissements scolaires et d’autres cadres du secteur de l’éducation étaient aussi présents. Les parents étaient également invités à se joindre au groupe pour certaines activités en particulier, de même que des étudiants et des professeurs de l’Université des Antilles.
Plusieurs conférences et tables rondes ont eu lieu, ainsi que des ateliers plus concrets permettant de plonger dans l’univers des IA en éducation. Par exemple, des moments d’échange ont permis aux élèves de discuter des utilisations possibles des IA génératives et aux enseignants d’exprimer leurs inquiétudes quant à l’augmentation du plagiat dans les travaux ou les devoirs. Ces regards croisés ont donné lieu à des discussions intéressantes, parfois avec des points de vue opposés de la part des apprenants et des enseignants. En effet, il est très intéressant, voire riche, d’entendre ceux-ci partager des expériences contradictoires, réfléchies, ouvrant une dimension sur leurs vulnérabilités réciproques. Voilà une leçon retenue de l’événement : quand il est question des IA à l’école, quelle bonne idée de rassembler les deux parties de l’équation : ceux qui apprennent, ceux qui enseignent.
Pour sa part, Erwan Peitel, inspecteur général en France, était de passage en Guadeloupe pour offrir une conférence intitulée « IA, notre ambition pour l’école ». Les idées proposées étaient teintées d’une certaine candeur assumée, combinée à une lucidité sans équivoque. Certains propos étaient aussi porteurs de leçons générant la réflexion, tout en incitant à une intégration réfléchie des IA en contexte scolaire.
1- Une transversalité indispensable
D’abord, Erwan Peitel a souligné que les usages des IA à l’école ne doivent pas, selon lui, être confinés aux silos disciplinaires traditionnels, mais envisagés sous l’angle de la transversalité. À son avis, les IA transcendent les matières et influencent l’ensemble du milieu scolaire, ayant un impact sur l’apprentissage dans son sens le plus large. Si elles trouvent une résonance particulière dans des disciplines comme les mathématiques ou l’informatique, les IA rassemblent toutes les disciplines. Les premières s’intéresseront certainement à ce qui se trouve sous le capot : programmation, algorithmes, pensée informatique, etc. Les autres disciplines pourront s’attarder à la qualité de la langue, aux échanges, à l’interprétation des données, au développement de l’esprit critique, à l’empreinte écologique, etc.
2- Baliser sans contraindre
Ensuite, l’inspecteur a mis en lumière les incertitudes et les craintes suscitées par les IA, qui incitent les écoles à demander un encadrement législatif. Il rappelle cependant que le respect des autonomies systémiques, organisationnelles et professionnelles doit demeurer. Selon lui, les cadres généraux offrent des orientations tout en laissant aux établissements et aux enseignants la liberté d’adapter les usages à leur contexte.
À ce sujet, citons en exemple le guide récemment publié par le ministère de l’Éducation du Québec qui propose de grandes orientations d’usage des IA : « L’utilisation pédagogique, éthique et légale de l’intelligence artificielle générative ».
3- Redéfinir les attentes envers les élèves
Dans un troisième temps, Erwan Peitel a invité son public à repenser ce qu’on attend traditionnellement des élèves. Par exemple, est-il encore pertinent d’évaluer des devoirs réalisés à la maison à l’ère des IA? Il propose d’utiliser ces moments pour consolider les apprentissages, revoir des notions ou adopter une approche de classe inversée. Cela permettrait de privilégier le temps en classe pour des interactions directes, le suivi des apprentissages et l’évaluation des progrès réels des élèves.
4- Redéfinir la valeur ajoutée de l’école
Enfin, une question fondamentale se pose : pourquoi un élève vient-il en classe à une époque où il a accès à toute la connaissance au bout des doigts? Pour Erwan Peitel, cette interrogation force une réflexion essentielle sur la valeur ajoutée de l’école à l’ère des IA. En se demandant ce que l’école peut offrir d’unique, enseignants et décideurs sont appelés à réinventer ses missions et à repenser son rôle dans le développement des compétences humaines et sociales des élèves.
La grande conclusion de l’événement était la suivante : grâce aux technologies numériques, l’école est appelée à se transformer. Alors que les élèves sont déjà en train de le faire, les professionnels liés au monde scolaire doivent emboîter le pas rapidement.
Crédit photo : Site Web de DRANE – Guadeloupe