Vincent Beaulac connaît bien la réalité des adolescents autistes : il a déjà enseigné à cette clientèle d’élèves et observé sur le terrain les défis liés à l’utilisation des technologies en contexte scolaire. Son constat est clair : les outils technologiques sont souvent mis à la disposition des élèves autistes, mais rarement intégrés de manière réfléchie dans une démarche pédagogique. Il s’interroge sur la pertinence de ces outils, sur les conditions de leur implantation et, surtout, sur leur réelle utilité pour favoriser l’engagement et les apprentissages.
Précisons qu’au Québec, le volet 30812 de la mesure 30810 du ministère de l’Éducation permet de soutenir financièrement les centres de services scolaires dans l’achat et l’entretien d’outils technologiques permettant de répondre aux besoins des élèves en situation de handicap ou qui éprouvent des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage, dont les élèves autistes font partie.
« Comme tous les autres adolescents, ces jeunes vivent déjà une grande partie de leur vie en ligne, que ce soit à travers les jeux vidéo, les réseaux sociaux ou les plateformes numériques. Mais cela ne veut pas dire que leur usage des outils technologiques en classe est automatiquement bénéfique ou adapté à leurs besoins scolaires », a expliqué Vincent Beaulac lors d’une présentation faite dans le cadre du 92e Congrès de l’Acfas.
Une recherche qui donne la parole aux jeunes
Pour mieux comprendre la relation entre les usages des jeunes et leur engagement scolaire, M. Beaulac a opté pour une méthodologie qualitative et participative. Il prévoit aller à la rencontre d’une dizaine de jeunes autistes de haut niveau âgés de 12 à 17 ans, scolarisés en classe régulière au Centre de services scolaire de la Région-de-Sherbrooke, pour leur donner la parole.
À travers des entrevues, des groupes de discussion et des activités exploratoires, il souhaite recueillir leur point de vue sur leur propre utilisation du numérique, tant dans leur vie personnelle qu’à l’école. Il s’entretiendra également avec deux enseignants afin de trianguler les commentaires des élèves.
Le projet vise aussi à cerner les facteurs qui favorisent ou freinent leur engagement scolaire. L’usage des outils numériques – qu’ils soient personnels ou mis à disposition par l’école – sera analysé en lien avec trois types d’engagement : cognitif, affectif et comportemental.
Un manque de formation et d’accompagnement
L’un des aspects critiques soulevés par la recherche de M. Beaulac concerne l’accompagnement offert tant aux élèves qu’aux enseignants. Il déplore notamment que les outils technologiques soient parfois mis à la disposition des jeunes sans explications claires ni objectifs pédagogiques précis. Du côté des enseignants, bien qu’ils soient responsables de soutenir les élèves dans leur apprentissage, ils reçoivent peu de formation spécialisée pour les aider à utiliser ces outils de manière adaptée aux besoins particuliers des élèves autistes. Selon lui, cette lacune réduirait considérablement la portée et l’impact positif potentiel de ces technologies.
Il espère que son étude permettra de mieux comprendre les usages numériques des jeunes autistes dans une perspective éducative, mais aussi de dégager des pistes concrètes pour une intégration plus cohérente des technologies en classe. « Ce n’est pas parce qu’un outil est disponible qu’il est automatiquement utile. Il faut penser son usage, le contextualiser, et surtout, en évaluer les effets réels sur l’apprentissage. De plus, j’observe encore beaucoup d’utilisation de type récompense. »
Une recherche attendue
Alors que l’inclusion scolaire des élèves autistes continue de poser des défis dans les milieux, cette étude pourrait permettre d’alimenter les pratiques enseignantes et les politiques éducatives en fournissant un éclairage scientifique sur les conditions nécessaires à une utilisation appropriée des outils numériques offerts aux élèves autistes dans un cadre pédagogique.
Les résultats préliminaires sont attendus d’ici à l’an prochain. En attendant, Vincent Beaulac poursuit les rencontres avec les élèves et l’analyse des premiers récits recueillis.