Depuis l’automne 2024, notre équipe suit attentivement les travaux de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes (CSESJ). Ceux-ci permettent aux députés membres de la commission d’entendre des spécialistes de l’éducation, de la santé et des services sociaux, de la sécurité publique, du droit et du numérique.
Les technologies comme outil pour transmettre la culture
Lors de leur passage devant les membres de la Commission, Bruno Rock, coordonnateur des projets éducatifs, et David Vigneault, conseiller pédagogique en technologies au Conseil en éducation des Premières Nations (CEPN), ont présenté un véritable plaidoyer en faveur de l’usage des technologies à des fins pédagogiques dans les écoles. Selon eux, les technologies représentent des outils indispensables pour participer à la transmission des cultures autochtones.
« Aucun matériel scolaire n’est produit en langues autochtones. Les technologies offrent la possibilité de développer et d’amener du contenu éducatif pertinent en salle de classe, que ce soit des comptines pour les élèves de maternelle en mi’kmaq ou un dictionnaire de la langue wendat », a fait valoir David Vigneault.
Organisme relevant du gouvernement du Canada, le CEPN soutient les écoles de l’ensemble des communautés autochtones situées sur le territoire québécois, représentant environ 6 000 jeunes répartis dans 20 communautés. Il prône un accès aux services et aux outils technologiques adaptés aux réalités culturelles et linguistiques des Premières Nations.
Tout au long de leur présentation, Bruno Rock et David Vigneault ont insisté sur le fait que les écrans devraient toujours être considérés comme des outils d’aide à l’apprentissage. Ils sont d’avis que « le rôle de l’école est de montrer le bon côté des technologies aux jeunes et de les encourager à adopter de bons comportements ». Trop souvent, les écrans sont perçus uniquement comme des moyens de divertissement par les jeunes. Il faut donc leur enseigner qu’ils ont aussi une valeur éducative.
Ils ont donné plusieurs exemples d’écoles où des initiatives numériques permettent de maximiser les impacts positifs des écrans, comme à Wendake et à Lac Simon. Mise en place d’une classe-musée et enregistrement de la mémoire des aînés afin de préserver la culture et l’identité des Premières Nations sont parmi les exemples présentés. Également, le CEPN a développé le portail Les voix du territoire qui présente des ressources fiables, montrant les réalités et perspectives des Premières Nations et des Inuit du Québec.
Concernant l’interdiction des téléphones cellulaires en classe, les représentants du CEPN ont rappelé que cette décision appartient à chaque école et à chaque communauté. Certaines écoles ont déjà mis en place des restrictions, tandis que d’autres ont opté pour une approche plus flexible. Dans tous les cas, ils ont encouragé les membres de la Commission à ne pas limiter le temps d’écran dans le cadre scolaire lorsque celui-ci est pertinent. « Par contre, le temps d’écran bonbon devrait être une exception. »
Former les enseignants pour une meilleure intégration du numérique
Pour assurer une intégration efficace des écrans en milieu scolaire, la formation des enseignants est essentielle. « Des outils techno bien utilisés à l’école, ça passe par la formation aux enseignants. Plus ils seront aptes à les utiliser, mieux ces outils seront exploités pour l’apprentissage », a soutenu David Vigneault. Par ailleurs, il a indiqué que de plus en plus d’écoles se tournent vers lui pour obtenir de l’aide pour élaborer leur propre politique d’utilisation des écrans.
Finalement, selon lui, il ne faut pas oublier que l’usage des écrans ne se limite pas à l’école; il s’inscrit dans un contexte plus large, où l’environnement familial joue un rôle central. L’éducation aux usages numériques devrait donc aussi s’adresser aux parents, qui exercent une influence majeure sur les habitudes de leurs enfants. Le CEPN serait favorable à diffuser un guide de bonnes pratiques pour les familles, en y ajoutant un volet spécifique aux réalités des Premières Nations.
Campagne de sensibilisation et évaluation de la compétence numérique
Dès le début de son témoignage, Patrick Giroux, professeur en technologies éducatives et responsable du Laboratoire de formation et de recherche sur la littératie numérique à l’Université du Québec à Chicoutimi, est allé d’une déclaration choc : « Ce n’est plus à l’école le problème des écrans. Le temps d’écran à l’école est sous contrôle. On vous propose de vous concentrer sur les parents. Ils sont très importants dans le développement des habitudes des jeunes et, pour l’instant, on ne les supporte pas beaucoup ».
Pour rejoindre efficacement les parents, il a proposé de grandes campagnes de sensibilisation dans l’ensemble du Québec. Il a cité en exemple les programmes comme ParticipACTION et le Défi Pierre Lavoie : « On a déjà réussi au Québec à déployer des mesures ciblées et porteuses. On l’a déjà fait. Il faut juste s’asseoir et vouloir le faire pour réussir une vraie sensibilisation aux usages numériques dans la société. » Pour que ce type de campagne réussisse, « il faut être convaincu que c’est important » a-t-il précisé. « Autrement, on ne pourra pas progresser. » Il a notamment suggéré que les milieux communautaires (ex. Maison des jeunes) proposent davantage d’activités sans écran aux jeunes.
