Par Marc-André Girard
Vous venez de participer à un congrès que vous avez adoré. Vous êtes ragaillardi et avez la tête pleine d’idées. Votre torse est bombé de fierté et vous êtes prêt changer le monde de l’éducation dans son entièreté. Il n’y a plus rien à votre épreuve. Vous passez la fin de semaine à trier les idées qui se précipitent dans votre tête et vous vous évertuez à faire des changements à votre planification. Vous êtes revigoré et vous venez de donner un nouveau souffle à votre carrière. Et ça commence lundi (ou mardi)! Super!
Seul bémol : Vous reviendrez changés dans votre milieu scolaire, mais vos élèves, leurs parents et vos collègues, eux, n’auront pas changé depuis votre départ. Du moins, pas encore! Le quotidien s’est poursuivi au même rythme qu’à l’habitude. La planète scolaire n’a pas cessé de tourner en votre absence.
Comment faire face à la réalité et, à la fois, poursuivre sa transformation professionnelle?
1- Trouver le bon rythme
Saisissez l’indomptable taureau de votre énergie par les cornes et partez à la conquête de vos ambitions pédagogiques. Il se peut que vos collègues ou votre équipe de direction ne vous suivent pas. Vous aurez pris la peine d’expliquer votre démarche et les tenants et aboutissants de votre transformation pédagogique et vous saurez ralentir par moment, lorsqu’il le faudra.
Savoir appuyer la pédale au fond, c’est une chose, mais ralentir pour éviter de prendre le décor, c’en est une autre! Savoir, savoir-être et savoir-faire, c’est important, certes. Ce qui est toutefois encore plus important, c’est de savoir, mais aussi, de savoir-y-faire et savoir-y-être pour paraphraser Guy Le Boterf.
Les nouveaux savoirs sont donc essentiels à déployer, mais il faut demeurer pertinent. Votre transformation doit être contextualisée dans votre milieu scolaire et évidemment, toujours selon les besoins de vos élèves.
2- Trouver sa place
Il se pourrait que vous sentiez que vous n’êtes plus à votre place dans votre école. Votre tête n’y est plus. Vous êtes rendus ailleurs. Même si vous ne trouvez plus que l’image du miroir qui est vous est retournée correspond à celle du miroir de vous dans votre école et que vous sentez être désormais incompris, vous avez probablement tort.
Dans ce cas, investissez-vous dans votre nouveau réseau de contacts. En effet, vous pourrez vous y ressourcer de façon soutenue et vous y abreuver en retrouvant ceux qui, comme vous, ne sentent pas toujours qu’ils sont à leur place. Le réseau est une belle place où les délinquants et les rebelles pédagogiques savent se comprendre et se soutenir, car nul n’est prophète en son pays.
3- Se donner le droit de briller
Si vos collègues ont le droit de démontrer de l’indifférence à l’égard de votre transformation professionnelle et à l’égard de vos nouvelles idées, vous avez aussi des droits : ceux d’être inspiré, motivé, innovant et créatif. Vous avez le droit de briller. N’oubliez pas que votre éclat ne se transmet pas seulement grâce au regard de vos collègues, mais surtout, par le regard de vos élèves et de leurs parents, sans négliger celui des pairs de votre réseau qui se veut un formidable amplificateur d’innovation et de crédibilité. Encore une fois : nul n’est prophète en son pays!
4- Partager ses trouvailles
Il se peut que certains ne veuillent pas les entendre, mais il y a forcément des collègues qui sont ouverts à discuter de vos expériences. Qui sont les plus ouverts? Des indices existent et la salle des profs est un bon endroit pour ouvrir des discussions :
- Quels sont ceux qui clament haut et fort que les élèves ne sont plus comme avant?
- Quels sont ceux qui sont « à bout »?
- Quels sont ceux qui trouvent que les élèves sont de moins en moins autonomes?
- Quels sont ceux qui trouvent que l’école et les attentes sociales envers l’école ont changé drastiquement ces dernières années?
Certains sont mûrs pour une transformation de leurs pratiques qui passe par l’établissement d’une nouvelle mentalité. Souvent, ils ne le savent même pas et ce sont des petites étincelles quotidiennes qui peuvent permettre une prise de conscience. Oui, c’est là que votre rôle prend tout son sens : allumer de petites étincelles chez vos collègues. Vous trouvez la tâche trop lourde? Si ce n’est pas vous qui leur faites réaliser qu’ils peuvent eux-aussi se transformer et avancer vers l’inconnu de l’innovation un petit pas à la fois, qui le fera?
5- Alimenter les collègues les plus ouverts
Il n’y a pas de mal à élever les autres autour de soi. Ils deviennent prêts à porter le flambeau pour inspirer, avec vous, les autres collègues plus résistants. Aussi, ne vous inquiétez pas : en élevant les autres, ils ne vous feront pas d’ombre : ils vous forceront à vous (re)dépasser fréquemment, comme le veulent les principes de mentalité de croissance. Il s’agit de créer un cercle vertueux qui propulse les gens vers le dépassement d’eux-mêmes.
Il est tout à fait normal que vous arriviez dans votre milieu et que vous sentiez qu’il n’y a pas de place pour vos idées dans votre propre maison. Or, vous devez persévérer dans vos choix!
Ce qui fait de l’enseignement une profession d’exception est sans aucun doute que ces professionnels ont cette faculté de prendre une idée et de l’appliquer dans différents contextes, et ce, quotidiennement. C’est à vous de donner un sens à ce qui a été abordé en congrès et ce que vous souhaitez importer dans votre pratique.
Cessez de rechercher les solutions clés en main. Tous les milieux scolaires sont différents et il y a autant de réalités scolaires qu’il y a d’écoles. Le chainon manquant, c’est vous! Vous êtes le facilitateur; la réussite d’une approche donnée, importée à votre milieu, dépend de votre capacité à l’adapter à la culture de votre milieu! À vous de garder ces idées vivantes et leur donner un sens dans vos activités pédagogiques.
Autrement dit, vous n’avez pas à subir cette pression de la culture établie qui vous empêche prétendument d’implanter de nouvelles initiatives rehaussant votre enseignement, et par le fait même, l’apprentissage de vos élèves.
Bon retour en classe!