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L'École branchée, un organisme à but non lucratif
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Écosystème « Éducation – Entreprise – État » pour un Environnement viable

Une culture entrepreneuriale consciente, responsable, communautaire et de nature numérique peut-elle changer le monde, sauver l’économie de nos régions et réhumaniser nos organisations? Voici une réflexion présentée dans le cadre du premier Congrès automnal en éducation entrepreneuriale consciente, duquel l'École branchée est partenaire.

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Nous avons assisté au cours des deux derniers siècles à une période fascinante de l’histoire de l’humanité. En effet, les progrès dans tous les domaines ont permis une amélioration marquée de la qualité de vie de centaines de millions de personnes et ce, partout dans le monde. Nous vivons plus vieux et en meilleure santé. Depuis l’an 2000, dans les zones les plus pauvres de la planète, en Afrique et en Asie du Sud-est notamment, ce sont des millions de jeunes qui ont maintenant accès à l’école et à des rêves autrefois inespérés.

Par Rino Levesque

L’entrepreneuriat et le numérique, grâce à leur synergie à condition d’être porteuse d’une vision conscientisée, font qu’il est désormais tout à fait possible d’imaginer un monde où, bientôt, nous nous déplacerons sans pétrole (Langlois, P., 2008) [1] et où nous ferons usage d’énergies exclusivement propres et efficientes [2] 

Pour l’heure, nous sommes toutefois confrontés à des défis de grande ampleur, mais heureusement relevables. Il n’est pas trop tard. Nous disposons du savoir, de technologies innovantes [3] et de moyens financiers nettement suffisants pour entamer, maintenant, un ensemble de transformations favorables au rétablissement des équilibres essentiels de tout ordre (écologie, économie, société) pour sauver la diversité de la vie sur la planète, la nôtre incluse. 

PREMIER REGARD

Les scientifiques prévoyaient, il y a environ 35 ans et certains l’avaient anticipé encore plus tôt [4], que la température moyenne à l’échelle terrestre pourrait augmenter de 1,5°C à 2°C d’ici 2150. Puis, à partir de 1992 (Sommet de Rio), on estimait que la situation apocalyptique qui en découlerait surviendrait sans doute bien avant, soit dès 2100. Une publication (Radio-Canada : changement climatique [5]) du 7 octobre 2018 annonçait que le 1,5 °C serait finalement atteint aux environs de 2030 ou, au plus tard, vers 2040 ou 2050.  Les glaces de l’extrême Nord et Sud fondent plus rapidement que prévu. Le pergélisol dégèle à une vitesse grand V libérant du méthane en grande quantité, lequel accélère le réchauffement climatique. Les océans se réchauffent également et s’acidifient. Les forêts brûlent (souvent de manière incontrôlée) libérant des quantités considérables de CO2. Les catastrophes climatiques se multiplient [6], les espèces disparaissent à un rythme affolant, sans que la population s’en rende vraiment compte. Et, nous ne savons plus vraiment ce que nous mangeons [7].

ÉCONOMIE ET ENVIRONNEMENT

En parallèle, en l’espace de quelques années seulement, nous sommes entrés dans une ère économique de service. Un secteur d’activités économiques qui s’apprête déjà à se transformer radicalement pour laisser place à la 4e révolution industrielle, promettant un impact considérable sur nos vies. La robotisation, la sobotisation (software robots) et l’intelligence artificielle sont à nos portes – des milliers d’emplois disparaîtront. Pourtant, le secteur des services, davantage porteur d’une économie propre, devait diminuer la pression sur les ressources disponibles de tous genres. Ceci ne s’est pas avéré malgré le potentiel des modes entrepreneuriaux efficaces de recyclage et d’économies.  Bien au contraire, tout s’est accéléré. La magie attendue venant d’humains innovants et responsables, puis parfaitement conscients de l’urgence d’agir, « pour sauver le monde de la catastrophe qui attend ses enfants », n’est toujours pas au rendez-vous. Les ressources s’épuisent deux à trois fois plus rapidement que nous l’avions envisagé. Nous fonçons tout droit vers un profond précipice, un mur effroyable, vers l’effondrement des économies que prédisait, dès 1972, le rapport Meadow (Limits to growth) [8].

Nous voilà devant des défis que n’a jamais connus l’humanité. Les experts vont jusqu’à annoncer que nous sommes entrés dans un processus terrifiant, celui d’une 6e extinction de masse de la biosphère [9].

