L’auteur et conférencier de renommée internationale, Sir Ken Robinson, a dit lors de sa légendaire conférence TED que l’école a probablement tué la créativité des jeunes. Si ses propos sont vrais dans une certaine mesure, je crois que c’est cette même créativité qui permettra au monde de l’éducation de revivre avec toute la brillance qui lui revient.
Par Jean-Sébastien Reid, directeur général adjoint, Idée éducation entrepreneuriale
Sir Ken Robinson base sa réflexion sur le constat qu’au début des années 1900, les systèmes scolaires ont été imaginés pour préparer les jeunes au monde du travail. C’était l’époque de l’industrialisation et des chaînes de montage. L’école a donc répliqué ce modèle en s’assurant que les jeunes puissent s’y conformer. On peut être d’accord ou pas, mais l’analogie est frappante : rangées de chaise, classement des jeunes selon l’année de production, cheminement de tout le monde au même rythme, encadrement strict pour la prise de parole, etc.
Le conférencier a également fait une évaluation sur la pensée divergente lors de laquelle il démontre que les candidats les plus performants dans ce genre de test sont les enfants de la maternelle. Plus les enfants avancent dans la vie (et dans leur parcours scolaire), plus cette faculté s’estompe. La pensée divergente est essentielle au processus créatif, car elle permet de voir autrement les situations.
Mais qu’est-ce que la créativité au fond?
Mon dictionnaire personnel croit que la créativité est la capacité à trouver une représentation ou une solution inédite à un problème, une situation ou une intention qui nous habite.
- Le peintre avec une toile blanche
- Un enseignant qui doit toujours se tourner sur un 10¢
- Un mécanicien qui doit trouver d’où vient le bruit intermittent d’une voiture
Larousse pour sa part dit que la créativité est la capacité, la faculté d’invention, d’imagination ou un pouvoir créateur.
Dans les deux cas, la créativité n’est pas directement associée au monde artistique, pourtant dans notre culture, on croit souvent que la créativité est réservée principalement aux artistes. Il y a des créateurs dans tous les domaines de la vie.
C’est pourquoi je suis toujours chaviré d’entendre un enseignant qui dit ne pas être créatif. À tous les jours, les enseignants doivent prendre une tonne de décisions et créer des solutions de toutes pièces. Leur créativité ne se manifeste peut-être pas par les arts, elle est plutôt mise en évidence à travers leur imagination, leur flexibilité et leur adaptabilité.
Les qualités du processus créatif
Certaines caractéristiques de la créativité facilitent la compréhension et le développement de nos capacités créatives. En effet, la créativité ça s’apprend (donc ça s’enseigne), ça se développe (donc il y a de l’espoir).
La peur aussi tue la créativité… comment la surpasser?
Dans le cadre de mon travail, j’aide et soutiens les enseignants dans la mise en place de nouvelles pratiques pédagogiques. Ces nouvelles pratiques nécessitent parfois (ou souvent 😉) que les enseignants sortent de leur zone de confort (ou de leur zone de développement proximal) puisqu’il s’agit de quelque chose de « nouveau » ou de différent de ce qu’ils font habituellement.
À chaque fois que je me retrouve dans une situation qui fait en sorte que les enseignants figent devant ce monstre du changement, je pense à la fable Qui a piqué mon fromage? de Spencer Johnson. Il s’agit d’une fable sur la réaction que peuvent avoir certaines personnes face à une situation de changement. Certains (les polochons) ont tendance à vouloir se renfermer sur leur situation actuelle, tandis que d’autres (les baluchons) veulent explorer, convaincus qu’une meilleure situation les attend ailleurs.
Les conseils que nous adoptons dans nos pratiques et que nous conseillons à ceux et celles qui veulent passer par-dessus leurs peurs et se mettre à créer sont les suivantes :
Pour le mentor, coach ou accompagnant :
- Être réconfortant, ne pas être menaçant, comme un bon vieux pâté chinois auprès de ceux qui ont peur de se lancer;
- Prouver que personne ne part à zéro. Ainsi, par des exemples du quotidien de ces enseignants, démontrer qu’ils ont été créatifs à leur mesure, même s’ils n’en sont pas conscients;
- Conseiller de prendre de petites bouchées pour ne pas s’étouffer;
- S’assurer de ne pas gaver (forcer les choses) car les infos pourraient ressortir;
- Il y a une différence entre émerveiller et éblouir la personne que nous tentons d’inspirer;
- Adapter notre vitesse au groupe. Si nous allons trop vite nous allons les perdre. Comme le champ de vision en voiture qui rétrécit avec la vitesse qui augmente. Demeurons accessibles.
Pour l’enseignant :
- Faire l’inventaire de ses pratiques actuelles/existantes pour peut-être prendre conscience de son potentiel créatif;
- Se souvenir du bien-être éprouvé lorsqu’on trouve une idée et vouloir répéter cette sensation;
- Prendre des petites bouchées;
- Rien ne sert de courir, mais marchons vers l’avant.
La créativité pour redonne vie à l’École
On ressent un mal de vivre dans le monde de l’éducation. Les enseignants délaissent leur profession, le recrutement est difficile, les jeunes sont difficiles, les parents sont exigeants, les abeilles se meurent.
Pourquoi les abeilles?
Je pense que le milieu de l’éducation, tout comme les abeilles, a été contaminé par des pesticides (le négativisme, la critique, les sarcasmes, les attentes, la charge de travail, etc.). Il est donc important de revitaliser le milieu en multipliant les bons coups et en les mettant en valeur, en se réseautant dans un esprit positif, bienveillant et empathique.
L’École avec un grand E pourra reprendre une place de choix dans nos communautés si nous imaginons des solutions inédites aux défis que nous rencontrons dans nos écoles et dans nos communautés afin de créer un monde meilleur. Déployons nos ailes et celles des enfants dans nos écoles!
« Afin de profiter au mieux de notre séjour ensemble sur cette petite planète bondée, nous devons développer, avec conscience et rigueur, notre aptitude à l’imagination et à la créativité […] nous devons viser haut et être déterminés à réussir. » – Ken Robinson, l’Élément (2013)