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Dans sa plus récente chronique, notre collaborateur Marius Bourgeoys invite à « laisser aller » pour mieux s’ouvrir aux opportunités et au changement. Il souligne que le contrôle excessif freine l’innovation et l’évolution, tant en éducation qu’en leadership. En apprenant à faire confiance et à accueillir l’inconnu, il devient possible d’explorer de nouvelles perspectives et de créer un impact plus grand.
Temps de lecture estimé : 9 minutes
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Table des matières

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Par Marius Bourgeoys, coach en éducation

Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler de « laisser aller ». Je ne sais pas si vous faites ça dans votre coin, mais ici, au printemps, on fait le ménage. On sort les vieilles affaires, les « grosses vidanges » s’en viennent. On vide le garage, la maison… on fait de la place.

Et parfois, cette place, ce n’est pas pour y mettre quelque chose de neuf tout de suite. C’est juste… pour respirer.

Il y a des choses qui prennent de la place dans nos vies. Physiquement, mentalement, émotionnellement. Et en éducation, c’est la même chose.

Une chaise, une époque

L’autre matin, je prenais mon café avec ma conjointe – c’est notre rituel du matin, on se raconte notre chemin. Nos enfants sont dans la vingtaine maintenant. Et parfois, on se surprend à souhaiter qu’ils aient encore 3, 4, 5 ans. Juste pour une journée. Vous connaissez ça?

Ça m’a ramené à une histoire. Une histoire toute simple, mais qui, à mes yeux, dit tout sur ce qu’on vit en éducation. Et sur ce qu’il faut peut-être apprendre à laisser aller.

Quand on a commencé notre vie ensemble, on avait reçu une vieille chaise en velours rose de mon grand-père. Un genre de Lazy Boy. Chaque fois qu’on regardait un film avec les enfants – souvent un DVD – ils s’installaient sur les accoudoirs, moi dans le centre. C’était notre cocon.

La chaise avait ses défauts. Une vis tombait toujours. Il fallait la replacer pour la stabiliser. Mais elle faisait le travail. Et elle avait une valeur que seuls les souvenirs peuvent donner.

Puis, un jour, on a décidé de la remplacer. C’était le printemps. On l’a sortie au chemin pour les grosses vidanges. Et mon fils, Xavier, 3 ou 4 ans à l’époque, m’a accompagné.

Je lui ai dit : « On dit bye à notre vieille chaise? »

Moi, j’étais dans un élan positif. Fier, même. On allait en acheter une nouvelle. Plus belle. Plus confortable. Plus solide.

Mais Xavier est resté debout, figé dans l’entrée. Il regardait la chaise… et s’est mis à pleurer.

Je lui ai demandé ce qui n’allait pas. Et il m’a dit, les yeux pleins d’eau : « Ben pop… c’est NOTRE chaise. »

Ce moment-là, en l’écrivant, m’émeut encore aujourd’hui.

Parce qu’il me rappelle que laisser aller, c’est profondément émotif.

L’éducation a sa chaise rose

Partout en éducation, on cherche à améliorer les choses. Et le seul véhicule connu, systémique, pour le faire… c’est la collaboration.

Mais collaborer, ça demande du courage. Parce que pour avancer ensemble, il faut souvent laisser aller des morceaux de soi, des habitudes, des réflexes, des histoires qu’on connaît. Même si elles nous ont été utiles.

Et ce n’est pas toujours clair. Parfois, on se lance dans une démarche collaborative sans avoir la chaise neuve en vue. On ne sait pas encore ce qu’on va construire. On avance dans l’incertitude.

Mais il y a là une victoire silencieuse : poser une action malgré l’incertitude. Oser avancer sans avoir toutes les réponses. C’est un des coûts de l’innovation.

Et ce que je réalise de plus en plus, c’est que la meilleure version de soi-même n’est pas quelque chose qu’on fabrique… c’est ce qui reste quand on arrête de porter tout ce qui nous empêche de briller.

Ce n’est pas du développement professionnel. C’est du dépouillement professionnel.

Vous avez déjà en vous une lumière. Une raison d’être. Ce qu’il faut, c’est enlever les filtres. Laisser aller ce qui vous limite. Ce qui vous retient.

Et si cette chaise rose, c’était l’histoire que vous vous racontez?

Cinq histoires à déposer pour avancer ensemble

Si on veut progresser en équipe, on doit regarder en face ce qu’on traîne. Ce qui nous freine. Ce qu’on pourrait choisir de déposer.

Voici cinq histoires que je vous invite à revisiter. À votre rythme. Sans pression, Surtout avec bienveillance envers vous-même.

1. L’histoire que je me raconte à mon sujet

Est-ce que je suis à ma place? Est-ce que j’ai ce qu’il faut? Est-ce que j’ai fait le tour?

