ChatGPT et autres outils d’intelligence artificielle comme DALL·E 2, Jenni AI ou Perplexity, sont bel et bien là pour rester (et nous n’avons encore rien vu!) Alors, aussi bien s’y intéresser, les apprivoiser et les utiliser pour des tâches à valeur ajoutée. C’est le message qui est ressorti du panel de discussion tenu sur le sujet dans le cadre de la Semaine de la FAD.
Des professionnels des différents ordres d’enseignement avaient été réunis par Yves Munn, conseiller pédagogique et chargé de projets pédagonumériques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Comme il l’a mentionné au cours de la discussion, le sujet de l’accélération de la présence de l’intelligence artificielle en éducation est planétaire. « Tout le monde se pose les mêmes questions en ce moment. »
C’est ainsi que le mot d’ordre lancé par Éric Cloutier, conseiller technopédagogique au Cégep de Thetford, est le suivant : « On va devoir échanger et collaborer pour bien comprendre les outils et apprendre à les utiliser ».
Si pour plusieurs, le réflexe premier est de vouloir bannir les outils d’intelligence artificielle des milieux scolaires en bloquant les accès et en mettant en place diverses méthodes de contrôle contre le plagiat, cette réponse n’est pas viable à long terme. « Il faut aller au-delà de la crainte et de la tricherie potentielle », a dit Sylvain Duclos, enseignant de mathématiques au secondaire.
« Nous sommes dans une période de transition. Il faut dédramatiser les choses. Dans les années 1990, nous avons appris à interroger les moteurs de recherche et à chercher sur Internet. Aujourd’hui, développons des compétences pour poser les bonnes questions et même dialoguer avec les intelligences artificielles. Il ne faut pas faire semblant que ça n’existe pas. Il faut en parler », a renchéri Éric Cloutier.
« C’est comme un super-pouvoir que tout le monde apprend à utiliser en même temps. »
– Vincent Laberge, participant dans le clavardage.
Tester et s’adapter
Claudine Bonneau, professeure au département d’analytique, opérations et technologies de l’information à l’École des sciences de la gestion (ESG UQAM), a déjà mis ChatGPT à l’épreuve à quelques reprises. « Il faut se mettre en mode test et collectionner des exemples de ce qui fonctionne (ou non). Personnellement, j’ai passé mes questions d’examen dans l’outil et je les ai ajustées par la suite », dit-elle.
Au sujet de la capacité de rédaction de ChatGPT, elle affirme qu’« il est crédible, mais sans plus. Il faut se méfier des références erronées qu’il donne ». Ce constat l’a amené à tester l’outil avec ses étudiants en guise de rétroaction à un travail qu’ils venaient de produire. Avec ceux-ci, elle a questionné ChatGPT afin d’analyser la réponse qu’il allait donner au même travail que les élèves avaient complété.
« Cela a permis de constater que la délégation de tâches ne peut pas se faire sans vérification humaine. Et pour faire la vérification, ça prend des compétences préalables. Autrement, on se laisse berner. Le jugement critique et les connaissances générales restent indispensables. On ne peut pas déléguer tout le boulot. »
« C’est comme lorsqu’on utilise un outil de géolocalisation (GPS). Il est toujours bon de vérifier quand même le trajet proposé. Il faut développer ses compétences en même temps qu’on l’utilise », a imagé Jonathan Durand Folco, professeur adjoint à l’École d’innovation sociale Élisabeth-Bruyère à l’Université Saint-Paul, à Ottawa.
Des exemples concrets
Tout au long de la discussion, les panélistes ont apporté plusieurs exemples d’utilisation potentielle de ChatGPT en particulier. Par exemple, Sylvain Duclos a fait valoir que le personnel enseignant aurait avantage à s’en servir comme aide à la création de contenu.
Il est aussi possible d’utiliser les outils pour créer des tâches pertinentes et engageantes à faire avec les jeunes :
1- Générer un champ lexical, demander à ChatGPT de rédiger le type de texte souhaité, analyser le résultat en groupe.
2- Demander à ChatGPT de rédiger l’introduction d’un récit et de suggérer des péripéties pour les élèves.
3- Interroger l’outil avec des questions de types évaluations ministérielles et analyser les réponses pour déceler les erreurs et montrer les réponses attendues.
Éric Cloutier a présenté l’exemple de Julien Martineau, conseiller pédagogique à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec, qui a testé l’outil pour la rédaction d’un poème. Julien présente la démarche complète qui a fait passer un poème qui n’aurait pas eu la note de passage à une œuvre valable.
De son côté, Caroline, qui donne des cours exclusivement à distance, a fait des suggestions d’adaptation possible aux tâches demandées aux élèves : mise en contexte très spécifique, lien direct avec la matière vue en classe, lien avec l’actualité très récente, exemple tiré de l’expérience personnelle ou professionnelle des étudiants. Dans tous les cas, l’originalité et la créativité dans la réponse deviennent aussi des critères d’évaluation.
À celles et ceux qui continuent de proposer des questionnaires à choix multiples (QCM) (souvent pour automatiser la correction), elle suggère d’ajouter un champ de texte où l’étudiant doit justifier son choix de réponse. « Le changement ne se fera pas sans efforts, cela demande du temps. Il faut y aller à petits pas », dit-elle. Les QCM pourraient être réservés à des cours en présence où l’on veut tester des apprentissages rapidement.
Et l’évaluation alors?
Évidemment, l’énoncé de ces exemples a fait bifurquer la discussion vers la question de l’évaluation. Selon Sylvain Duclos, la solution réside dans la diversification des traces d’apprentissage qui sont récoltées par les enseignants. « Évaluer le processus de production, rencontrer les élèves, les observer, cela est beaucoup plus représentatif du potentiel de chacun. »
Ces propos ont été appuyés par les autres panélistes. « Collectionner les traces », a soutenu Éric. « Revenir tous en classe, avec des examens papier et crayon, n’est pas la solution. Il faut arrêter d’être prévisible dans les questions », a souligné Jonathan. « Attention aux décisions unilatérales qui seraient prises par un département ou une institution. Il ne doit pas y avoir de “one size fits all”. Il faut plutôt se donner des moyens pour faire évoluer les évaluations. On n’a pas à ramener tout le monde en présence », a conclu Claudine.
En conclusion, les panélistes ont tous rappelé qu’il revient à chacun de trouver sa façon personnelle de s’approprier les nouveaux outils. Les changements sont rapides et constants, ces outils deviennent des incontournables, mais il faut aussi se donner le temps de les explorer.
D’ailleurs, ils ne doivent pas faire oublier que l’éducation, c’est d’abord et avant tout une relation humaine qui fait vivre une expérience d’apprentissage. Cela va demeurer, estiment-ils, malgré les technologies présentes et à venir.
En complément :
Revoyez le panel de discussion au complet.
Écoutez une entrevue réalisée par Maxime Pelchat de CADRE21 avec Yves Munn.
Aussi :
- Un exemple de charte qui peut être mise en place dans un cours.
- Lire l’article paru dans les Actualités UQAM : La révolution ChatGPT
« Par rapport à l’enseignement supérieur, il s’agit d’une révolution magistrale», croit la professeure du Département de marketing de l’ESG UQAM Sandrine Prom Tep, qui s’intéresse aux robots conversationnels depuis leur apparition. «C’est équivalent à l’arrivée d’internet en ce qui a trait à ce que cela va changer dans nos habitudes. Cela va révolutionner notre quotidien tel qu’on le connaît. »
- Pour poursuivre la réflexion sur la collecte de traces d’apprentissage, voyez le numéro d’hiver 2022-2023 du magazine École branchée.