Lors de son passage récent en Belgique, l’École branchée a notamment pu rencontrer des membres du Service général du Numérique éducatif, au sein de l’Administration générale de l’Enseignement, de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Nous avons pu en apprendre plus sur les efforts déployés pour soutenir l’éducation des jeunes à l’ère du numérique.
En effet, depuis 2015, la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) s’est dotée d’un Pacte pour un Enseignement d’excellence, un « ensemble de réformes qui concerne tous les aspects de l’enseignement : le contenu des programmes, l’organisation des cours, la formation des enseignants, etc., de la maternelle à la fin du secondaire, avec comme objectif principal d’améliorer les résultats de tous les élèves ». Il vise notamment à aider l’école à s’adapter à la société du 21e siècle.
Ainsi, de nouveaux référentiels éducatifs remplacent peu à peu les anciens socles de compétences, programmes qui étaient en vigueur depuis 20 ans. Ces référentiels veulent moderniser et élargir les apprentissages, mettant davantage l’accent sur les langues modernes, l’éducation culturelle et artistique, l’éducation physique et la santé, ainsi que sur les compétences manuelles, techniques, technologiques et numériques. Ils sont conçus pour favoriser le développement citoyen des élèves et leur orientation positive, tout en veillant à ce que les apprentissages soient adaptés au rythme et aux besoins de chaque élève. Ils veulent rapprocher l’éducation des réalités du 21ᵉ siècle tout en conservant certains éléments pertinents des programmes précédents et en améliorant la clarté, la précision et la progressivité des apprentissages.
Les nouveaux programmes ont commencé à être déployés dans les établissements à partir de la rentrée 2022 pour les premières et deuxièmes années du primaire, puis ils seront étendus progressivement jusqu’en 2028 pour la troisième année du secondaire.
Un programme décliné en 5 domaines spécifiques et 3 domaines transversaux
Ainsi, on retrouve maintenant cinq « domaines spécifiques » et trois « domaines transversaux ».
Domaines spécifiques
- Domaine 1 : Français, Arts et Culture
- Domaine 2 : Langues modernes
- Domaine 3 : Mathématiques, Sciences et Techniques
- Domaine 4 : Sciences humaines, Éducation à la philosophie et à la citoyenneté, Religion ou Morale
- Domaine 5 : Éducation physique, Bien-être et Santé
Domaines transversaux
- Domaine 6 : Créativité, Engagement et Esprit d’entreprendre
- Domaine 7 : Apprendre à apprendre et Poser des choix
- Domaine 8 : Apprendre à s’orienter
Un référentiel avec un volet consacré au numérique
Le Domaine spécifique 3 concerne Mathématiques, Sciences et Techniques, et comprend trois référentiels : un en mathématiques, un en sciences et un qui regroupe Formation manuelle, technique, technologique et numérique (appelé FMTTN) et qui vise notamment à « assurer une littératie numérique à chaque élève ». Dans ce dernier référentiel, la formation manuelle, technique et technologique est considérée comme un volet distinct du volet numérique.
En résumé, voici où l’on trouve l’éducation au numérique :
- Domaine spécifique 3 : Mathématiques, Sciences et Techniques
- Référentiel en mathématiques
- Référentiel en sciences
- Référentiel Formation manuelle, technique, technologique et numérique (FMTTN)
- Volet Formation manuelle, technique et technologique
- Volet Formation numérique
Voici les grandes orientations des deux volets du FMTTN.
Profil de sortie
Le volet numérique du référentiel FMTTN est prévu pour être enseigné à partir de la 3ᵉ année du primaire. Il s’agit en fait d’une formation AU numérique, et non pas PAR le numérique. En effet, le numérique ne doit pas être considéré, dans le cadre de ce référentiel, comme une aide à l’enseignement, mais bien comme un objet d’apprentissage.
Le profil de sortie du tronc commun, c’est-à-dire en 3ᵉ secondaire, prévoit à cet effet que « l’élève disposera d’un bagage technique nécessaire à tout citoyen, à toute citoyenne, dans des situations de la vie quotidienne :
- chercher et traiter des informations et des données numériques;
- communiquer et collaborer dans un espace virtuel;
- créer du contenu numérique sous différentes formes;
- paramétrer son matériel numérique, assurer sa sécurité et celle des autres en ligne.
