Par Pascal Lapointe — Agence Science-Presse (www.sciencepresse.qc.ca)
Le premier réflexe des parents aurait peut-être été d’essayer d’immerger l’enfant dans un environnement validé, composé de sources fiables, afin de le tenir loin des influenceurs qui carburent aux fausses nouvelles. Mais il serait beaucoup plus profitable pour ces parents d’équiper le plus tôt possible leur enfant d’outils qui l’aideront à développer le réflexe d’évaluer les informations avec un regard critique.
Trois chercheurs américains en psychologie ont soumis 122 enfants à différents tests, dont un qui consistait à leur mettre entre les mains un livre numérique sur les animaux. Celui-ci comportait différentes affirmations, les unes vraies, les autres fausses (comme un zèbre composé de rayures rouges et vertes), mais dans des proportions différentes d’un enfant à l’autre.
Dans un autre test, on leur montrait un extraterrestre à trois yeux, puis une série des mêmes extraterrestres, mais avec des lunettes de soleil leur cachant les yeux. L’enfant se faisait demander si ces extraterrestres avaient toujours trois yeux, mais, avant de répondre, il avait la possibilité d’enlever les lunettes des personnages pour le vérifier.
Ce que les chercheurs ont constaté, c’est que les enfants qui avaient été soumis à un premier livre composé uniquement de vraies informations étaient moins enclins à vérifier avant de répondre à la question.
« Les enfants peuvent adapter leur niveau de scepticisme en fonction de la qualité de l’information qu’ils ont vue auparavant », affirme l’un des coauteurs, Evan Orticio, dans le communiqué de l’Université de Californie.
Ce projet s’inscrit dans une série de recherches récentes qui ont révélé que, aux États-Unis par exemple, un tiers des enfants de neuf ans ont déjà utilisé un réseau social. Et que des adolescents ont été confrontés à de la désinformation en santé sur TikTok quelques minutes à peine après avoir créé leur compte. Les empêcher d’être confrontés à des fausses nouvelles serait donc utopique.
Même des plateformes créées spécifiquement dans le but de les « protéger », comme YouTube Kids, ont été envahies depuis des années par des contenus « toxiques » et de la désinformation. De telles plateformes donneraient donc un faux sentiment de sécurité aux parents : ceux-ci s’imagineraient pouvoir contrôler la qualité de l’environnement numérique auquel seront exposés leurs enfants, alors qu’il serait plus avisé, du moins d’après cette recherche, de commencer très tôt à les aider à développer de bons réflexes.
L’étude est parue le 10 octobre dans la revue Nature Human Behaviour.
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