Lorsqu’il s’agit de comportements inappropriés en ligne, il peut être difficile de départager les gestes qui sont interdits de ceux qui sont carrément criminels! Parfois, la ligne demeure floue entre les deux, autant pour les adultes que pour les jeunes. Kim Bélanger-Baillargeon, chargée de contenu scolaire pour l’organisme Éducaloi, a donné des précisions à cet effet lors du récent colloque de l’AQUOPS.
Dans un premier temps, il est important de rappeler que les comportements criminels ou interdits peuvent avoir les mêmes conséquences, qu’ils soient commis dans le monde réel ou dans le monde virtuel. Les gestes sont différents, mais l’encadrement juridique est le même. « Des menaces, de l’extorsion ou du harcèlement seront traités de la même façon par la justice. Les jeunes ne réalisent pas toujours cela », fait remarque Kim Bélanger-Baillargeon.
Il est pertinent de répéter aux jeunes que la liberté d’expression ne signifie pas qu’on peut tout dire. Il y a aussi des limites à cette liberté, particulièrement à partir du moment où elle brime celle d’une autre personne. « Les menaces et les actes de violence ne sont pas protégés par cette liberté. Une personne ne peut donc pas menacer de violences ou de mort en invoquant la liberté d’expression. »
Responsable ou non?
Une personne peut être accusée d’un crime dès l’âge de 12 ans. Donc, les élèves du secondaire pourraient être poursuivis pour des crimes commis en ligne. À ce moment, c’est la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents qui s’applique et plusieurs conséquences sont possibles. Tout adulte qui est témoin d’un méfait de la part d’une personne de 12 ans et plus peut porter plainte à la police.
En ce qui concerne les comportements interdits, il n’y a pas d’âge minimal pour être poursuivi. Un enfant peut être tenu responsable à partir du moment où il comprend la nature de ses gestes et les conséquences possibles (généralement vers l’âge de 7 ans).
Par ailleurs, les personnes qui détiennent l’autorité parentale, souvent les parents, peuvent être tenues responsables des dommages causés par leur enfant mineur. Lorsque les jeunes se trouvent à l’école, la responsabilité est transférée temporairement aux éducateurs. Ceux-ci pourraient donc être tenus responsables si jamais ils posent un geste pour inciter des comportements interdits.
Qu’est-ce qui est interdit?
- Menacer de tuer ou de faire du mal
La menace est interdite et elle devient un crime si vous craignez réellement qu’une personne mette à exécution sa menace de :
- tuer ou blesser une personne,
- tuer ou blesser un animal,
- briser, brûler ou détruire des biens ou une résidence.
Elle sera considérée comme un crime, même si la personne n’avait finalement pas l’intention de la mettre à exécution.
Le discours haineux, soit le fait de menacer un groupe de personnes identifiables ou d’inciter d’autres personnes à s’en prendre à des gens à cause de la couleur de la peau, de la religion ou du sexe, entre aussi dans cette catégorie.
- Menacer par un comportement répétitif : le harcèlement
Le harcèlement est interdit et devient criminel quand :
- la personne victime craint pour sa sécurité ou celle d’un de ses proches,
- le comportement est répétitif ou menaçant.
Plusieurs comportements répétitifs peuvent provoquer de la crainte et constituer du harcèlement criminel, comme être appelé sans relâche (les textos incessants entrent dans cette catégorie) ou être suivi à répétition.
- Menacer pour empêcher ou forcer une personne à faire quelque chose (extorsion/taxage)
Le fait de menacer quelqu’un pour obtenir quelque chose de sa part constitue un crime d’extorsion (ex. forcer à faire quelque chose pour ne pas diffuser des photos compromettantes, menacer de blesser quelqu’un si elle ne pose pas un geste en particulier). Les menaces peuvent être d’ordre physique ou psychologique.
- Dire ou écrire des insultes graves contre quelqu’un (diffamation)
La diffamation, c’est lorsque des propos portent atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une autre personne (ex. diffuser des propos désagréables ou défavorables, qu’ils soient vrais ou faux, avec méchanceté ou dans le but de nuire). Ils peuvent être écrits ou oraux. La diffamation est interdite et elle peut parfois être reconnue comme un crime. Dans le cas de la diffamation, c’est la victime qui doit porter plainte. Elle doit prouver qu’elle a subi des dommages et demander à être dédommagée.
- Partager des photos sans le consentement des personnes y figurant
Le droit à l’image interdit la diffusion de photos sans le consentement des personnes apparaissant sur celles-ci. Néanmoins, il est pratiquement impossible d’avoir un contrôle total sur les photos et vidéos qui sont publiées sur Internet. Comme dans le cas de la diffamation, il est possible de porter plainte et il faudra prouver qu’il y a eu dommage.
La diffusion d’images intimes (photo ou une vidéo montrant certaines parties du corps ou une activité sexuelle explicite) est tout aussi interdite. Attention, cela devient un crime (distribution de pornographie juvénile) lorsqu’une personne (mineure ou majeure) publie ou partage des images intimes d’un mineur.
Avoir un plan d’action
Afin de prévenir les gestes interdits dans votre classe ou établissement scolaire, il est bon de se doter d’un code de vie et d’inclure les élèves dans la discussion lors de la création de celui-ci.
De plus, la Loi sur l’instruction publique québécoise oblige les établissements d’enseignement publics ou privés à adopter et à mettre en œuvre un plan de lutte contre l’intimidation et la violence. Celui-ci a pour objet de prévenir et de contrer toute forme d’intimidation et de violence à l’endroit d’un élève, d’un enseignant et de tout autre membre du personnel de l’école. Le volet « en ligne » devrait être pris en considération dans le plan.
En complément :
L’organisme Éducaloi présente des ateliers gratuits dans les établissements scolaires du Québec (secondaire, formation professionnelle, formation générale des adultes, cégep).
Déjà paru sur le site de l’École branchée : Crimes et comportements interdits en ligne