ANNONCE
L'École branchée, un organisme à but non lucratif
ANNONCE

L’effet Dunning-Kruger en éducation

|Dans l'oeil du directeur| En éducation, l’effet Dunning-Kruger, soit l’opinion qu’une personne a de sa propre connaissance d’un domaine en particulier par rapport à son niveau réel de compétence, peut essentiellement être envisagé de quatre façons différentes. Notre collaborateur, Marc-André Girard, les expose dans son plus récent billet.

Publié le :


Attention! Ce contenu a été mis à jour il y a plus de 3 ans. Il pourrait contenir des liens qui ne fonctionnent plus. N'hésitez pas à nous écrire si vous en trouvez!

Aussi appelé « effet de surconfiance », l’effet Dunning-Kruger lie directement l’opinion qu’une personne a de sa propre connaissance d’un domaine en particulier à son niveau réel de compétence dans ce domaine. On y réfère souvent lorsqu’on parle d’un individu qui possède une confiance et une assurance démesurée par rapport aux connaissances de base qu’il détient et à ses réelles capacités. Pour comprendre le phénomène, on peut se rapporter à la citation de Charles Darwin : « L’ignorance engendre plus souvent la confiance que la connaissance ». En éducation, cet effet peut être envisagé essentiellement de quatre façons différentes : 

1 – Un individu s’estime suffisamment formé pour juger de la compétence d’un professionnel de l’éducation 

J’ai souvent entendu ce commentaire de la part de certains collègues. Je l’ai même entendu de la bouche d’un professeur à l’université : « les parents s’estiment experts de l’école parce qu’ils l’ont fréquentée pendant une douzaine d’années ». Malgré le fait que l’éducation d’un enfant soit bel et bien une tâche partagée, il faut respecter les rôles de chacun. Les parents ne sont pas des professionnels de l’éducation, ils n’ont pas le même bagage ou l’expérience des enseignants et de la direction. Ils sont certainement les mieux placés pour connaître les besoins de leur enfant, mais ces besoins, contextualisés dans un cadre social et institutionnel, doivent être comblés par des professionnels au respect des programmes d’études et des attentes ministérielles.

Les parents peuvent avoir leur opinion sur l’éducation de leur enfant, sur les approches pédagogiques et les outils didactiques privilégiés par l’enseignant, mais ils doivent reconnaître que leur posture de parent implique un certain degré de subjectivité. À cet égard, les derniers mois d’école à la maison auront certainement pu contribuer à une certaine prise de conscience : être éducateur, ce n’est pas être enseignant! 

2 – Un professionnel de l’éducation s’estime compétent

Cette perception, qui traduit une certaine confiance en ses moyens, doit s’appuyer d’une démarche de formation continue puisque la compétence est, somme toute, éphémère. En éducation et au 21e siècle, les choses évoluent rapidement et les problématiques se complexifient. À l’époque de la personnalisation des approches pédagogiques impliquant de nouvelles attentes à l’endroit des professionnels de l’éducation, ces derniers ont intérêt à garder le fil ininterrompu du développement professionnel. Être compétent un jour ne garantit pas d’être compétent toujours!  

Dans certains cas, cette confiance peut se transformer rapidement en surconfiance causée par la croyance que la compétence est un acquis délivré par un diplôme de formation initiale. Celui qui se sent compétent exerce sa profession en se basant sur des repères passés, alors que ses interventions actuelles sont adaptées à des problématiques passées, sublimant les besoins présents de l’élève. 

Selon les principes de l’effet Dunning-Kruger, dans plusieurs domaines, les gens sont portés à surestimer leur compétence et leurs capacités. Cette tendance engendre deux conséquences : d’une part, les personnes en question font des erreurs et prennent de mauvaises décisions sans être en mesure les reconnaître  vu, justement, leur manque d’expertise. Ainsi, ils ne peuvent déployer des moyens pour pallier ces erreurs. Comme Neil Young le chantait il y a presque trente ans : « You feel invincible, it’s just a part of life ». Si aujourd’hui on se sent confiant et en contrôle de sa propre pratique professionnelle, demain, cette invincibilité peut se transformer en faiblesse. Et c’est vrai en éducation comme dans tous les domaines. 

3- Un professionnel de l’éducation s’estime insuffisamment compétent

Cette situation, aussi observée par Dunning et Kruger, révèle que ceux qui sont réellement très compétents tendent à se sentir comme étant des imposteurs. L’image qu’ils ont de leur propre expertise est moindre que ce qu’elle est vraiment. L’hypothèse qui sous-tend cette observation est que les gens compétents, lesquels sont impliqués dans des activités de développement des connaissances sont conscients de deux choses : 

  1. Ils sont conscients de ce qu’ils savent;
  2. Ils sont conscients qu’ils en savent bien peu sur un sujet ou un domaine particulier. 

Comme les individus moins compétents ne peuvent reconnaître leurs erreurs, les individus hautement compétents ne peuvent réaliser à quel point leur niveau de compétence peut être remarquable et rarissime.

4 – Les professionnels entre eux s’estiment aptes à faire le travail de l’autre 

Ce n’est pas parce que nous avons une formation similaire qu’on peut nécessairement faire le travail de l’autre. En éducation, les jugements sur ce que tel enseignant ou telle direction aurait dû faire à un moment précis sont fréquents. Certains s’estiment en mesure de faire le travail de l’autre, même lorsqu’ils n’ont pas les éléments de contexte et  les nuances nécessaires à la bonne compréhension d’une problématique. Ce phénomène peut probablement s’expliquer par la surestimation de ses propres capacités professionnelles. Alors, comment s’assurer d’avoir l’heure juste sur notre degré de compétence?  