Vivant dans un monde aux ressources limitées, une culture ENTREPRENEURIALE CONSCIENTE, RESPONSABLE, COMMUNAUTAIRE et de nature NUMÉRIQUE peut-elle changer le monde, sauver l’économie de nos régions et réhumaniser nos organisations?

Un fait indéniable : l’entrepreneuriat est le moteur de l’économie. Et, désormais, les technologies numériques sont un incontournable au succès entrepreneurial dans pratiquement toutes les entreprises, voire même dans tous les domaines de vie – social, culturel, politique, éducatif. Rien n’y échappe, le numérique a un impact majeur sur nos vies et met nos sociétés au défi, les poussant à se transformer.

La plus grande richesse d’une région (d’une province, d’un pays) est le potentiel entrepreneurial de ses citoyens [10] (Fortin, P.-A.) et la capacité qu’a chacun d’entre eux de faire surgir des innovations entrepreneuriales distribuables localement, régionalement et, selon les cas, à l’échelle provinciale, nationale et internationale. Il faut aussi considérer comme indispensable l’engagement de tout un chacun envers sa communauté. Ces facteurs placent chaque environnement humain (ex. : région, province) en urgence absolue : celle de convenir des meilleurs moyens pour éviter « la perte du potentiel humain » et ainsi  « mettre ce potentiel humain à profit ».

OSER L’INTELLIGENCE COLLECTIVE

Offrir un environnement global qui fera apprendre à aimer son milieu de vie, celui dans lequel chaque personne grandira, vivra heureux dans sa région dépend d’un ensemble de conditions. Parmi celles-ci, il y a la capacité d’un milieu à se mobiliser autour d’un écosystème d’intelligence collective « éducation – entreprise – état ». Il nous faut apprendre à prévoir les stratégies et les moyens qui permettent à chacune et à chacun de trouver « sa juste place ». Partout, nous observons « un gaspillage éhonté du potentiel humain ». La folie de nos obligations, de nos empressements, de nos tracas, l’égoïsme aussi, nous font oublier l’essentiel : « chaque personne est en soi un univers insoupçonné de capacités et de compétences à lui faire découvrir, à découvrir, à faire émerger, à faire rayonner » pour réussir nos projets en communauté. Entrevoir comment je peux m’investir, contribuer, VOIR GRAND, imaginer que je peux changer le monde, demande fondamentalement une période de l’enfance et de la jeunesse – à la maison, à l’école, dans sa communauté, dans le cadre d’un travail – qui forge une solide confiance en soi. Car, il s’agit bel et bien d’apprendre d’abord à S’ENTREPRENDRE, ensuite à ENTREPRENDRE et enfin à CRÉER DE L’INNOVATION de façon consciente, responsable et autonome. Autoriser et s’autoriser à sortir des sentiers battus pour y parvenir est essentiel. Cela requiert un nouveau modèle de compétences auquel les écoles, les entreprises et l’état doivent conjointement et intensément contribuer. Déjà, plusieurs s’y penchent. Dans l’univers entrepreneurial, mentionnons le modèle des entreprises libérées qui prend de l’ampleur en Europe, de même que les efforts du Groupement des chefs d’entreprise (Québec, Nouveau-Brunswick, Belgique, Suisse, France). En éducation, citons le mouvement mondial autour des compétences du 21e siècle. L’État, pour sa part, établit ses priorités. Ses choix annoncés sont le reflet de la volonté d’une majorité d’électeurs.

Alors, que voulons-nous (… que veulent le monde des affaires, le monde municipal, le monde culturel, le monde de l’éducation et que veulent les gens pour leurs enfants)?

Un constat clair : … agir SEUL N’est PLUS la solution.

ENTREPRENEURIAT CONSCIENT (…responsable et communautaire)

Nous polluons nos écosystèmes. Le plastique dans nos océans, sur les rivages et ailleurs, de même qu’un ensemble de molécules nocives libérées dans la biosphère, à l’instar des nanoparticules plastiques, illustrent à eux seuls les ravages de notre inconscience. C’est pourtant la qualité de notre nourriture, l’oxygène essentiel à la vie mais aussi la beauté de la Terre que nous faisons périr. Le vivant est meurtri par un modèle économique dominant et omniprésent, un capitalisme effréné dévastateur s’alimentant d’un profit toujours plus grand et à tout prix. En découlent des complexités d’envergure.

