Les jeunes « natifs numériques » sont branchés, mais on aurait tort de tenir pour acquis qu’ils maîtrisent la technologie sous prétexte qu’ils sont « nés avec un appareil dans les mains ». On aurait tout intérêt à leur enseigner le plus tôt possible une technique de frappe au clavier et l’utilisation du traitement de texte!
C’est du moins l’opinion émise par Pascal Grégoire, chercheur de l’Université de Montréal, lors du Colloque scientifique international sur les technologies de l’information et des communications en éducation. En 2004, près de 80 % des écoles utilisaient déjà régulièrement le traitement de texte. Huit ans plus tard, cette proportion est sans doute plus importante, mais les compétences de plusieurs jeunes font toujours défaut.
Dans le cadre de ses recherches, M. Grégoire s’est intéressé aux écrits de 276 jeunes de première secondaire d’une école privée de la banlieue de Montréal, soit dans un milieu plutôt aisé. Au départ, les deux groupes ont rédigé des textes à la main. Ensuite, l’un des deux groupes a reçu une formation d’une heure sur l’utilisation du traitement de texte et a rédigé les deux productions suivantes à l’aide d’un ordinateur. Résultat : les jeunes utilisant le traitement de texte ont obtenu, sans surprises, de meilleurs résultats en orthographe d’usage grâce au correcteur de base inclus dans le logiciel.
Cela dit, ils ont commis davantage d’erreurs de syntaxe. « Il est admis que les outils de révision informatiques peinent à diagnostiquer des problèmes qui surviennent au niveau syntaxique […] Discréditer le correcteur est trop simpliste et ne peut suffire à expliquer la différence que nous avons perçue », note M. Grégoire dans sa thèse de doctorat. Selon lui, des jeunes se sont retrouvés démunis au moment de la révision puisqu’ils ne pouvaient utiliser à l’ordinateur les stratégies développées en classe (encercler, faire des flèches, etc.).
Il a aussi noté que les jeunes, surtout ceux « technologiquement malhabiles », faisaient un nombre considérable d’erreurs de frappe. Un doigté automatisé permettrait de libérer des ressources cognitives considérables et améliorerait potentiellement leur capacité à planifier et réviser, croit le chercheur.
Ainsi, il qualifie l’impact du traitement de texte sur la qualité de l’écriture de faible. « Pour que des modifications plus importantes puissent être constatées, la formation à l’utilisation des technologies de l’information et des communications ainsi que la maîtrise du doigté apparaissent être deux facteurs incontournables. Si l’utilisateur veut tirer profit des puissants avantages du traitement de texte, ses habiletés technologiques ne doivent pas constituer un frein à l’écriture », indique M. Grégoire.
Paradoxalement, les élèves perçoivent des avantages importants à l’utilisation de l’ordinateur, même si leur performance ne s’est pas améliorée outre mesure. La recherche a montré que les élèves du groupe utilisant l’ordinateur étaient beaucoup plus motivés dans leur travail.
Il recommande donc de favoriser l’intégration de la technologie à l’école pour motiver les élèves à écrire et de faire du développement des compétences technologiques une priorité. Il estime aussi que les enseignants de français auraient intérêt à varier les modes d’écriture. « Il ne s’agit pas de sacrifier totalement l’enseignement de l’écriture manuscrite, mais de questionner son actuelle suprématie, de façon à favoriser une plus grande variété de situations d’apprentissage. La classe de français doit devenir le lieu de développement fondamental de la capacité à rédiger, mais surtout à réviser à l’ordinateur. Actuellement, cette habileté s’acquiert de façon autodidacte, au gré des pratiques personnelles, mais elle devrait faire l’objet d’un enseignement systématique », juge-t-il.
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