De plus, on souhaite que l’élève puisse prendre « conscience de l’impact social, économique et écologique de chacun de ses choix ».
Le volet numérique s’étend sur quatre champs évoqués ci-dessous. Il est prévu de mettre l’accent sur deux d’entre eux chaque année, sauf en première année du secondaire où les quatre sont au programme :
INFORMATIONS ET DONNÉES
- L’élève s’approprie progressivement les outils de recherche. Il est amené à élaborer des stratégies de recherche pertinentes et est initié au regard critique à porter sur les résultats obtenus, notamment en termes de fiabilité des sources.
- L’élève développe peu à peu son autonomie* dans l’organisation des informations et des données.
COMMUNICATION ET COLLABORATION
- L’élève communique et partage des contenus. Il apprend à collaborer avec ses pairs, au moyen d’un dispositif synchrone ou asynchrone, en tenant compte des dimensions informationnelle, technique et sociale propres aux médias numériques.
- Pas à pas, il devient autonome quant au choix et au paramétrage des outils utilisés.
CRÉATION DE CONTENUS
- L’élève traite numériquement des images et du son puis les combine pour créer des contenus multimédias. Parallèlement, il se forme progressivement au traitement de texte et au tableur.
- En abordant des notions de logigramme et de programmation, au travers d’exercices simples de lecture et d’écriture, l’élève développe sa pensée informatique et algorithmique.
- L’élève élabore des supports numériques de présentation.
- À la fin du cursus, il intègre ses acquis de création de contenus numériques au sein d’un travail collaboratif.
SÉCURITÉ
- Alors qu’il devient autonome dans l’usage des outils numériques, l’élève aborde des notions de sécurité au travers de la protection des données et des personnes. Il tend vers une utilisation sociale, citoyenne et éthique des médias numériques avec un minimum de risques.
Si tout va comme prévu, à la fin de sa 3ᵉ année du primaire, l’élève devrait savoir :
Informations et données
- Utiliser, adéquatement en contexte, les termes dont moteur de recherche, barre de recherche, navigateur.
- Utiliser, adéquatement en contexte, le terme Internet.
- Sélectionner un ou plusieurs mot(s)-clé(s) pertinent(s) pour effectuer une recherche.
- Utiliser un outil de recherche en suivant les directives de l’enseignant.
- Enregistrer un document localement.
- Rechercher une information au moyen d’un outil de recherche imposé, en utilisant une bibliothèque appropriée (images, vidéos…) et des mots-clés choisis collectivement.
Création de contenus
- Identifier les boutons donnant accès à la prise de son et d’image, à l’insertion de texte, à l’enregistrement de fichier.
- Utiliser les fonctions principales d’un outil, d’une application, d’un logiciel choisi par l’enseignant.
- Traiter une image (ex. : rogner, redimensionner, appliquer un effet, modifier la luminosité, le contraste).
- Utiliser un contenu médiatique, en respectant les droits de propriété de la personne physique ou morale à qui appartient l’image.
- Expliquer le principe de droit à l’image lié au consentement de la personne prise en photo.
- Produire un contenu médiatique simple (ex. : son, image, photo, vidéo, texte)
Et en 3ᵉ année du secondaire :
Communication et collaboration
- Citer un outil de partage en fonction de l’usage déterminé.
- Citer un outil de collaboration en fonction de l’usage déterminé.
- Utiliser, adéquatement en contexte, les termes dont réseau socionumérique, forum, blog, site, droit d’accès, propriétaire, accessibilité, historique, synchrone, asynchrone, en ligne, hors ligne, administrateur, exporter, environnement numérique de travail.
- Sélectionner un outil de partage en fonction de l’(des) interlocuteur(s).
- Paramétrer les conditions d’accessibilité du contenu partagé.
- Téléverser un contenu dans un environnement numérique.
- Déterminer un espace de stockage partagé approprié au contenu.