  • Le développement professionnel et la formation continue sont des incontournables. 
  • Demander de la rétroaction aux personnes qui nous côtoient et être à l’écoute de leurs réponses. 
  • Accorder de l’importance aux commentaires, même s’ils proviennent de personnes qui ne connaissent pas notre réalité ou qui n’assument pas  vos responsabilités quotidiennement. Justement, leur regard extérieur peut vous éclairer et vous aiguiller. 
  • Dans nos écoles, ne négligeons pas de consulter les élèves qui pourront aussi nous aider à évoluer professionnellement. 

L’effet Dunning-Kruger nous rappelle de conserver l’équilibre entre la modestie et la confiance aveugle en nos moyens.  En veillant à conserver un haut degré de compétence grâce à une démarche de développement professionnel et de formation continue, nous découvrirons que nous n’en savons que très peu sur la profession que nous exerçons. L’hétérogénéité des élèves placés sous notre responsabilité requiert des mises à niveau fréquentes de nos connaissances et de nos compétences.

À propos de l'auteur

Marc-André Girard
Marc-André Girard
Marc-André Girard est détenteur d’un baccalauréat en enseignement des sciences humaines (1999), d’une maitrise en didactique de l’histoire (2003), d’une maitrise en gestion de l’éducation (2013) et d’un doctorat en éducation (2022). Il s’est spécialisé en gestion du changement en milieu scolaire ainsi qu’en leadership pédagogique. Il s’intéresse également aux compétences du 21e siècle à développer en éducation. Il occupe un poste de direction dans une école publique et donne des conférences sur le leadership en éducation, les approches pédagonumériques, le changement en milieu scolaire ainsi que sur la professionnalisation de l’enseignement. Il a participé à des expéditions pédagogiques en France, en Finlande, en Suède, au Danemark et au Maroc. En septembre 2014, il a publié le livre « Le changement en milieu scolaire québécois » aux Éditions Reynald Goulet et, en 2019, il a publié une trilogie portant sur l'école du 21e siècle chez le même éditeur. Il collabore fréquemment à L’École branchée sur les questions relatives à l’éducation. Il est très impliqué dans tout ce qui entoure le développement professionnel des enseignants et des directions d'école ainsi que l’intégration des TIC à l’éducation. En mars 2016, il a reçu un prix CHAPO de l’AQUOPS pour l’ensemble de son implication. Il est récipiendaire de la bourse Régent-Fortin 2022 octroyée par l’ADERAE pour la contribution importante de ses études doctorales au développement de la pratique et des savoirs en administration de l’éducation.

Commentaires, reproduction de textes et usage de l'intelligence artificielle

Pour commenter un article et y ajouter vos idées, nous vous invitons à nous suivre sur les réseaux sociaux. Tous les articles y sont publiés et il est aussi possible de commenter directement sur Facebook, X, Instagram, Bluesky ou LinkedIn.

Sauf dans les cas où la licence est expressément indiquée, il n'est pas permis de reproduire les articles de l'École branchée. Toute demande de reproduction doit être adressée directement à l'organisme.

Dans son processus éditorial, notre équipe fait appel à des technologies intégrant l'intelligence artificielle pour améliorer les textes, entre autres par la reformulation de passages, la révision linguistique, la traduction et la synthèse des idées. Tous les textes sont révisés par des humains avant leur publication.

Recevez l'infolettre Hebdo

Recevez l'infolettre Hebdo mardi #Actu et vendredi #DevProf pour ne rien manquer des nouveautés de l'École branchée!


Faites briller vos projets pédagogiques et pratiques gagnantes!

Chaque histoire positive a le potentiel d'inspirer d'autres acteurs de l'éducation à innover pour améliorer la réussite éducative! L'École branchée vous offre ses pages pour faire circuler l'information dans le milieu scolaire, alimenter la veille professionnelle et valoriser les initiatives émanant du terrain. Allez-y, proposez-nous un texte! >

À lire aussi

Transformer les services complémentaires à l’ère du numérique : des pistes d’action essentielles

L’intégration du numérique dans la prestation des services complémentaires dans les centres de services scolaires (CSS) du Québec est devenue un impératif afin de garantir un meilleur accès à ceux-ci. Un rapport de recherche, dirigé par France Gravelle, professeure-chercheuse titulaire à l’Université du Québec à Montréal, met en lumière des stratégies, des réussites et des défis liés à ce changement essentiel pour répondre aux besoins des élèves à l’ère du numérique.

Un guide pratique pour penser l’aménagement et le mobilier des écoles de demain

Communiqué – Le Lab-École a lancé sa publication Aménager les espaces scolaires. Elle s’adresse au personnel des services des ressources matérielles et des services éducatifs des centres de services scolaires, aux équipes-écoles ainsi qu’aux professionnels du design et de l’architecture.

5 initiatives à connaître pour financer vos projets scolaires spéciaux au Québec

Les directions d'école cherchent souvent des moyens de financer des projets scolaires innovants. Plusieurs initiatives peuvent les aider à récolter des fonds pour enrichir l'expérience éducative de leurs élèves. Voici cinq programmes et idées utiles à connaître, adaptés aux écoles québécoises, pour financer des projets pédagogiques.