C’est dans le cadre d’un webinaire, animé par la journaliste Esther Bégin, que la Fondation pour l’alphabétisation a organisé en juin 2023 son événement Alpha Réussite. Cette 7e édition était placée sous un thème riche en échanges : L’incidence de la structure scolaire et collégiale sur la littératie des régions. Il s’agissait en fait de présenter les résultats d’une étude réalisée par l’économiste Pierre Langlois qui trace le portrait du niveau de littératie au Québec pour ces ordres d’enseignement.
Avant d’expliquer les grandes lignes de son étude, l’économiste québécois a tenu à rappeler qu’il existe six différents niveaux de littératie, celle-ci étant pour un individu sa capacité de lire, comprendre et traiter l’information. Les spécialistes établissent que le niveau 0 de la littératie est celui de pouvoir connaître un vocabulaire de base, alors que dernier niveau consiste à savoir intégrer, évaluer, synthétiser plusieurs textes et leurs subtilités.
Selon une enquête internationale réalisée en 2012 par le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) à laquelle participait 39 pays dont le Québec, quelque 53 % des Québécois de 16 à 65 ans n’atteignent pas le 3e niveau de littératie, soit celui d’être en mesure de lire des textes denses ou longs nécessitant d’interpréter et de donner du sens aux informations, « niveau qui permet de faire des études post-secondaires », comme l’a rappelé Pierre Langlois.
Les chiffres sont éloquents, selon celui-ci, 85 % des personnes qui n’obtiennent pas leur diplôme de 5e secondaire se retrouvent sous le 3e niveau en littératie, comparativement à 65 % de ceux qui l’obtiennent et 40 % de ceux qui terminent un niveau collégial.
Une littératie déficitaire en régions
Pour réaliser son étude, l’économiste québécois s’est concentré sur une quarantaine de municipalités régionales de comtés (MRC) à travers le Québec et s’est particulièrement intéressé à la fréquentation du cégep et à son impact sur la littératie des populations régionales.
Certes, il y a aussi des données économiques et démographiques qui peuvent jouer un rôle. Mais, comme il le mentionnait lors de son intervention, n’est-ce pas au cégep que les jeunes Québécois commenceront à être confrontés à leurs premières grandes œuvres littéraires et philosophiques, donc à développer davantage leur capacité de lecture?
Les résultats obtenus sont pour le moins éloquents. En fait, il ressort que :
« les MRC du Québec qui ne disposent pas d’établissement collégial ou de centres d’enseignement collégiaux (CEC) à moins de 20 km de leur territoire observent au sein de leur population un profil de scolarité plus faible que leurs voisines, ce qui influence du même coup le niveau de littératie des populations. De plus, ces MRC présentent une fréquentation plus haute des formations professionnelles, une scolarité terminale en secondaire 5 plus élevée et, implicitement, une diplomation collégiale et universitaire plus faible. »
C’est le cas notamment dans des MRC comme celles de la Vallée-de-la-Gatineau, de la Mitis et d’Abitibi-Ouest, qui ne sont pas desservies en offre complète d’enseignement collégial (cégep ou CEC).
Pour Sylvain Blais, directeur général du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, l’un des quatre autres intervenants avec M. Langlois au cours du webinaire, ces chiffres n’ont rien d’étonnant, « même si c’est surprenant qu’une si petite distance comme 20 km fait une aussi grande différence. »
Des pistes de solutions?
Le territoire québécois est évidemment grand. Bien sûr, il pourrait être envisageable de compléter le réseau des centres d’enseignement collégial (CEC) dans les MRC non desservies afin de maximiser la fréquentation collégiale, mais ce n’est pas demain la veille. Que faire, en attendant, pour en arriver à améliorer la littératie chez les jeunes de la fin du secondaire?
Une partie de la réponse est peut-être chez certains voisins canadiens où il y a une année supplémentaire au secondaire et où l’éducation est obligatoire jusqu’à 18 ans. Parmi les pistes de solution mentionnées dans le rapport, on retrouve donc les deux suivantes :
- Évaluer l’impact de la fréquentation scolaire obligatoire jusqu’à 18 ans en Ontario et au Nouveau-Brunswick en vue d’une implantation législative similaire au Québec.
- Définir une stratégie nationale de réussite scolaire pour le second cycle du secondaire, qui pourrait notamment définir des cheminements personnalisés avec l’ajout possible d’une douzième année pour certains parcours.
Une autre idée amenée, qui n’a pas fait l’unanimité pendant le webinaire, est une proposition de Bernard Tremblay, président directeur général de la Fédération des cégeps. Il suggère que le Québec investisse davantage dans des parcours de formation à temps partiel.
Enfin, il est aussi proposé d’ajouter des formations de mise à niveau pour les compétences de base (littératie, numératie) pour l’ensemble des programmes de formation professionnelle offerts par les centres de services scolaires (CSS). Cependant, la directrice des affaires éducatives à la Fédération des centres de services scolaires du Québec (FCSSQ), Marjorie Ménard, a tenu à préciser qu’il était faux de penser qu’il n’y avait rien de fait en ce sens en ce moment. Elle a même donné comme exemple un projet pilote réalisé dans quelques régions du Québec pour augmenter la littératie avant l’entrée d’un étudiant ou d’une étudiante dans son parcours professionnel.
Une chose est sûre, tous les participants étaient d’avis que 53 % sous le 3e niveau en littératie est un chiffre préoccupant.
Retrouvez tous les documents en lien avec l’étude AlphaRéussite 7 sur le site de la Fondation pour l’alphabétisation.
Visionnez le webinaire.