- Déterminer un espace de stockage partagé approprié au format.
- Sélectionner un outil de collaboration adéquat en fonction de l’(des) interlocuteur(s).
- Paramétrer les conditions d’accessibilité de l’espace collaboratif dont repérer le propriétaire/administrateur, qui est en ligne, qui est autorisé à modifier, utiliser les fonctions commentaire et suivi de modifications.
- Repérer, accepter et/ou refuser les interventions des collaborateurs.
- Revenir à une version antérieure du travail.
- Respecter les droits de propriété, dans des situations de communication et de collaboration.
- Respecter le droit à l’image et à la voix, dans des situations de communication et de collaboration.
- Respecter, dans un environnement numérique de partage et de collaboration, une nétiquette définie.
- Partager un contenu numérique.
- Collaborer sur un contenu numérique.
Création de contenus
- Utiliser, adéquatement en contexte, le terme plateforme.
- Définir le rapport de grandeur (≈ x 1 000) entre les différents préfixes (Ko, Mo, Go, To) de l’octet et les ordonner.
- Utiliser, adéquatement en contexte, le vocabulaire dont serveur, Web.
- Différencier Web et Internet.
- Citer des domaines d’activités numériques de géants de l’industrie numérique.
- Expliquer les concepts de veille technologique et de veille par la technologie numérique.
- Expliquer l’intérêt et les enjeux de l’Internet des objets connectés (Internet of Things [IoT]) et des Big Data.
- Exemplifier des usages de l’intelligence artificielle (IA).
- Utiliser conjointement des applications/des logiciels disponibles dans un espace collaboratif numérique en ligne.
- Produire et traiter des contenus multimédias de manière collaborative.
- Interroger/analyser le potentiel d’un algorithme (ex. : en matière d’intelligence artificielle [IA] et d’objets connectés [IoT]).
Vous êtes curieux des attentes pour les autres années? Ne manquez pas de consulter le document complet ici.
Et sur le terrain?
Comme dans toute réforme, le déploiement sur le terrain n’est pas immédiat ni uniforme; on s’attend à ce qu’il se fasse progressivement au cours des prochaines années, alors que le personnel enseignant se familiarise avec les nouveautés. Toutefois, des dispositifs de formation s’organisent pour soutenir celles et ceux qui les porteront auprès des élèves.
C’est notamment le cas de l’EduLAB, l’équipe du centre de compétence TechnoFutur TIC qui s’occupe du volet Enseignement. Elle offre cette année une formation qui s’étale sur 2 ou 3 journées complètes, permettant de non seulement prendre en main et comprendre le nouveau référentiel et ses enjeux, mais aussi de développer des compétences essentielles d’intégration de la FMTTN dans l’enseignement primaire : quels outils? quels projets? comment faire?
Les Hautes Écoles (lieux de formation initiale des enseignants) emboîtent le pas de la réforme en proposant dorénavant un programme sur 4 ans menant à un « master » (alors qu’il était auparavant de 3 ans, un « baccalauréat »), qui peut notamment être axé sur la FMTTN pour ceux qui se dirigent vers l’enseignement secondaire, comme dans cet exemple de la Haute École de Liège.
De plus, un jeu nommé Trivial FMTTN a été créé par Kathleen De Grove et Dorothée Pauls, enseignantes en formation initiale des instituteurs à la Haute École Albert Jacquard, pour familiariser les joueurs avec le référentiel. Il offre une série de questions portant à la fois sur la culture générale et sur des éléments spécifiques du référentiel. Ce jeu est disponible en téléchargement gratuit au format PDF, permettant aux joueurs de l’imprimer et d’y jouer à leur convenance.
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En somme, la réforme de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles espère réussir à adapter l’éducation aux réalités du 21ᵉ siècle tout en conservant certains éléments pertinents des programmes précédents et en améliorant la clarté, la précision et la progressivité des apprentissages. Sa mise en œuvre est assurément à suivre ces prochaines années!
Nous tenons à remercier le Ministère des Relations internationales et de la Francophonie du Québec et la Fédération Wallonie-Bruxelles qui ont rendu possible cette collaboration!