ANNONCE
L'École branchée, un organisme à but non lucratif
ANNONCE

Pour s’informer, les jeunes ont-ils délaissé les médias traditionnels?

La presse quotidienne et magazine est confrontée à un problème de renouvellement des générations. Par contre, il est faux de croire que les jeunes ne s'intéressent pas à l'actualité. Les séances d’éducation aux médias et à l’information en classe portent leurs fruits et sensibilisent les jeunes à la lecture de la presse, lit-on dans cet article de La Conversation.
Temps de lecture estimé : 7 minutes
PARTAGER VIA :

Table des matières

Par Laurence Corroy, Université de Lorraine

Il est courant de lire que les jeunes ne se préoccupent plus de l’actualité, qu’ils délaissent les médias traditionnels pour se focaliser sur les contenus diffusés par les réseaux sociaux numériques. Dans ces déclarations, souvent sous forme de déploration, plusieurs approches sont confondues. Ne pas lire de presse papier et ne pas écouter la radio ne signifie pas délaisser l’actualité.

Seulement, il est vrai que la presse quotidienne et magazine est confrontée à un problème de renouvellement des générations qui laisse à penser qu’une véritable gageure est à relever dans les décennies à venir pour relayer son lectorat vieillissant. Un nouveau rapport avec la presse s’instaure, passant par le numérique et davantage basé sur l’information.

Un accès à l’information par les réseaux sociaux

À rebours des idées reçues, les résultats des enquêtes quantitatives et qualitatives confirment depuis plusieurs années l’intérêt des jeunes pour l’actualité, et cette tendance s’est renforcée depuis la pandémie. Quand ils recherchent une information, un quart à un tiers des 18-25 ans a le réflexe de se tourner vers les sites numériques des journaux de presse nationale, qu’ils considèrent comme des sources fiables.

Les jeunes et leur façon de s’informer (France 3 Bourgogne, 2018).

Mais alors que les générations précédentes développaient des préférences pour tel ou tel titre, ils consultent les uns ou les autres relativement indifféremment. Quand on les interroge, lycéens comme étudiants peinent à situer les lignes éditoriales des quotidiens ou leur sensibilité sur l’échiquier politique. Ce qui les intéresse, c’est l’information journalistique, plus que de savoir si elle émane du Monde, de Libération ou du Figaro. Ils ne consultent pas un quotidien pour son positionnement mais pour la garantie de qualité qu’il représente. Ainsi, les grands journaux fonctionnent de manière globale comme des « marques » de référence.

Avant 18 ans, ce sont plutôt les journaux télévisés et les chaînes d’information en continu qui sont regardés et continuent d’être jugés comme des sources fiables. En revanche, la grille horaire des programmes, avec la « grand-messe » du 20 heures n’a plus vraiment de sens pour eux, à moins que les traditions familiales ne perpétuent les dîners en famille devant le JT.

Pour les adolescents, comme pour les jeunes majeurs, la plus grande scission avec les générations précédentes réside dans les usages numériques de l’information. À une écrasante majorité, ce sont les réseaux sociaux numériques qui leur servent de portes d’entrée vers l’actualité, en particulier YouTube, Instagram et Twitter, mais aussi Spotify et TikTok dans une moindre mesure.

Les formes brèves qui sont en usage sur ces réseaux font écho au rapport que les jeunes eux-mêmes entretiennent avec l’écrit, à travers textos et émojis. La mise en image des messages y est appréciée, tout comme la possibilité d’envoyer à ses contacts les informations, éventuellement avec ses propres commentaires, ce qui permet d’adopter une posture plus active face à l’information.

Flux d’actualité et risques d’infobésité

Alors que les seniors demeurent très attachés à la presse papier, les jeunes la jugent souvent difficile à lire, parfois absconse et onéreuse. Surtout, aller en kiosque suppose une démarche volontaire dont ils ne voient pas forcément l’utilité puisqu’ils ont pris l’habitude d’obtenir des nouvelles directement sur leur smartphone, sans aucune sollicitation de leur part, si ce n’est d’avoir activé des notifications sur leur téléphone une fois pour toutes.

Tous les matins, ils sont ainsi alertés des principales actualités : « Quand je regarde mon smartphone, j’ai tout de suite accès à l’essentiel des informations importantes et cela me renvoie vers les grands journaux » nous explique Charlotte, 16 ans, dans une enquête en cours auprès de lycéens et d’étudiants de la région Grand Est. Si le sujet l’intéresse, elle n’a donc plus qu’à cliquer.

Cette manière de s’informer a rendu particulièrement floues les logiques éditoriales. L’intérêt est suscité par la nouvelle, peu importe aux yeux du jeune internaute vers quel journal ou le pure player d’information l’algorithme du smartphone le renvoie.

Au final, le risque serait plutôt celui d’une « infobésité » que d’une anémie informationnelle. Être informé en continu par les réseaux sociaux peut provoquer une anxiété face aux désordres du monde. Nous pourrions parler de « stress informationnel », provoqué par le fait d’être informé en continu. Cela ne laisse aucune respiration et peut même devenir culpabilisant pour celle et celui qui désireraient s’en soustraire. Ainsi, le temps de la lecture que représentait la lecture d’un journal papier a volé en éclats. S’y est substituée une logique du clic et du rebond bien plus chronophage, et sans hiérarchisation éditoriale.