Concernant l’usage des technologies à l’école, il propose d’aller plus loin en définissant mieux la compétence numérique pour favoriser des intégrations utiles des outils. Au-delà du cadre de référence de la compétence numérique déjà existant, lui et ses collègues proposent deux mesures clé :
- rendre obligatoire l’évaluation de la compétence numérique à des moments précis du cheminement scolaire;
- publier une progression des apprentissages attendus.
L’objectif serait d’offrir au personnel enseignant un cadre clair pour développer la compétence et assurer une meilleure équité entre les élèves. Actuellement, plusieurs établissements élaborent leurs propres référentiels à l’interne, ce qui entraîne des disparités entre les milieux scolaires. De plus, en l’absence d’une évaluation officielle, la compétence numérique risque souvent reléguée au second plan, alors que le marché du travail impose des attentes de plus en plus élevées en la matière.
« Maîtriser le numérique est aujourd’hui aussi fondamental que la lecture et l’écriture. Oui, les outils pédagogiques doivent avoir une plus-value quand ils sont utilisés. Mais, soyez honnêtes, qui n’a jamais utilisé le numérique dans notre société d’aujourd’hui? », a lancé le professeur Giroux.
Par ailleurs, au sujet de la gestion des écrans en dehors des cours, comme dans les corridors ou durant les pauses, il a expliqué que cela relève davantage de la gestion scolaire. « Avant le décret du Ministère, les écoles avaient le pouvoir d’intervenir pour réglementer l’utilisation des appareils, si elles ne l’ont pas fait avant, c’est ce que ce n’était peut-être pas la priorité », a-t-il laissé tomber.
Il a conclu en se disant « en défaveur de tout ce qui est contraignant et en faveur de la sensibilisation avant tout. Les efforts et les ressources devraient être mis là-dedans. Il ne faut pas que le débat actuel amène à nier les effets positifs du numérique. »
Miser sur l’éducation aux médias et encourager les comportements actifs
Lors de leur intervention, les représentants d’HabiloMédias ont plaidé pour une approche axée sur la littératie numérique et l’éducation aux médias, tant pour les jeunes que pour les parents et le personnel enseignant. Kathryn Ann Hill, la directrice générale de l’organisme, a souligné que le temps d’écran n’est pas nocif en lui-même : « Une approche nuancée permettra de guider les jeunes vers des usages plus positifs et conscients du numérique, en favorisant les interactions sociales, la créativité et les activités éducatives ». Elle a mis en garde les membres de la commission contre la tentation de « se précipiter vers des mesures restrictives ».
Marc-Alexandre Ladouceur, spécialiste en éducation aux médias pour l’organisme, a aussi insisté sur le fait qu’il est essentiel de responsabiliser les jeunes plutôt que de leur imposer des restrictions. En reconnaissant le « pouvoir de l’éducation aux médias » et en incluant cette thématique dans les cursus scolaire, les jeunes pourraient développer une consommation plus active des technologies. « L’éducation peut aider les jeunes à utiliser les plateformes de la bonne façon, ils pourront mieux choisir ce qu’ils partagent, gérer leurs paramètres de confidentialité, prendre conscience du fonctionnement des algorithmes, etc. L’éducation peut s’attaquer à la cyberintimidation et au piège de la comparaison dont sont victimes les jeunes en ligne. »
Les deux intervenants ont insisté sur le rôle des adultes, qui doivent s’intéresser aux activités numériques des jeunes et encourager des interactions significatives à travers le covisionnement et la conversation. « Il faut viser des temps d’écran social et participatif. » L’objectif n’est pas d’éloigner les jeunes du numérique, mais de leur donner les outils pour naviguer de manière sécuritaire et responsable.
Pour suivre les travaux de la Commission
- Accédez à la webdiffusion en direct sur le site de l’Assemblée nationale du Québec.
- Consultez la liste des organisations qui témoigneront ainsi que l’horaire sur cette autre page.
- Il est également possible de visionner les séances passées sur le site.
Au sujet de la Commission spéciale sur les impacts des écrans et des réseaux sociaux sur la santé et le développement des jeunes (CSESJ)
L’Assemblée nationale du Québec a créé cette commission parlementaire le 6 juin 2024 pour étudier les enjeux liés, entre autres, au temps que les jeunes consacrent aux écrans, aux mesures d’encadrement de ces derniers, notamment à l’école et sur le Web et à la cyberintimidation, y compris le partage de matériel sexuellement explicite.
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