Par Martine Rioux
Philippe Longchamps, enseignant d’origine québécoise expatrié en Suède depuis une vingtaine d’années, était de passage au Québec pour présenter une conférence au Congrès 2023 de l’Institut des troubles apprentissages. Il a parlé de l’importance pour les enseignants de développer davantage de stratégies d’enseignement multimodales, adaptées à la neurodiversité. Selon lui, les compétences transversales et les technologies éducatives doivent être bien présentes dans les salles de classe afin de mieux rejoindre les élèves de tous les profils.
« Nous avons besoin de développer une pédagogie plus relationnelle où l’enseignant accompagne les élèves dans leur développement global. Rappelons-nous toujours que les enfants vont à l’école pour apprendre et non pas pour être évalués. Les élèves qui sont les plus difficiles à féliciter sont généralement ceux qui en ont le plus besoin. Pensons à mesurer les succès en progrès et non plus en résultats scolaires. En ce sens, la rétroaction en continu est essentielle », a soutenu l’enseignant, qui avait été nommé Enseignant de l’année en Suède en 2020. Il enseigne l’histoire, la géographie et la technologie au niveau secondaire à l’école Montessori bilingue de Lund.
Cette pédagogie relationnelle se construit par une plus grande présence des enseignants auprès de leurs élèves. « Mangez avec eux, soyez avec eux pendant les récréations, apprenez à les connaître. » Elle passe aussi par le fait de faire une plus grande place au développement des compétences transversales dans les salles de classe. « Le travail d’équipe, la pensée critique, la créativité sont des clés du 21e siècle. »
Dans la classe de Philippe Longchamps, les élèves apprennent presque en tout temps par projets, en faisant des choses, en équipe. Il recherche la transdisciplinarité plutôt que l’interdisciplinarité. Au fil du temps, il a constaté que ce mode de fonctionnement soutient le développement de l’autonomie de ses élèves, les amène à se placer en mode résolution de problèmes, à prendre des risques et ne plus avoir peur de faire des erreurs.
« Nous devons être multimodaux pour rejoindre tous les élèves, créer diverses ambiances dans la classe, amener les jeunes à manipuler, toucher, être dans l’action. Ce type de pédagogie est bonne pour tous les élèves, mais vraiment essentiel pour certains », précise-t-il.
Parlant d’inclusion, il rappelle que le personnel enseignant gagne à utiliser les technologies d’assistance et d’adaptation, telles que les logiciels de synthèse vocale, pour soutenir tous les élèves, et pas seulement ceux qui ont des difficultés d’apprentissage. « Lire des questions à haute voix, ce n’est bon uniquement pour un élève en difficulté d’apprentissage. Tous peuvent en bénéficier. »
Multimodalité : utilisation de différents modes de présentation de l’information pour aider les apprenants à acquérir et à intégrer les connaissances (ex. ludification, activités pratiques, travaux manuels, etc.).
Transdisciplinarité : mobilisation pédagogique qui va au-delà des disciplines, particulièrement dans le cadre d’un projet, afin de rassembler toutes les formes de savoirs (savoir-être, savoir-faire).
Source : image tirée du livre Transformative Education: A Showcase of Sustainable and Integrative Active Learning, écrit par Philippe Longchamps et Charlotte Graham.
Quelques stratégies métacognitives pour la classe :
- Apprendre aux élèves à être conscients de leurs propres pensées (perception, socialisation, routines, etc.)
- Apprendre aux élèves à se fixer des objectifs réalistes
- Apprendre aux élèves à utiliser des stratégies d’apprentissage
- Encourager la pratique régulière
- Apprendre aux élèves à s’autoévaluer
Formation continue pour enseignants
Pour mettre en place des stratégies d’enseignement plus inclusives et efficaces, « il y a un urgent besoin de mieux former les enseignants », fait aussi valoir Philippe Longchamps. Et ce, dans plusieurs domaines. Il croit que les enseignants devraient avoir accès à de la formation continue pour :
- s’approprier des stratégies d’enseignement tenant compte de la neurodiversité (et ainsi moins dépendre des éducateurs spécialisés pour répondre aux besoins de certains élèves);
- se familiariser avec les dernières technologies (notamment les outils numériques qui permettent d’offrir un enseignement plus personnalisé);
- reconnaître leurs propres biais conscients et inconscients, afin de pouvoir ensuite accompagner leurs élèves à reconnaître et réduire les leurs;
- développer leurs compétences informationnelles (différencier les faits des opinions lors de l’enseignement, par exemple) pour soutenir leurs élèves ensuite.
Finalement, il invite les enseignantes et les enseignants à s’ouvrir davantage au travail collaboratif avec leurs collègues et les parents. « Les enseignants doivent être capables de collaborer avec les autres avant de demander à leurs élèves de le faire. La coopération est essentielle pour créer un environnement d’apprentissage favorable et inclusif pour tous. »
En complément :
Au cours de sa conférence, Philippe Longchamps a aussi parlé de la différence entre mésinformation, désinformation et malinformation. Cet article du Collimateur de l’Université du Québec à Montréal présente bien les propos.
Entretien dans le balado Le Cancre pédagogique
Entretien dans le balado Osons la suite, du Collège Sainte-Anne