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L’éducation : l’arme la plus puissante du monde

De retour d'un voyage dans un ancien territoire soviétique (avant la crise actuelle, bien entendu!), notre collaborateur partage ses réflexions et les parallèles qu'il fait avec l'éducation. Plusieurs idées trouvent particulièrement écho dans la situation actuelle. Aujourd'hui, il explique pourquoi il estime que l’éducation est la pièce maîtresse d’une société qui cherche à perdurer et évoluer dans ses valeurs.

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De retour d’un voyage dans un ancien territoire soviétique (avant la crise actuelle, bien entendu!), notre collaborateur partage ses réflexions et les parallèles qu’il fait avec l’éducation. Plusieurs idées trouvent particulièrement écho dans la situation actuelle. Aujourd’hui, il explique pourquoi il estime que l’éducation est la pièce maîtresse d’une société qui cherche à perdurer et évoluer dans ses valeurs.

Je suis en République Tchèque, à Prague. Notre guide de ville est un intellectuel qui aime bien nous parler de sa vie sous le régime communiste, quelque chose qui, pour nous, fait partie des manuels d’histoire. Pour le petit groupe d’occidentaux francophones que nous formons, en savoir plus sur la vie sous le régime communiste par quelqu’un qui l’a vécu est fascinant. 

Il se livre à nous en toute authenticité. Il nous parle de la police secrète qui réquisitionne les clochers d’églises et qui s’en sert pour observer les allers et venues de la population afin de déceler ce qui semble louche ou anormal. Il nous parle de la liberté de religion, qui est possible tant qu’elle n’est pas assumée – ceux qui pratiquent un culte sont automatiquement fichés, et ce, pour leur vie entière. Il nous parle des bibliothèques, fermées pendant des décennies, et autres lieux culturels, inaccessibles à la population durant tout ce temps. Il nous parle aussi de l’importance de tenir sa langue et de surveiller ce qui est dit, car un mot de travers peut être jugé comme étant de la trahison et, du jour au lendemain, la vie peut prendre un tout autre cours et se terminer dans un camp de redressement (lire « camp de travail »).

Quand on pense à ce passé pas si lointain, on se rend compte qu’il y avait trois bases au régime communiste de l’époque, comme dans tous les régimes totalitaires : l’éducation, la dissuasion et la correction. L’histoire regorge d’exemples qui démontrent jusqu’où ces genres de régimes sont prêts à aller pour punir ou corriger ceux qui menacent leur stabilité. L’histoire regorge aussi d’exemples qui permettent de démontrer, toujours de façon éloquente, comment la peur de « Big Brother », de se faire écouter et surveiller constamment, permet à elle seule de dissuader la population de ne serait-ce que penser à menacer ledit régime. La dissuasion et la correction sont, en quelque sorte, des réactions à des méfaits ou à des possibilités de méfaits. L’éducation, elle, agit à la base en éduquant l’humain à devenir un citoyen qui correspond aux idéaux de la société ou du régime politique, qu’il soit démocratique ou non. Après tout, ne dit-on pas que l’éducation est l’arme la plus puissante au monde?

Lorsque notre guide nous informe que les jeunes devaient réciter des passages du Manifeste du Parti communiste ou qu’ils apprenaient des contenus faisant la gloire de l’URSS, plusieurs de nos comparses occidentaux en visite s’insurgent. Dans les faits, on peut faire certains parallèles chez nous aujourd’hui. Les élèves américains récitent quotidiennement le fameux serment d’allégeance (Pledge to the Flag) et nos voisins ontariens, eux, chantent le Ô Canada à tous les matins en se levant de leur chaise. Si l’école occidentale est, dans bien des états, une école laïque, elle n’est pas une école apolitique.

Le régime communiste limitait l’accès aux ressources alors que nous, du moins aujourd’hui, devons apprendre à gérer l’abondance et ce qu’elle implique en termes d’impacts sociaux et climatiques. Jaromir, notre guide, nous disait qu’il ne mangeait des bananes qu’une fois par année et ce, si les bananes étaient disponibles! Pour nous, des bananes, il y en a toujours à l’épicerie du coin. Il nous reste à savoir combien nous sommes prêts à les payer et si notre conscience environnementale nous autorise à nous les procurer.

Le régime communiste limitait l’accès à l’information, alors que nous avons accès à toutes les informations possibles et imaginables. Ce qui importe désormais, en cette ère d’infobésité, c’est d’exercer son jugement critique pour reconnaître et trier l’information. Sous le joug du régime soviétique, exercer son jugement critique n’était pas souhaitable : il y avait des gens brillants qui réfléchissaient déjà pour la population et dont le rôle était de statuer sur ce qui était vrai et ce qui ne l’était pas, et la critique pouvait placer quiconque dans une situation délicate.

Jaromir nous expliquait que, dans les soupers de famille, les adultes devaient faire attention à ce qu’ils disaient puisque les enfants pouvaient rapporter les propos à l’école. Les enseignants, éléments centraux de la pérennité du régime communiste, étaient d’un naturel rigide et menaient leur classe de façon dictatoriale en plus d’avoir l’obligation de rapporter les informations menaçant cette pérennité aux autorités du régime. Ce qui m’est venu en tête après avoir entendu ceci est double : d’une part, nous devons aussi aujourd’hui rapporter les informations qui nous permettent de croire que la santé ou la sécurité de nos jeunes est en danger. D’autre part, ce rôle de l’enseignant est toujours aussi central aujourd’hui, quoique le contexte diffère : c’est un gardien de la démocratie. Il éduque nos jeunes aux valeurs démocratiques et en fait des ambassadeurs à leur tour.

Tout cela pour dire qu’en voyageant dans un ancien territoire soviétique, lequel apprend encore à gérer son émancipation d’un régime totalitaire depuis plus de vingt ans, et en écoutant ceux qui ont vécu le communisme et la démocratie, je comprends encore mieux que l’éducation est la pièce maîtresse d’une société qui cherche à perdurer et évoluer dans ses valeurs.

À propos de l'auteur

Marc-André Girard
Marc-André Girard
Marc-André Girard est détenteur d’un baccalauréat en enseignement des sciences humaines (1999), d’une maitrise en didactique de l’histoire (2003), d’une maitrise en gestion de l’éducation (2013) et d’un doctorat en éducation (2022). Il s’est spécialisé en gestion du changement en milieu scolaire ainsi qu’en leadership pédagogique. Il s’intéresse également aux compétences du 21e siècle à développer en éducation. Il occupe un poste de direction dans une école publique et donne des conférences sur le leadership en éducation, les approches pédagonumériques, le changement en milieu scolaire ainsi que sur la professionnalisation de l’enseignement. Il a participé à des expéditions pédagogiques en France, en Finlande, en Suède, au Danemark et au Maroc. En septembre 2014, il a publié le livre « Le changement en milieu scolaire québécois » aux Éditions Reynald Goulet et, en 2019, il a publié une trilogie portant sur l'école du 21e siècle chez le même éditeur. Il collabore fréquemment à L’École branchée sur les questions relatives à l’éducation. Il est très impliqué dans tout ce qui entoure le développement professionnel des enseignants et des directions d'école ainsi que l’intégration des TIC à l’éducation. En mars 2016, il a reçu un prix CHAPO de l’AQUOPS pour l’ensemble de son implication. Il est récipiendaire de la bourse Régent-Fortin 2022 octroyée par l’ADERAE pour la contribution importante de ses études doctorales au développement de la pratique et des savoirs en administration de l’éducation.

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