Nous sommes confrontés à un immense défi, mais tout à fait relevable. Chaque région, province, nation doit apprendre « à faire sa part ». Cela concerne l’ÉTAT, l’ENTREPRISE et l’ÉDUCATION. « NOUS tous » en somme, chaque individu, en n’omettant pas notre propre engagement individuel.

L’entrepreneuriat conscient est défini comme la conscience de l’impact de son mode d’entrepreneuriat sur soi, sur les autres (communautés), et sur la nature qui nous nourrit. Chacune et chacun est l’entrepreneur.e de soi, un ADN humain voué, ici, à la pratique d’un entrepreneuriat éthique, socialement responsable et humanisant (Levesque, R., 2016). Une ou un entrepreneur.e conscient.e œuvre autant pour son propre bénéfice que pour celui des milieux humains et naturels qu’il/elle partage.

Entrepreneuriat conscient, parce qu’il inclut que chacune et chacun en vienne à voir l’importance de toutes les contributions – filles, femmes, garçons, hommes de tous les âges. Des personnes qui comprennent l’importance de s’engager à réconcilier « humain et nature», et qui ne chercheront pas à retirer un avantage déloyal qui exploite l’autre.

Entrepreneuriat conscient, parce qu’il s’agit aussi de conscientiser et de former au regard des modes de production économique, et à faire apparaître davantage d’économies circulaires [11], sociales et solidaires [12], et de partage [13] [14] lesquelles sont facilitées au moyen du numérique. Un entrepreneuriat humanisé au service d’un avenir et d’économies viables, toutes porteuses de plus de justice sociale pour toutes et tous. Un entrepreneuriat qui contribuera à réduire le gaspillage, à améliorer le concept de récupération, de réutilisation, de nos modes de consommation, et qui considère l’accès à l’eau et à la nourriture et à divers besoins de base, comme étant un droit fondamental pour tous les humains. Ceci afin de parvenir à un véritable développement durable global.

Au Québec, l’apport de l’économie sociale et solidaire dans le développement économique est considérable. Elle concerne plus de 7000 entreprises, 125 000 emplois et un chiffre d’affaires de 17 milliards $. Aujourd’hui, l’économie sociale et solidaire représente plus de 5 % du produit intérieur brut du Québec (PIB) [15].

Nous voyons là une illustration d’un modèle économique non centré sur le profit et la croissance continue, et contribuant vigoureusement à la vitalité des communautés.

LE NUMÉRIQUE : DES RÉGIONS DYNAMISÉES ET DES MILIEUX DE VIE PLUS SAINS?

Les technologies numériques facilitent nos communications partout dans le monde, elles permettent le travail en commun (et efficace) de personnes situées à des milliers de kilomètres de distance, et de plus en plus souvent en temps réel. Se déplacer pour habiter une grande ville où sont localisés un ensemble de services facilitant l’exploitation de son entreprise, son émancipation professionnelle… s’avère moins nécessaire. Croire que la ville est une promesse favorable à une augmentation de sa qualité de vie N’est PLUS vrai. Nous pouvons désormais obtenir des quantités considérables d’informations instantanément ou quasi instantanément peu importe l’endroit où l’on se trouve. Des services internet de haute vitesse sont par ailleurs impératifs. Des technologies qui, de nos jours, favorisent des innovations sans précédent dans pratiquement tous les domaines. Au Nouveau-Brunswick (Canada), c’est notamment le cas en éducation comme en témoigne le colloque annuel tenu au Centre d’apprentissage du Haut-Madawaska (CAHM) [16], une École communautaire entrepreneuriale du village de Clair.

Une transition numérique entraînant  une cascade de transitions : possible?

Plusieurs questions surgissent autour de la transition numérique en cours et en mode hyper accéléré. Une première est de savoir si elle peut nous mener vers une accélération de la transition écologique? Vivant dans un monde interconnecté et interdépendant, ces transitions pourraient-elles participer à freiner la crise climatique et d’autres qui pointent, rendant les effets engendrés bénéfiques aux régions, aux états, à l’humanité, et avantageux pour la biodiversité? Une troisième question interpelle : le numérique pourra-t-il contribuer à plus de justice sociale et à une redistribution plus équitable de la richesse? En effet, nous y voyons l’idée que le numérique puisse faire progresser le passage du modèle économique en place (économie conventionnelle / linéaire) dominé par un comportement qui consiste à prendre, à consommer, à jeter et à polluer…, vers une économie véritablement viable et donc, à terme, dégagée de nos modes de consommation actuels.

