Salut cher élève,
Aujourd’hui, je t’écris parce que c’est une semaine importante. C’est la semaine de la persévérance scolaire. Tu en as certainement entendu parler à la radio, sur les médias sociaux ou à la télé, mais, par-dessus tout, j’espère que tu en as entendu parler dans ton école.
C’est parce que nous sommes tous préoccupés par ton cheminement scolaire. Et quand je dis « tous », ça inclut tes parents, tes enseignants, ton directeur d’école et tous ceux qui t’entourent. Ne ris pas… c’est vrai!
Bon, je comprends bien ton petit rictus moqueur. Tu ne te retrouves pas dans ton école ni dans les cours qui te sont offerts. Tu as l’impression que les cours que tu suis sont déconnectés de ta réalité et qu’ils sont incompatibles avec tes aspirations. Bref, tu as l’impression qu’on te prépare pour vivre une vie ancrée dans le passé, et non pour vivre celle du siècle actuel. Et oui, toi aussi tu as relevé ce paradoxe : les technologies sont présentes partout dans ta vie, sauf à ton école! On te critique de toujours être sur ton cellulaire, mais personne ne t’a réellement enseigné comment te servir de ton bidule intelligent… Dis-toi que t’es pas seul à être absorbé par les écrans… beaucoup d’adultes aussi sont comme ça.
Pour le reste, tes propres parents te disent que c’était comme ça dans leur temps dans leur école et tu te demandes justement comment se fait-il que les choses aient autant changé dans la société, mais justement pas dans ton école. Tu fais bien de relever cet autre paradoxe.
Aussi, tu as besoin de souffler un peu, car tout est décidé pour toi. Tu es tanné : une cloche pour ceci, une cloche pour cela. Tu n’es pas maitre de ton temps et tout t’est imposé : les programmes, les heures de cours, la durée des périodes, les livres à lire, les outils à utiliser. Ce n’est pas nécessairement mauvais, mais… Tu dois même demander la permission pour aller aux toilettes! Bref, on te critique pour être désorganisé ou manquer d’autonomie, alors qu’on ne te donne pas la chance de développer ces compétences essentielles. On veut faire de toi un leader, mais on ne te donne pas d’espace pour exercer ce leadership et prendre des décisions!
Tu rêves d’avoir plus de temps pour développer d’autres intérêts. Certes, tu veux apprendre les maths, les sciences, l’histoire, le français et toutes les autres matières qui sont au curriculum, mais tu veux aussi apprendre autre chose : de la robotique? De la couture? L’histoire de la Russie? Tu veux découvrir de nouveaux sports? Approfondir ceux que tu maitrises déjà? Et les arts? Mieux que ça : tu veux fréquenter les écoles qui t’intéressent au lieu d’être confiné à celles dictées par ton code postal! Peut-être que tu trouves ça bizarre de te voir imposer un programme scolaire en fonction de ton âge et non en fonction de ta démarche d’apprentissage? Certainement que parfois, tu as besoin de plus de temps pour accomplir une tâche scolaire et d’autres fois d’un peu moins. Tu rêves de terminer tes études secondaires en quatre ans? Ou en six ans parce que tu as besoin de mesures adaptatives?
Sais-tu quoi? On y songe sérieusement et on travaille à faire de l’école un lieu plus flexible, pour toi!
Tes enseignants sont là pour toi, mais ils semblent débordés. Ils courent partout et sont toujours dans l’urgence. Ils croulent sous la correction. Ah, la fameuse correction! Savais-tu qu’ils sont très rares à aimer corriger? Pourtant, ils ont toute l’autonomie professionnelle pour faire en sorte de moins t’évaluer par des examens interminables et ainsi passer plus de temps avec toi en classe pour te voir progresser et ainsi t’aider dans ta démarche.
Et la direction de l’école, tu la connais? Oui, elle aussi, elle croule sous les formulaires à remplir et ça, c’est quand elle n’est pas en réunion! Les directeurs ne sont pas bien mieux que tes enseignants… Eux non plus ils ne sont pas toujours là pour toi, pas plus que pour tes enseignants d’ailleurs!
Mais rassure-toi! Les choses sont en train de changer en éducation en Occident. Tu le sais, tu le lis dans les journaux : on est en train de s’obstiner ad nauseam pour un paquet de choses qui justifient qu’on n’avance pas et pendant ce temps, rien ne se passe. Oui, on a plein d’idées, mais tu dis que rien ne se passe concrètement.
Cependant, c’est là que tu as tort. Il y a de plus en plus d’enseignants et de directions d’école qui sont en train de tout changer. Oui, eux aussi ils doivent persévérer, car la tâche n’est pas simple! En effet, ce n’est pas facile de changer une culture organisationnelle plusieurs fois centenaire.
Les écoles sont tranquillement en train de s’ouvrir à de nouveaux horizons et plusieurs de ceux qui y travaillent sortent tranquillement de leurs cloisons pour travailler en collaboration avec d’autres. Et quand je parle des autres, je parle de leurs confrères, évidemment, mais aussi d’experts qui peuvent complémenter ton expérience scolaire : des géologues, des physiciens, des poètes, des chercheurs en bioéthique, etc. Tout ce monde est en train de se donner la main pour former une super communauté en soutien à ton parcours, et ça, ça se fait certainement à l’initiative de tes enseignants et directions de ton école! Soudainement, l’éducation commence à susciter un réel engouement et attire l’attention des médias. Dès qu’une avancée technologique arrive, on se demande de plus en plus rapidement quel est son potentiel scolaire. C’est drôle, non? Le changement est lent, c’est clair, mais vu qu’il est en profondeur, ça explique au moins sa lenteur… Je comprends ton écoeurement, mais sache au moins que tu es à la bonne place. Dans quelques années, tu vas envier ceux qui seront assis à ta place en ce moment!
Je sais qu’à l’heure actuelle, t’es tanné. Je sais que, parfois, t’as le gout de tout laisser tomber. On a tendance à te dire que c’est anormal d’avoir des doutes dans la vie, mais ceux qui te jugent négligent qu’eux aussi doutent et que parfois, ils ont aussi le gout de tout lâcher. Oui, persévérer c’est important et cela prend encore plus de sens quand tu as l’impression que tout est contre toi. Bref, je travaille en éducation depuis presque vingt ans et je sais très bien que nos paroles ne suivent pas toujours notre discours, mais au moins sache qu’on le sait et qu’on travaille ardemment à faire de ton école un milieu encore meilleur pour toi et… pour tes enfants!