Un espace blanc juste assez grand pour saisir 140 caractères. Espaces compris. Cela semble pourtant facile, voire banal. En quoi un texte d’une vingtaine de mots peut-il donner le goût d’écrire aux élèves? Les pédagogues les plus innovateurs y voient là un grand potentiel.
À la Commission scolaire des Laurentides, les élèves de la classe de Brigitte Léonard sont en première année. Comme tous les autres élèves de 6 et 7 ans, ils vivent des situations d’écriture pour développer leurs compétences. Ils apprennent à manier le crayon et rédigent des textes de longueurs variées. Eux, toutefois, tweetent.
Qu’écrivent-ils exactement? « Notre classe est abonnée à une vingtaine d’autres, explique l’enseignante. Nous écrivons sur notre quotidien, nous composons des phrases autour de différents thèmes. Nous répondons aux tweets des autres classes et parfois même aux parents qui nous posent des questions. C’est une belle façon de s’ouvrir à d’autres réalités ». Si des élèves d’une classe de Belgique mentionnent qu’ils seront en congé le 1er mai en raison de la fête du Travail, ceux de Brigitte en profitent pour décrire leur futur métier. Si leurs copains du Gabon mentionnent que la saison des pluies est en cours, l’enseignante récupère ces informations en univers social. « Les contacts humains sont souvent plus intéressants que de lire des informations dans des livres », précise-t-elle.
Mme Léonard ne s’est pas lancée dans l’aventure du jour au lendemain. Un tel projet, cela se prépare. Elle a pris un certain temps à se familiariser avec l’outil et à en faire une appropriation personnelle. « Au début, je ne comprenais absolument rien à Twitter, confie-t-elle. Puis en observant les travaux précurseurs d’autres classes, comme celle de M. Masson, j’ai entrevu des avenues pédagogiques intéressantes pour les petits. J’ai défini mon projet en fin d’année scolaire pour bien le présenter aux parents à la rentrée. »
Annie Côté, pour sa part, enseigne le français en 5e secondaire à la commission scolaire des Premières-Seigneuries. Elle a non seulement utilisé Twitter comme outil d’aide à l’écriture, mais elle est l’une des premières à avoir fait faire de la twittérature à ses élèves. Son idée de donner un devoir hebdomadaire en 140 caractères (pile!) a levé rapidement. « Parce que c’est un jeu, affirme-t-elle. Parce que c’est amusant ». Effectivement, ses élèves se sont laissé prendre. Après quatre semaines de devoirs sur Twitter, ses élèves lui ont demandé de poursuivre l’exercice. « On commence juste à s’amuser », lui ont-ils dit.
Est-ce facile? Pas nécessairement, puisque l’enseignante n’accepte aucun compromis. Pas d’abréviation, pas de binettes, pas de langage populaire. « Tout doit être écrit en bon français, ajoute-t-elle. Il arrive que certains élèves, par hasard, y parviennent du premier coup, mais certains autres travaillent jusqu’à deux heures sur leurs 140 caractères ».