Ces pensées, je les entends souvent. Et elles sont humaines.

Mais elles prennent racine dans des histoires qu’on se répète. Des définitions qu’on s’est données. Et comme le dit Tony Robbins : « L’humain cherche à rester cohérent avec la manière dont il se définit. »

Alors, si je me dis que je ne suis pas techno, que mes élèves ne m’écoutent pas, que mes collègues ne me comprennent pas… je me crée un plafond. Une chaise bancale à laquelle je m’attache.

Quelle histoire vous vous racontez? Est-ce qu’elle vous élève… ou vous garde petit?

2. L’histoire que je me raconte à propos de mes collègues

Un soupir. Un regard. Une réaction. Et on interprète. On se fait une idée de l’autre. Une idée qui devient un filtre.

Mais si on faisait plutôt le choix de « présumer de bonnes intentions »?

Dans Unreasonable Hospitality, Will Guidara le dit si bien : «Make the charitable assumption».

Chaque fois qu’un collègue partage une idée, c’est sa meilleure idée à ce moment-là. Peut-être qu’elle vous déroute, mais c’est ce qu’il a à offrir.

Et derrière chaque collègue, il y a une histoire, un défi, une fatigue qu’on ne voit pas toujours.

Alors, est-ce que l’histoire que vous vous racontez sur vos collègues vous permet de bâtir un « ensemble »… ou vous pousse à vous refermer?

3. L’histoire que je me raconte à propos des jeunes

Qu’est-ce que je pense vraiment de mes élèves? Est-ce que je me réjouis en survolant ma liste de classe… ou est-ce que je soupire?

On entend parfois des propos durs. Des jugements qui, sans qu’on s’en rende compte, définissent comment on aborde nos jeunes.

Et si on parlait plutôt de leur potentiel? De leur lumière? De ce qu’on pourrait éveiller en eux?

Les cellulaires, les distractions, oui. C’est réel. Mais on peut choisir : gérer ou élever.

Quel regard portez-vous sur les jeunes d’aujourd’hui? Est-ce un regard qui les limite… ou qui les soutient?

4. L’histoire que je me raconte à propos de l’éducation

Il y a tant de choses qu’on ne contrôle pas. Les décisions ministérielles, les structures, les contraintes…

Mais ce qu’on contrôle, c’est comment on se présente. Chaque jour.

Votre posture. Votre langage. Vos gestes. Ça, c’est votre pouvoir d’action.

Et si vous passiez moins de temps à parler de ce que vous ne contrôlez pas, et plus de temps à agir sur ce que vous pouvez transformer dans l’ici et maintenant?

Est-ce que l’histoire que vous vous racontez vous rend impuissant… ou vous propulse?

5. L’histoire que je me raconte à propos de l’IA

L’IA fait peur à bien du monde. Et je le comprends.

Mais si l’histoire que vous vous racontez à son sujet est une histoire de catastrophe… vous vous bloquez.

Il y a des défis bien réels, oui. Mais l’IA va faire partie de notre réalité autant que l’électricité. Ce n’est pas une mode. C’est une transformation profonde.

Alors, vous pouvez choisir : soit vous restez figé, soit vous explorez avec curiosité. Pas pour devenir expert. Juste pour rester pertinent et capable de discernement. C’est comme important.

La chaise rose autour de la table

Dans chaque école, autour de chaque table, il y a du neuf… et il y a une chaise rose.

Il y a ce qu’on veut construire. Et il y a ce qu’on hésite à déposer.

Collaborer, ce n’est pas seulement partager les nouveautés excitantes. C’est aussi écouter les deuils à faire. Les résistances, les hésitations, les insécurités… les besoins humains menacés.

Ce qu’on veut laisser aller, ce n’est pas ce qui est vieux. C’est ce qui ne nous propulse pas ou plus. On enlève le «handbrake» dans notre tête.

Quelle histoire avez-vous envie d’écrire?

Toutes ces histoires qu’on se raconte peuvent devenir des freins. Elles nous gardent dans notre chaise rose, celle qui tient avec une vis bancale, qu’on connaît par cœur et qui nous donne l’illusion d’être en contrôle.

Et pourtant, il y a tellement plus qui nous attend. Il suffit parfois de faire un peu de place.

Lorsqu’on laisse aller les histoires qui nous freinent, qui nous empêchent d’avancer, on s’ouvre au champ des possibles.

Alors, mes très chers collègues… si on transformait l’éducation en transformant les histoires qu’on se raconte?

Quelle histoire avez-vous envie de raconter? Quelle histoire avez-vous envie d’écrire avec votre équipe?

Je vous laisse penser à ça.


Cette chronique a d’abord été publiée sur le blogue de l’auteur. Elle est reproduite ici avec sa permission.

Découvrez d’autres chroniques de Marius Bourgeoys sur son blogue Tout le monde est un leader.

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