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Les jeunes adultes en situation de vulnérabilité pendant et après le confinement

Comment passer à l’enseignement à distance avec des élèves en grande difficulté scolaire et sociale? Marie-Christine Poulin et Candice Wu, de l'organisme Déclic, témoignent des défis qu’elles ont rencontrés pour rejoindre leur clientèle, composée de jeunes adultes, lors du confinement.

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Comment effectuer le passage vers l’enseignement à distance avec des élèves en grande difficulté scolaire et sociale? Entretien avec Marie-Christine Poulin, coordinatrice des services éducatifs, et Candice Wu, psychopédagogue à l’organisme Déclic, qui offre aux jeunes adultes (16-25 ans) en difficulté un accompagnement pédagogique adapté ainsi que plusieurs services psychosociaux.

Documenté par Marjorie Vidal, chercheure postdoctorale à l’UQAM.

La transition vers l’enseignement à distance : une transition rapide, mais pas si simple

À la question de savoir comment s’est passée la transition vers l’enseignement à distance au printemps 2020 en raison de la COVID-19, les deux interviewées répondent d’une seule et même voix : « difficile ». Si Marie-Christine et Candice se sont « rapidement tournées sur un dix cents » (elles étaient prêtes une semaine après la fermeture des écoles), un des problèmes principaux a été le flottement qui a suivi le confinement.

Candice Wu (CW) : « Ça a été difficile parce qu’une impression de vacances s’est installée rapidement. Pendant un mois, cela a été silence-radio notamment avec les élèves les plus en difficulté; les plus anxieux(ses), ceux et celles pour qui le fait de venir à l’école représentait déjà un défi avant la pandémie. Pour eux, le fait de rester enfermé chez soi sans avoir à donner de nouvelles est rapidement devenu confortable. Trop confortable, il semblerait. Avant la pandémie, les jeunes étaient contraints de sortir pour venir à Déclic ou pour utiliser les services d’une autre école ou d’un autre organisme. Le confinement a renforcé leur tendance à l’isolement et au repli sur soi. »

Marie-Christine Poulin (MCP) : « Pour beaucoup de nos élèves, au départ, c’était sécurisant de rester à la maison, de ne pas avoir besoin de sortir, de se confronter et d’éviter les sources de stress… La maladie en tant que tel les a stressés. Mais le fait de rester à la maison, pour beaucoup, au début, ça n’a pas posé de problème. »

CW : « Jenny, par exemple, n’est pas sortie de chez elle pendant au moins trois semaines (peut-être plus). Elle est restée avec son père et son chien, qui faisait ses besoins à l’intérieur. La famille avait peur de se contaminer, le père étant susceptible de développer des complications s’il attrapait la COVID. Plusieurs élèves ne voulaient pas mettre le nez dehors de peur d’attraper le virus… Quand ils se sont rendu compte que l’isolement durait, certains se sont mis à paniquer et ont eu besoin d’aide. Ces élèves se sont tourné(e)s de nouveau vers nous (Déclic), mais cette fois sous des modalités différentes puisque l’essentiel des services devaient se donner à distance.

« D’autres obstacles ont surgi, et j’avoue avoir trouvé ça fatiguant dans un premier temps. C’était exigeant sur le plan physique et mental, j’ai trouvé difficile de garder l’énergie pour « me créer une bulle »; trouver un endroit où travailler, s’assurer d’avoir le matériel, apprendre à utiliser certains outils TIC, trouver un moment dans la journée propice au télétravail et des moments pour travailler seule, réaliser les travaux… »

Les obstacles lors de la transition : « repartir la machine »

Plusieurs obstacles se sont dressés sur la route de la transition vers l’enseignement à distance. Marie-Christine et Candice ont dû repenser entièrement les modalités d’intervention pédagogique qui n’étaient pas adaptées à cette nouvelle réalité, notamment pour des élèves en situation de vulnérabilité. Elles ont ainsi dû anticiper les difficultés et en premier lieu, planifier le rattrapage.

MCP : « La routine est importante auprès de ces élèves, elle était établie depuis un certain temps à Déclic. Plusieurs avaient déjà commencé à consolider leurs acquis au niveau des savoir-faire, mais également des savoir-être. Avec la coupure, il a fallu parfois recommencer à zéro. 

« L’accès et le maniement des outils technologiques font également partie des obstacles rencontrés. Ni l’un ni l’autre n’étant garanti avec la réalité de ces élèves. 

« Plusieurs de ces élèves n’ont accès à internet que sur leur téléphone et souvent ils n’ont plus de données. On pense qu’ils sont bons avec la technologie, mais dès qu’ils doivent se connecter à des programmes, des logiciels, ou simplement envoyer un courriel ça devient difficile. Il faut tout leur apprendre, mais il faut pouvoir les joindre d’abord… »

CW : « Il faut s’assurer d’abord s’ils sont capables de s’inscrire, de se connecter, de comprendre le fonctionnement d’un logiciel pour pouvoir s’orienter sur des plateformes comme Google Classroom. Il y a ensuite toutes les compétences générales, indispensables pour pouvoir enseigner et apprendre à distance. Par exemple, le fait d’organiser son emploi du temps, de s’y conformer (comme Mathias qui ne pouvait pas utiliser son ordinateur certains jours parce qu’il le partageait avec sa mère). Se connecter à l’heure, respecter les échéances dans la remise des travaux, mais aussi toutes les compétences plus techniques à prévoir comme le partage d’écran ou la mise en page des travaux, etc. 

« Les élèves n’avaient pas besoin de TIC quand on pouvait faire du présentiel. Là c’est autre chose, ils sont tout seuls devant leur ordinateur.

MCP : « Parallèlement aux aspects techniques, d’autres questions ont émergé au fur et à mesure de cette transition : comment maintenir la motivation des élèves, alors qu’ils sont chez eux, qu’il commence à faire beau, que c’est l’été et qu’ils ne veulent pas s’engager? Comment rentrer chez le jeune à distance, gentiment, sans s’imposer? Comment peut-on créer un lien sur le mode virtuel? La création de ce lien dépasse d’ailleurs la simple relation enseignant-élève. Elle concerne plus largement toutes les personnes impliquées dans l’équipe, puisque leurs relations sont également affectées par la distance. À Déclic, il a fallu redéfinir et transformer complètement la dynamique de travail. 

« On a réalisé qu’il fallait se voir tous les matins et parfois en après-midi en sous-équipe. En temps normal, on travaille plus individuellement, notre espace de bureau est ouvert, ça se règle vite. À distance, la dynamique est différente, on gère les choses par courriel, mais il faut quand même se voir pour s’assurer que c’est réglé. »

Pour Marie-Christine et Candice, la rapidité avec laquelle l’équipe de travail s’est adaptée à cette nouvelle modalité a constitué un véritable levier pour faciliter la transition.

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