Un hacker, est souvent perçu comme un criminel virtuel. Pourtant, on dit que les hackers sont les héros de la révolution informatique. Grâce à eux, on a notamment dû repousser les limites de la sécurité. Le hacker dont nous parlerons ici répond plutôt à la définition exprimée par le site HackerOuverts.fr : toute personne curieuse du fonctionnement des objets qui l’entourent, et qui vise à exploiter au maximum leurs capacités pour le plaisir de ses propres réalisations. Rien à voir avec un bandit!
Aujourd’hui, un courant mondial appelé hackerspace propose à des gens de se réunir dans un endroit commun pour travailler sur leurs projets tout en échangeant et partageant avec d’autres hackers, dans une atmosphère informelle. L’essence de ces projets n’est pas de tenter d’accéder aux fichiers secrets du FBI, ni de frauder les clients de la librairie Amazon! Les nouveaux hackers se concentrent sur la résolution de problèmes concrets dont plusieurs bénéficieront directement à la communauté, comme le montre la liste des projets actifs sur le site Hackerspaces.org.
Et qu’est-ce que l’école a à voir dans tout ça? Une partie de la réponse réside dans la définition même du hacker : il ne possède pas nécessairement la connaissance, mais il maîtrise les compétences qui lui permettront d’obtenir la connaissance au moment où celle-ci sera nécessaire. C’est ce qu’un père « geek » a écrit sur son blogue dans un article assez déroutant pour les néophytes, « Why I want my daughter to be a hacker » (Pourquoi je veux que ma fille soit une hacker). Il indique qu’un hacker est simplement quelqu’un qui aime découvrir et faire les choses par lui-même. Il donne quatre raisons pour lesquelles il souhaite que sa fille en soit une :
1. Les hackers préconisent les petites communautés, donc l’indépendance des systèmes sociaux qui visent la généralisation.
2. Les hackers développement avant tout leurs compétences, pas tant leurs connaissances.
3. Les hackers peuvent « hacker » non seulement l’électronique, mais tout. Par exemple, la chaîne de distribution alimentaire en plantant un jardin, la dépendance à l’électricité en installant des panneaux solaires, etc.
4. Les hackers préfèrent des outils ouverts et libres, pour s’assurer qu’ils seront disponibles pour les générations à venir.
Quant aux hackerspaces, apprendre et partager sont leurs objectifs principaux. Cela ressemble à s’y méprendre au socioconstructivisme. C’est l’approche par compétences appliquée de façon concrète.
Les animateurs du RÉCIT de la mathématique, des sciences et de la technologie, Pierre Couillard et Pierre Lachance, travaillent déjà dans l’esprit hackerspace même s’ils ne connaissaient pas bien ce courant lorsque nous leur avons parlé. Ils partent des applications qui existent et les adaptent pour atteindre les objectifs pédagogiques qu’ils ont en tête.
D’ailleurs, Pierre Lachance fait remarquer que cet esprit traduit bien la raison d’être des RÉCIT nationaux et locaux : les animateurs repèrent des contenus et des logiciels (libres, principalement) qu’ils adaptent, exploitent, créent ou partagent pour répondre aux besoins. « Les contributions que nous avons faites à différents projets ont toujours comme but l’amélioration/adaptation d’un produit qui, selon nous, a un potentiel éducatif signifiant pour le réseau scolaire québécois, » explique Pierre Couillard. Quelques exemples : mise en place du WikiniMST, déploiement de SPIP, création d’une ligne du temps en univers social, traduction du logiciel libre Geogebra et de l’application Scratch du MIT, Geometria, etc.
Pierre Lachance estime que « l’école a beaucoup à gagner à collaborer à la construction d’expertises/contenus et à le partager avec une licence libre, c’est-à-dire qui permet aux autres de reprendre le travail, le modifier, et le redistribuer. »
Former des hackers
Maintenant, il faudrait voir comment transporter cette façon de faire jusqu’aux élèves dans nos écoles.
En France, Thomas Maillioux, enseignant documentaliste, a tenté l’expérience du hackerspace au cours de l’année scolaire 2010-2011 avec les élèves du Collège Évariste Gallois. Ce sont les jeunes qui l’ont approché en raison de sa réputation de bricoleur. Ainsi, deux heures chaque semaine, des élèves et lui se rencontraient et tentaient ensemble de répondre à leurs questions concernant les ordinateurs, l’électronique, la programmation et les jeux vidéo.
Ce qui a fait le succès de ce hackerspace, c’est que les projets étaient choisis par les élèves eux-mêmes et qu’ils n’étaient pas évalués. Fait très important, dans la philosophie hackerspace, on redonne sa place à l’erreur comme faisant partie intégrante du processus d’apprentissage. « La possibilité pour les élèves d’expérimenter sans être notés, de se tromper dans la programmation d’une ligne de code, de griller un composant électrique ou de ne pas faire fonctionner un circuit leur laissait tout simplement plus de liberté de tâtonner et de se tromper — d’apprendre par l’erreur », explique M. Maillioux en entrevue avec l’Infobourg.
Comment mettre en place un hackerspace à l’école? Thomas Maillioux suggère aux adultes instigateurs de rencontrer de « vrais » hackers pour se familiariser avec le type d’ambiance qui y règne. Ainsi, ils seront outillés pour l’entretenir lorsque des élèves voudront se lancer dans l’aventure. Il suggère aussi de se préparer à apprendre des élèves. « Certains jeunes ont été très surpris de me voir prendre des cours de modélisation 3D sur un logiciel avec l’un d’entre eux. Loin de menacer mon “autorité d’enseignant”, cela leur a permis de me faire confiance et de me voir comme “un des leurs”, donc d’avoir moins peur de faire des erreurs devant moi », raconte-t-il.
À son avis, les méthodes de travail inhérentes au concept de hackerspace, soit la possibilité de travailler en groupe sur des projets, la capacité de partager ses propres expérimentations, la possibilité de pousser les recherches déjà effectuées par quelqu’un d’autre et la possibilité de jouer le rôle de l’enseignant de temps en temps, peuvent être bénéfiques pour certains élèves dans toutes les écoles.