Doit-on opter pour la rétroaction traditionnelle ou privilégier une rétroaction technologique? Quelles sont les pratiques à privilégier en matière de rétroaction avec les TIC? Une chercheure répond à ces questions.
Nombreux sont les enseignants qui demandent aux apprenants de remettre leurs productions sur un support numérique. Par exemple, il est demandé de déposer un travail en format PDF sur l’environnement numérique d’apprentissage de l’établissement. Mais lorsqu’arrive le temps de donner une rétroaction aux élèves, peu d’enseignants optent pour une rétroaction numérique, préférant la transmettre par écrit.
Détentrice d’un doctorat en psychologie, Stéphanie Facchin est conseillère pédagogique et chargée de projet au Cégep à distance. Elle effectue actuellement une recherche portant sur la rétroaction technologique. Madame Facchin et son équipe de recherche, composée de Denise Brodeur et de Patricia Guay, ont présenté les grandes lignes de leurs travaux dans le cadre d’un atelier au 36e colloque annuel de l’Association québécoise de pédagogie collégiale qui s’est tenu du 8 au 10 juin derniers au Centre des congrès à Québec.
Peu de temps après leur présentation, madame Facchin a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions.
Quelle est la distinction entre la rétroaction traditionnelle et la rétroaction technologique?
De façon générale, la rétroaction sur les travaux que l’enseignant donne aux apprenants se fait bien souvent directement par écriture manuscrite sur les copies papier. On parle ici de rétroaction traditionnelle puisque cette pratique reste la norme, la façon habituelle de faire et qu’elle prévaut depuis un certain temps. Maintenant, on constate aussi que certains travaux sont remis sous format électronique (Word ou PDF principalement), ce qui permet à l’enseignant d’insérer des commentaires sur la copie électronique. Même si la technologie intervient dans cette façon de donner de la rétroaction, j’aurais tendance à parler aussi de rétroaction traditionnelle puisque le commentaire « écrit » reste la façon de donner de la rétroaction.
Avec le développement de nombreuses technologies de l’information et de la communication (TIC), il est possible de se tourner vers d’autres moyens que l’écrit. On pense à l’utilisation de commentaires audio, de vidéo de la copie ou même de visioconférence avec l’apprenant à l’aide, pourquoi pas, d’un tableau blanc collaboratif en ligne. C’est ce que nous utilisons dans le projet Devoir+ à titre de rétroaction technologique.
Pourquoi est-ce important de s’intéresser à la rétroaction technologique?
À la suite d’une première étude que nous avons menée, on s’est aperçu que la très grande majorité des commentaires écrits que l’on pouvait retrouver sur les copies était de l’ordre de la correction académique (à plus de 70%). Celle-ci permet surtout à l’apprenant de se situer par rapport à la tâche demandée. Est-elle réussie et dans quelle mesure? On retrouve sur les copies beaucoup de crochets et de notes, de corrections de fautes, et ce, souvent sans explications.
En sachant que la rétroaction joue un rôle avéré dans le processus d’apprentissage et qu’elle figure parmi les 10 facteurs ayant un impact significatif sur la réussite et l’apprentissage, nous avons voulu voir si les TIC pouvaient améliorer les rétroactions traditionnelles que l’on pouvait observer sur les copies.
D’autres études ont effectivement démontré que la rétroaction traditionnelle présente des défis comme des contraintes de temps, d’espace et de compréhension par les apprenants. La rétroaction technologique pourrait être moins chronophage, permettrait de donner davantage de détails et faciliterait l’appropriation par les apprenants. Mais le potentiel principal des TIC repose sur la possibilité d’enrichir la rétroaction donnée aux apprenants et de développer chez eux un sentiment de présence sociale, ce sentiment que quelqu’un se préoccupe de ta réussite. Ce sentiment est important pour les élèves en général, mais revêt une importance encore plus grande dans notre cas, puisque notre projet concernait la rétroaction en formation à distance.
Des études ont démontré un haut niveau de satisfaction chez les apprenants avec la rétroaction technologique. Toutefois, peu d’études ont comparé l’impact de plusieurs moyens technologiques (audio, vidéo, visioconférence) et de leurs influences sur les notes et le taux de réussite et de persévérance chez les apprenants.
C’est ainsi qu’est né notre projet de recherche Devoir+.
Parlez-nous des grandes lignes de ce projet de recherche.
Le titre « officiel » du projet est le suivant : La rétroaction : traditionnelle ou technologique? Impact du moyen de diffusion de la rétroaction sur la persévérance et la réussite scolaire. Ainsi, la finalité de ce projet de recherche est de déterminer si l’utilisation de fichiers audio, ou de vidéo ou de visioconférence dans le cadre de rétroaction sur les travaux apporte réellement un plus et influence la réussite et la persévérance des apprenants. Les perceptions des apprenants et l’impact de ces moyens sur le système d’encadrement seront aussi documentés. Le projet a aussi une composante de transfert de connaissance et d’expertise en permettant de dégager les bonnes pratiques en matière de rétroaction technologique.
Au terme de votre recherche, vous avez identifié des pratiques gagnantes en matière de rétroaction technologique. Quelles sont-elles?
Dans la littérature scientifique, plusieurs bonnes pratiques en matière de rétroaction ont déjà été identifiées. Nous nous sommes servis de ces connaissances, lesquelles sont issues de données probantes, pour élaborer nos pratiques de rétroaction
Il n’est pas possible d’énumérer toutes les pratiques gagnantes, mais en voici quelques-unes.
- Des enregistrements vidéo ou audio de 5 minutes ou moins
- Se préparer à formuler des commentaires, mais demeurer naturel et spontané (comme une interaction en présence, ne pas perdre de temps à faire des arrangements pour perfectionner la voix ou l’image)
- Débuter l’enregistrement par une salutation personnalisée. Bonjour, Stéphanie!
- Demander à l’apprenant de prendre sa copie du travail pendant qu’il écoute ou visionne l’enregistrement
- Expliquer les principaux endroits où l’apprenant a raison ou tort en expliquant pourquoi
- Effectuer une synthèse de ce que l’apprenant a bien réussi et moins bien réussi, en expliquant pourquoi et en donnant des exemples et en faisant référence à des endroits précis
- Terminer par une question ouverte, afin d’inciter l’apprenant à se questionner et à dialoguer.
- Et un principe crucial qui prévaut aussi pour une rétroaction traditionnelle qui est celui de fournir une rétroaction spécifique en lien avec le travail demandé et non un commentaire général comme, par exemple, «bon travail!» sans expliquer en quoi il est bon ou non.
Le document PowerPoint de madame Facchin et madame Brodeur présenté lors du congrès est disponible sur le site de l’AQPC. Les personnes intéressées à en apprendre davantage sur les pratiques gagnantes en matière de rétroaction technologique peuvent notamment consulter l’article de Rétroaction, réussite et persévérance : résultats d’une étude et partage de bonnes pratiques, publié dans Profweb l’automne dernier.
Le projet Devoir+ est actuellement toujours en cours d’expérimentation auprès des apprenants qui s’inscrivent dans les cours de Calcul différentiel et Calcul intégral au Cégep à distance.
Vous êtes intéressés par le projet? Vous voulez y participer? Vous désirez connaître les résultats ou en apprendre davanatage? Vous désirez communiquer avec la responsable? Visitez la page web dédiée au projet Devoir+