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L’écriture inclusive gagne en popularité, mais on en sait peu sur son application à l’école

L’écriture inclusive, bien ancrée dans les universités, reste peu étudiée au primaire et au secondaire. Une recherche à venir au Québec sondant les enseignantes et enseignants permettra d’explorer leurs pratiques, leurs perceptions et les défis liés à l’intégration de cette approche dans les milieux scolaires. Un texte de Marion Deslandes Martineau, Isabelle Gauvin et Patrick Charland de l'Université du Québec à Montréal.

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Par Marion Deslandes Martineau, Université du Québec à Montréal (UQAM); Isabelle Gauvin, Université du Québec à Montréal (UQAM), et Patrick Charland, Université du Québec à Montréal (UQAM)

L’écriture inclusive devrait-elle avoir sa place à l’école ? On sait qu’elle est utilisée dans les universités, mais on en sait moins pour les niveaux primaire et secondaire. À notre connaissance, dans la francophonie, il n’existe pas d’orientations officielles en la matière.

Cette question, comme d’autres qui touchent l’évolution de la langue, soulève des débats souvent passionnés chez les scientifiques et les francophiles.

Nous préparons actuellement une recherche visant non pas à se prononcer sur ce qui devrait (ou ne devrait pas) être fait, mais à consulter les enseignantes et enseignants qui sont sur le terrain, jour après jour, avec les jeunes. La collecte de données, en cours de préparation, sera effectuée auprès d’enseignantes et d’enseignants de différentes disciplines au primaire et au secondaire, un peu partout au Québec.

Quelles sont leurs pratiques et leurs représentations en lien avec l’écriture inclusive ? C’est la question à laquelle notre recherche répondra.

L’écriture inclusive, un mouvement bien établi

L’écriture inclusive consiste en l’utilisation d’une variété de stratégies visant à rendre la langue moins discriminante à l’égard des femmes ou des personnes non binaires, que le masculin générique tendrait à invisibiliser dans la langue et, par extension, dans la pensée.

Par exemple, en écriture inclusive en français, on utilisera des stratégies de féminisation, comme « les enseignantes et enseignants », ou de neutralisation du genre, comme « le personnel enseignant », plutôt que le masculin générique « les enseignants ».

Au Québec, les débuts du mouvement en faveur de l’écriture inclusive remontent aux années 1970. Il ne s’agit donc pas d’un phénomène émergent ou exclusif aux milieux militants et universitaires, mais plutôt d’un mouvement socialement significatif, reconnu et bien établi dans la durée. Aujourd’hui, l’écriture inclusive est utilisée et valorisée dans différentes zones géographiques et catégories sociales, et dans des domaines variés (politique, artistique, médiatique, scientifique, professionnel, institutionnel, etc.).

Pour ce qui est du domaine de l’éducation, toutefois, il est difficile de dire si elle y a fait son chemin.

La situation actuelle en milieu éducatif

À mesure que la société évolue, la langue et l’éducation évoluent aussi.

L’école, et plus spécifiquement l’enseignement de la langue et les pratiques langagières en classe, sont d’importants vecteurs de changement social, notamment par rapport aux inégalités de genre.

En cadrant les savoirs à enseigner, les programmes scolaires traduisent une certaine conception de la langue et de l’histoire et influencent les pratiques enseignantes, qui ont un impact sur la socialisation genrée des élèves.

De nombreuses universités ont mis en place des politiques, guides, règlements ou manuels d’écriture inclusive depuis les années 1990, dans une volonté de promouvoir l’égalité des genres. Dans la francophonie, les universités québécoises ont d’ailleurs joué un rôle de premier plan en matière de féminisation.

Aujourd’hui, plusieurs universités québécoises, suisses et belges ont leur propre politique d’écriture inclusive, et des universités françaises l’utilisent, même sans avoir officiellement adopté de telle politique.

Aux niveaux primaire et secondaire, on sait que certains enseignants et enseignantes utilisent, voire enseignent l’écriture inclusive, mais il semblerait que les pratiques varient beaucoup et que des réticences ou craintes les freinent.