Pensons à l’électrification des transports (Radio-Canada, septembre 2018) [17] qui ouvre de nouvelles possibilités apportant des débuts de réponse à ces questions [18]. Une autre vue des choses concerne l’idée d’une monnaie complémentaire prenant l’aspect d’une cryptomonnaie ou d’une autre forme. Elle serait distincte de la monnaie marchande, afin de libérer le financement du Bien Commun de sa dépendance aux performances du commerce (Derudder, P.) [19]. D’autres pistes sont aussi proposées pour faire GRANDIR notre modèle économique dans son sens le plus noble. Par exemple, des intellectuels, des hommes d’affaires (entrevue avec Serge Godin, Radio-Canada, mai 2017 [20]) et des états [21] envisagent désormais l’idée d’un revenu minimum de base dans le contexte d’emplois remplacés en raison des avancés des technologies (robots, etc.).

En somme, le numérique pourrait-être un déclencheur donnant une cascade de transitions pour un modèle économique qui soit moins lié à la seule idée de la faire croître indéfiniment. Dynamiser l’économie en acceptant de revoir certains de ses fondements pour qu’elle soit réellement à l’avantage de toutes et de tous paraît, aux yeux d’un nombre grandissant de personnes, plus prometteur, car, plus humanisant et plus réaliste. En effet, nous vivons dans un monde à la limite de ses ressources. À cet égard, le 1er août 2018 avait été consommé ce que la Terre est à même de regénérer sur une année, une date qui arrive de plus en plus tôt dans une année. Par exemple, en 1970 alors que nous n’étions que 3,7 milliards d’habitant, nous commencions à vivre à crédit par rapport aux ressources disponibles le 21 décembre [22].

L’entrepreneuriat conscient, responsable et communautaire, couplé à l’outil numérique, offre la perspective d’une culture de femmes et d’homme engagés pour un avenir marqué par une réduction des inégalités, davantage orienté vers plus de justice sociale et une prospérité économique, ici et ailleurs, plus équitable.

Les bouleversements déjà à nos portes en raison de la crise climatique qui s’amplifie, et de plusieurs autres crises qui s’enchaînent et s’inter-influencent (écologique, financière, économique, culturelle, médiatique, confiance et autres), nous obligent à regarder rapidement dans toutes les directions pour trouver ce qui pourrait améliorer un ensemble de déséquilibres qui mettent en péril, et possiblement dans un avenir rapproché, notre qualité de vie, l’humanité, de même que les milliers d’espèces cohabitant à nos côtés la planète Terre.

CONSTATS OPTIMISTES

Il apparaît absolument évident que le NUMÉRIQUE (le digital, les technologies), cette fabuleuse invention révolutionnaire dispose d’un avantage inégalé : la vitesse. D’un autre avantage aussi : l’efficience des processus. Le temps s’écoule, il n’attend plus personne. Il nous faut accepter de modifier en profondeur nos modes de consommation et de production économique, et cela dans un temps record [23]. Les enfants de tous les peuples y ont droit.

En couplant ces avantages à ceux déjà disponibles, et à d’autres que saura imaginer le génie humain (entrepreneuriat conscient, sciences), nous sommes en droit d’espérer réussir à temps les transformations impératives pour des communautés (régions, provinces) et un monde viables. « Si nous disons qu’il est trop tard, alors c’est fini – il est réellement trop tard » (Hubert Reeves, documentaire intitulé La Terre vue du cœur [24]).

CONCLUSION

N’est-il pas grand temps d’imaginer et de mettre en œuvre des politiques gouvernementales, des modes éducatifs et un modèle entrepreneurial qui feront massivement surgir des idées ingénieuses, les mettront en action, le tout guidé par une conscience nouvelle (… universalisable) pour des milieux de vie durables – autant pour chacune de nos communautés que pour celles de partout dans le monde?

N’est-ce pas là un des rôles majeurs d’une ÉCOLE DE SON TEMPS, de l’ENTREPRISE D’AUJOURD’HUI, d’un ÉTAT RESPONSABLE?

UN RAPPEL…

Nous n’avons pas accès à une autre biosphère, ni non plus à un autre village comme celui de la Terre.

[10] FORTIN, Paul-Arthur, (2002). La culture entrepreneuriale, un antidote à la pauvreté, Éditions Fondation de l’entrepreneurship du Québec.

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