Lorsqu’il s’agit des réseaux sociaux, cela peut aussi laisser la part belle aux « fake news » et à la désinformation puisque la reprise et la viralité des informations échangées sont facilitées, quels que soient leur valeur et leur degré de fiabilité.

Le rôle de l’éducation à l’information

Faudrait-il en conclure que les adultes n’ont plus de place dans le rapport que les jeunes entretiennent avec l’actualité ? Lorsque des journaux et des magazines sont achetés par les parents et laissés à disposition dans la maison, les enfants ont tendance à les feuilleter. Maxence (20 ans), jeune étudiant, lit le journal local acheté par sa mère, tout comme Amel (19 ans) : « Papa laisse sur la table du salon l’Est éclair, ce qui me donne envie de le lire le week-end ». Chloé (19 ans), quant à elle, déjeune avec son grand-père tous les midis et en profite pour lire le journal régional.

L’avis des adultes, et en particulier des professeurs, compte. En témoigne Pauline (17 ans) : « J’ai choisi de recevoir les nouvelles du Figaro sur mon téléphone car c’est un enseignant qui nous l’a conseillé ». Les séances d’éducation aux médias et à l’information en classe portent leurs fruits et sensibilisent les jeunes à la lecture de la presse et à l’actualité. Les pays européens prennent progressivement conscience de son importance, certains ayant par exemple soutenu le programme européen MEDEAnet promouvant l’apprentissage aux médias numériques et audiovisuels.

De la même manière, produire des journaux lycéens et étudiants suscite le goût pour la presse et l’information journalistique, et permet de mieux comprendre les exigences déontologiques de la profession. Ainsi, Lucie (20 ans) se rappelle des séances en EMI au collège qui lui ont fait découvrir les métiers liés au journalisme.

Il revient enfin aux journalistes et aux médias traditionnels de penser davantage aux jeunes, en leur donnant la parole, en traitant de sujets dont ils se sentent proches : l’écologie, les questions de genre, la parité… La participation des journalistes à la semaine de la presse à l’école est aussi un moyen de mieux faire connaître la presse et la diversité de l’offre médiatique, son importance pour vivifier la démocratie.

Par Laurence Corroy, Professeure des universités, Université de Lorraine

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

À propos de l'auteur(e)
Ça pourrait être vous!
Chaque histoire positive a le potentiel d'inspirer des centaines de personnes à innover pour améliorer la réussite éducative. L'École branchée est VOTRE média! Profitez de ses pages virtuelles pour mettre en valeur vos réalisations tout en alimentant la veille professionnelle de vos collègues, d'ici et d'ailleurs. Allez-y, proposez un texte! >
NOS ANNONCEURS ET PARTENAIRES :
PROPAGER VIA :
À lire aussi
 L’impact du développement professionnel à l’ère du numérique sur la réussite éducative

Dans ses récentes publications, l’UNESCO met en lumière le rôle fondamental du développement professionnel (DP) continu pour accompagner les enseignants dans les transformations profondes de l’éducation. En fait, le DP continu est considéré comme essentiel pour garantir une éducation de qualité pour tous. Dans ce dossier, nous présentons les effets du développement professionnel sur les professionnels de l’éducation et sur les élèves, en plus de présenter des pratiques efficaces et des conditions de succès. Finalement, nous abordons de quatre types de défis et obstacles rencontrés. 

Ce contenu est réservé aux personnes et institutions abonnées.

Lire la suite
Écrans et santé des jeunes : des recommandations ciblées pour le milieu scolaire

La Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé mentale des jeunes (CSESJ) a rendu public son rapport final à la fin mai 2025. Celui-ci propose une série de recommandations afin de mieux encadrer l’usage des écrans et de soutenir la santé mentale et le développement global des élèves. Voici un aperçu des mesures à l’intention du milieu scolaire.

Lire la suite
Coupures au RÉCIT : un pan de l’expertise numérique québécoise va-t-il disparaître?

Des compressions budgétaires majeures contraignent le Centre de services scolaire de Montréal à mettre fin à l’hébergement de services nationaux du RÉCIT, dont celui de l’Inclusion et de l’adaptation scolaire et celui du Préscolaire, qui se retrouvent ainsi « orphelins ». Le réseau scolaire québécois perdra-t-il cette expertise dédiée à l’accompagnement des élèves les plus vulnérables?

Lire la suite
Commentaires, reproduction des textes et usage de l'intelligence artificielle

Pour commenter un article et y ajouter vos idées, nous vous invitons à nous suivre sur les réseaux sociaux. Tous les articles y sont publiés et il est aussi possible de commenter directement sur FacebookX, Instagram, Bluesky ou LinkedIn.

Sauf dans les cas où la licence est expressément indiquée, il n’est pas permis de reproduire les articles de l’École branchée. Toute demande de reproduction doit être adressée directement à l’organisme.

Dans son processus éditorial, notre équipe fait appel à des technologies intégrant l’intelligence artificielle pour améliorer les textes, entre autres par la reformulation de passages, la révision linguistique, la traduction et la synthèse des idées. Tous les textes sont révisés par des humains avant leur publication.

Recevez l'infolettre Hebdo