Le Québec plus ouvert

Le milieu de l’éducation au Québec ferait partie des plus ouverts à l’écriture inclusive, et les étudiantes et étudiants en enseignement y seraient majoritairement favorables.

Le système éducatif québécois met fortement l’accent sur la responsabilité du personnel enseignant de promouvoir l’égalité des genres ainsi que sur l’inclusion, l’acceptation et le respect de la diversité des expériences individuelles de développement de l’identité de genre.

Les récents programmes de Culture et citoyenneté québécoise insistent tout particulièrement sur la prise de conscience des diverses façons dont peuvent se manifester les inégalités et la discrimination liées à l’expression de genre. Puisque l’écriture inclusive se veut un outil pour l’atteinte de l’égalité des genres, on peut donc penser qu’elle aurait sa place au primaire et au secondaire au Québec, en cohérence avec cette volonté clairement affirmée dans le système éducatif québécois.

Difficultés non démontrées et bienfaits

Plusieurs, surtout en France, ont tenté de faire interdire l’écriture inclusive à l’école, généralement en invoquant les potentielles difficultés d’enseignement-apprentissage qu’elle poserait. L’argument très souvent relayé dans les médias est qu’elle serait « exclusive et excluante », particulièrement pour les élèves ayant des difficultés d’apprentissage.

Or, jusqu’à maintenant, aucune étude n’a démontré empiriquement ces difficultés. Au contraire, les recherches à ce sujet montrent plutôt qu’on s’habitue rapidement à l’écriture inclusive, qu’elle n’aurait pas d’effet significatif sur la lisibilité et ne ralentirait pas la lecture.

Par ailleurs, certaines associations ont dénoncé l’instrumentalisation du handicap dans le débat sur l’écriture inclusive, considérant le manque de données à cet égard.

D’autres voient des bénéfices potentiels à utiliser et à enseigner l’écriture inclusive au primaire et au secondaire. En plus de son influence positive, amplement montrée par la recherche, sur les représentations mentales des jeunes, qui deviennent plus égalitaires, sur leur sentiment d’auto-efficacité et sur leur motivation à l’égard de différents métiers, elle favoriserait une meilleure inclusion des élèves non binaires, qui souffrent souvent de stigmatisation, voire de violence à l’école.

L’écriture inclusive offrirait aussi plusieurs potentialités d’apprentissage. Par exemple, elle permettrait de nourrir une réflexion sur les tensions entre usages et normes linguistiques dans une perspective historique, et d’engager les élèves dans des discussions critiques sur les enjeux sociaux et autres débats publics sur l’évolution de la langue. Elle pourrait aussi faire l’objet d’un travail sur le genre grammatical dans le cadre d’exercices d’écriture (écriture à contraintes, exercice de réécriture, etc.).

Bien sûr, son utilisation et son enseignement, s’ils ont lieu, devraient être adaptés à l’âge et au niveau des élèves, mais aussi au contexte de classe.

Toutefois, vu le manque de données à ce sujet, des études s’imposent pour prendre le pouls de la situation actuelle.

Pourquoi sonder le personnel enseignant ?

La question de l’écriture inclusive a été largement explorée par la recherche en psycholinguistique, mais encore peu en éducation. Pourtant, les systèmes éducatifs sont des terrains pertinents pour l’étude des pratiques linguistiques et des tensions entre normes officielles et usages réels dans une société. Plus encore, le personnel enseignant est un groupe intéressant à sonder, puisqu’il reçoit, réinterprète et parfois rejette le curriculum prescrit.

Les tentatives de réglementation de l’écriture inclusive en milieu éducatif tiennent rarement (sinon jamais) compte des conditions des contextes locaux et encore moins des pratiques existantes ou des représentations du personnel enseignant à son sujet dans une perspective idéologique.

Or, comme le rappelle Fullan, expert des réformes éducatives, « le changement éducatif dépend de ce que les enseignants font et pensent – c’est aussi simple et aussi complexe que cela ».

Par Marion Deslandes Martineau, Chercheure UNESCO Chair in Curriculum Development, Université du Québec à Montréal (UQAM); Isabelle Gauvin, Professeure titulaire, Université du Québec à Montréal (UQAM), et Patrick Charland, Professeur titulaire, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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