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Les jeunes et la vie privée sur Internet

Montréal - Madeleine Pastinelli, sociologue à l’Université Laval, ressent un malaise devant les hauts cris de certains experts qui dénoncent le narcissisme des jeunes sur Internet et plus particulièrement sur Facebook. Selon elle, leur interprétation ne tient pas compte de toutes les pratiques.

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Montréal – Madeleine Pastinelli, sociologue à l’Université Laval, ressent un malaise devant les hauts cris de certains experts qui dénoncent le narcissisme des jeunes sur Internet et plus particulièrement sur Facebook. Selon elle, leur interprétation ne tient pas compte de toutes les pratiques.

C’est lors du colloque de l’Observatoire Jeunes et Société de l’INRS Génération numérique : pour une sociologie du cyberespace qui se tenait lors du 78e congrès de l’ACFAS , à l’Université de Montréal, que Madeleine Pastinelli a partagé ses réflexions sur le déplacement de la frontière vie privée/vie publique sur Internet.

La sociologue estime que les jeunes de la génération « qui a été filmée avant même de venir au monde » sont capables de socialiser malgré ce qu’en disent certains experts. Ces jeunes ne seraient pas plus narcissiques que leurs aînés. Pour Madeleine Pastinelli, il est dans l’ordre des choses que les jeunes perçoivent différemment la frontière entre vie privée et vie publique sur Internet.

Si la sociologue cherche encore la bonne méthode empirique pour tester ses hypothèses, elle a trouvé matière à réflexion en mettant en parallèle l’exposition de soi à la télévision et sur Internet.

En s’inspirant entre autres des travaux d’Umberto Eco sur la télévision italienne, elle constate que les personnes interviewées à la télévision dans les années 1980 étaient d’abord des personnes ordinaires ayant vécu quelque chose d’extraordinaire. Puis, à la télévision québécoise, Jeannette Bertrand et Claire Lamarche, par exemple, ont reçu des invités ordinaires ayant vécu des évènements plus courants, comme un divorce, par exemple.

Madeleine Pastinelli fait la comparaison entre cette époque télévisuelle et les pages personnelles, sorte d’autobiographie, qui ont fait leur apparition sur Internet un peu plus tard.

Les années 2000 ont vu naître une nouvelle forme d’exposition de soi sur Internet : les profils des réseaux sociaux, dont Facebook est sans doute le plus connu. Parler de soi au présent sur Facebook est, pour Madeleine Pastinelli, une manière de « s’engager pour l’avenir en adéquation avec ses goûts et ses désirs. Les autres deviennent donc témoins des promesses que l’on se fait à soi-même. »

La sociologue a poursuivi sa comparaison entre le Web et la télévision en analysant la dernière saison de la téléréalité Occupation double. Elle a noté que seulement le tiers de l’émission est consacré aux actions des participants. Les deux tiers du temps sont plutôt consacrés au discours, alors que les participants racontent leur expérience sociale. L’intrigue d’une émission de ce genre serait donc de savoir si les actions des participants seront cohérentes avec leur discours. Encore une fois, les autres sont les témoins de cet engagement pour l’avenir.

Madeleine Pastinelli explique « qu’exposer son présent, c’est prendre les autres à témoin au risque de paraître inconsistant. Si une rupture est annoncée sur Facebook, c’est difficile de revenir en arrière. »

Pour la chercheuse, les plus grandes contraintes sociales auxquelles les jeunes font face aujourd’hui seraient leurs propres doutes, leurs propres hésitations. Leur statut Facebook serait donc une façon de se faire une promesse à eux-mêmes, de s’engager pour leur avenir et non une manifestation de leur narcissisme.

Madeleine Pastinelli insiste cependant sur le fait que tous les jeunes ne sont pas sur Facebook. Ce phénomène n’est donc pas uniquement une question de génération, malgré l’effet de cohorte chez les jeunes utilisateurs d’Internet. Les changements sociaux sont beaucoup plus lents que le développement des nouvelles technologies.

Pour visiter le site internet de l’Observatoire Jeunes et Société de l’INRS : www.obsjeunes.qc.ca/

Par Marie-Philippe Gagnon-Hamelin

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